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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 5 novembre 2009 à 16h00
Commission élargie des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et des finances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

rapporteur spécial de la Commission des finances pour la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et le budget annexe « Publications officielles et informations administratives ». Le budget des services du Premier ministre proposé pour 2010 s'écarte peu des prévisions de la programmation triennale. J'insisterai sur plusieurs aspects remarquables de ce budget et je poserai trois questions au Gouvernement à ce sujet.

La situation est devenue plus compliquée cette année avec le rattachement à la mission de structures publiques nouvelles. Il y a d'abord des cabinets ministériels ; outre ceux présents l'an dernier figurent désormais celui du ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, celui du ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance et celui du secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale. S'ajoutent les crédits du Commissaire à la diversité et à l'égalité des chances, nommé par le président de la République le 16 décembre 2008. S'ajoutent également la mission interministérielle Union pour la Méditerranée et son conseil culturel. Enfin, les crédits du Conseil de la création artistique, installé le 10 février 2009, sont également rattachés à l'action 1 pour les rémunérations. Je dois admettre ne pas avoir bien compris le rôle assigné à ce Conseil. Le Président de la République a certainement une idée à ce sujet mais, ne pouvant l'interroger, je me tournerai vers vous, monsieur le ministre, pour vous demander de m'éclairer.

Ces transformations affectent la lisibilité du budget et justifient pleinement les éclaircissements que j'ai demandés d'abord à votre administration dans le cadre du questionnaire budgétaire, puis à votre cabinet, enfin à vous-même, monsieur le ministre. Je vous remercie de m'avoir courtoisement reçu.

Avec l'exécution du budget 2008, nous avions déjà constaté une surconsommation de crédits de rémunérations par rapport aux dotations prévues par la loi de finances initiale, le programme ayant dû bénéficier d'une ouverture de crédits par le décret d'avance du 28 novembre 2008. Nous avions constaté que le surcroît de dépenses par rapport à la prévision budgétaire était principalement imputable à deux chapitres : d'une part, l'augmentation de 6,1 millions des dépenses de rémunérations du cabinet du Premier ministre, des cabinets rattachés et du secrétariat général du Gouvernement ; d'autre part, le financement, pour 4,5 millions, d'une campagne d'information sur le pouvoir d'achat lancée par le service d'information du Gouvernement. Ce type de campagne ressortit de ce que l'on qualifiait en d'autres temps de propagande. Ne s'agissait-il pas de convaincre les Français que leur pouvoir d'achat avait augmenté ? Inutile de dire que même la meilleure des agences de communication aurait eu bien du mal à convaincre sa cible de quelque chose qui n'existait pas !

On ne peut que déplorer que, dans un contexte de rigueur budgétaire, la prolifération des structures gouvernementales et para-gouvernementales et les pratiques dispendieuses des cabinets ministériels aient pour conséquence la constriction du reste du budget du Premier ministre.

C'est pourquoi j'ai demandé que me soit communiquée la composition de chacun des cabinets ministériels relevant du programme en 2009 et 2010, en me transmettant dès sa validation l'extrait du jaune budgétaire correspondant. J'ai aussi demandé que soit précisée la ventilation entre ces cabinets des dépenses de personnel et de fonctionnement supportées par le programme ; que toute la lumière soit faite sur les indemnités pour sujétions particulières – régime juridique, prévision budgétaire et consommation réelle. J'ai encore demandé des précisions sur la consommation des crédits en 2007 et 2008 au regard des dotations en LFI, et que les écarts constatés soient expliqués, tout comme les mouvements intervenus en gestion. J'ai enfin souhaité connaître les effets du remaniement ministériel de juin 2009 sur les crédits des cabinets, ainsi que les prévisions de consommation pour 2009.

Or, au 10 octobre 2009, date fixée par la loi organique relative aux lois de finances, aucune réponse n'avait été adressée à la Commission des finances. Cette situation inadmissible constitue une véritable entrave aux droits du Parlement, dont on ne cesse pourtant de nous expliquer sur tous les tons qu'on va les revaloriser. Une réponse partielle, à laquelle il a fallu demander des compléments, nous a été adressée le 27 octobre 2009. Les compléments de réponse qui nous sont parvenus le 30 octobre 2009 présentent la particularité stupéfiante d'indiquer des écarts de montants si considérables avec ceux qui nous ont été données le 27 octobre pour les crédits hors titre 2 prévus en loi de finances initiale que cela confine à l'irrationnel.

Ces écarts très substantiels concernent non seulement la consommation des crédits mais aussi le montant de l'enveloppe initialement notifiée. Ainsi la notification initiale aurait-elle fixé l'enveloppe prévue pour les cabinets ministériels dépendant du Premier ministre au début de l'exercice 2008, à 2 997 866 euros selon la réponse du 27 octobre, mais à 5 098 000 euros si l'on en croit la réponse du 30 octobre. Selon cette dernière réponse toujours, la consommation de crédits hors titre 2 aurait représenté 3 310 528 euros en 2007 pour une notification initiale de 4 768 032 euros. Comment peut-on expliquer sérieusement une consommation de moyens de fonctionnement à ce point inférieure aux prévisions, alors que le nombre d'ETPT a progressé de plus de 10 % ?

Dans ces conditions, il est impossible de vérifier la réalité des éléments chiffrés transmis, à moins d'opérer un contrôle sur pièces et sur place – et l'on aura compris que les réponses obtenues cette année mettent en appétit à ce sujet pour l'année prochaine.

La question de fond est celle de la soutenabilité budgétaire de la gestion 2009 et de la gestion 2010. Faudra-t-il, comme l'an dernier, ouvrir avant la fin de l'année 2009 un décret d'avance pour abonder les crédits du Premier ministre ou procéder à cette ouverture en loi de finances rectificative ? Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour permettre un suivi réel des crédits des cabinets ministériels et donner au Parlement l'information sérieuse que le Gouvernement lui doit ?

Ma deuxième série de questions porte sur la situation aux Journaux officiels et à la Documentation française. Au 1er janvier 2010, le rapprochement des deux directions connaîtra une nouvelle étape avec leur fusion en une seule structure.

La réforme doit affirmer clairement la stratégie qui fonde le projet de décret instituant un conseil d'orientation de l'édition publique et de l'information administrative, et qui réaffirme pleinement la vocation du nouvel ensemble à se poser comme l'éditeur, l'imprimeur et le diffuseur de référence de l'État. Les démarches engagées pour prospecter les marchés sont encourageantes mais doivent être concrétisées. Les espoirs esquissés pourront ainsi devenir les éléments d'une politique ferme garantissant la pérennité des recettes, dont la prospection de nouveaux marchés est une condition. L'annonce de la mise en place du futur conseil d'orientation de la diffusion légale, de l'édition publique et de l'information administrative de l'État est en soi une bonne chose mais sa composition, qui ménage une large part au secteur privé, laisse planer un doute sur l'orientation de service public du nouvel ensemble, doute préjudiciable à la confiance nécessaire au parachèvement des mutations en cours. Il ne faudrait pas, par ce biais, introduire au choix un loup dans la bergerie ou une belette dans le poulailler.

Tout cela n'est-il pas le signe que, jusqu'à présent, les grands choix stratégiques ne se sont pas traduits clairement dans la direction de l'édition publique et de l'information administrative, ce qui est pourtant nécessaire pour créer l'environnement positif indispensable ? Je reconnais que l'achat, l'année dernière, d'une nouvelle machine était une mesure constructive, mais l'analyse du budget 2010 laisse planer des doutes sérieux sur l'avenir du nouvel ensemble, pourtant constitué de structures administratives et industrielles dont chacun connaît l'excellence. L'année 2010 sera en effet celle des recettes incertaines, du décalage des investissements et d'économies sur les emplois qui vont très au-delà des perspectives pluriannuelles de l'automne 2008. Ce sont là des motifs sérieux de ne pas être satisfait de l'évolution récente, mais au contraire inquiet, et de demeurer vigilant.

Le Gouvernement entend-il inciter les administrations à se tourner prioritairement vers la nouvelle structure pour l'impression, l'édition et la diffusion de leurs publications ? Chacun le sait, on n'atteindra pas cet objectif par le biais de circulaires mais par une pédagogie convaincante et directive en direction des ministères concernés. Je pense en particulier au Quai d'Orsay qui est, paraît-il, assez réceptif, et à l'Éducation nationale, qui le serait beaucoup moins.

J'en viens aux autorités administratives indépendantes, notamment à leur situation budgétaire.

Au moment même où le pouvoir exécutif avait entrepris de créer le Défenseur des droits, notre collègue Jean-Luc Warsmann faisait adopter un amendement visant à réduire les crédits des autorités des administratives indépendantes, pour des motifs demeurés obscurs, la seule raison invoquée étant que les dotations de fonctionnement ne devaient pas augmenter d'une année sur l'autre. On l'aura constaté, le président de la Commission des lois sait donc faire des soustractions simples…

Le Gouvernement propose dans le projet de loi de finances pour 2010 une augmentation très significative des dotations des autorités administratives indépendantes ; sur ce point, et exceptionnellement, nous sommes d'accord, monsieur le ministre. La prise en compte des missions nouvelles confiées à plusieurs des autorités administratives indépendantes regroupées dans le programme 308 « Protection des droits et libertés » induit en 2010 la modification du plafond pluriannuel 2009-2011. De ce fait, deux ETPT supplémentaires sont accordés au Médiateur de la République, dix au Conseil supérieur de l'audiovisuel, deux au Contrôleur général des lieux de privation de libertés, un à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, deux à la HALDE et quatorze à la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le nombre total d'ETPT du programme augmente de 32, passant de 636 en 2009 à 668 en 2010.

Toutes les personnes raisonnables, attachées à la défense des droits et des libertés, féliciteront le Gouvernement pour cet effort budgétaire en faveur des autorités administratives indépendantes. Alors que d'aucuns, tel notre collègue Richard Mallié, spécialiste du travail le dimanche, jugent pertinent de vouloir réduire les crédits de la HALDE, le Gouvernement porte ainsi en quelque sorte une forme d'appréciation sur les initiatives de notre collègue Warsmann et sur les amendements qui, d'aventure, iraient dans le même sens.

Selon le communiqué de l'Elysée du 13 mai 2009, « le Président de la République a souligné que la HALDE avait su faire la preuve de son utilité et de son efficacité pour lutter contre les discriminations. Il a indiqué que le Gouvernement continuerait de veiller à ce que les recommandations de la Haute autorité soient suivies d'effets concrets comme en 2008 s'agissant des limites d'âges à l'embauche ou de la scolarisation des enfants handicapés. Le Président de la République a encouragé la HALDE à continuer de mener des actions positives pour éviter les préjugés et développer l'égalité des chances. » Le Gouvernement serait-il en délicatesse avec le Président de la République à ce sujet ? Êtes-vous, monsieur le ministre, le Gouvernement est-il de l'avis du Président de la République ou de celui des auteurs de l'amendement réduisant les crédits de la HALDE ?

Je terminerai par une affaire qui a défrayé la chronique sous le nom fort malencontreux de « l'affaire de la douche » de Sarkozy, alors qu'il s'agit du sommet de l'Union pour la Méditerranée. Grâce à nos collègues du Sénat et à la Cour des comptes, nous disposons d'informations extrêmement précises sur le coût de ce sommet. Sans entrer dans le détail, il semble à première vue qu'il y ait eu beaucoup d'improvisation, de décisions prises illégitimement par le Président de la République, et non par le Gouvernement, comme elles auraient dû l'être, sans qu'on se préoccupe de leur financement, sans appel d'offres ni mise en concurrence d'aucune sorte, sans qu'on vérifie non plus la pertinence ou la faisabilité de toutes les manifestations prévues.

Le coût des repas a particulièrement défrayé la chronique. Il s'agit certes de montrer combien la France est éminente. Mais un dîner à plus de 7 500 euros par tête – encore mon collègue Dosière n'est-il pas d'accord sur ce chiffre –, un déjeuner à 4 000 euros, c'est tout de même un peu cher, au moment où on demande aux Français de faire des sacrifices. Si nous avions à Paris un centre de conférences international digne de ce nom, nous ne serions pas réduits à faire valser l'anse du panier dans des lieux de réunions improvisés. Je ne parle même pas de la réunion d'Avignon, qui a également coûté « la peau des fesses ».

Un des fonctionnaires que nous avions auditionnés sur cette mésaventure de quelques centaines de millions d'euros avait fini par reconnaître la nécessité de faire appel à l'avenir à quelqu'un de compétent : c'est cher payé la formation des hauts fonctionnaires ! Il semble que les responsables de cette gabegie n'ont été ni recherchés, ni a fortiori sanctionnés.

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