de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la politique immobilière de l'État et pour la gestion du patrimoine immobilier de l'État. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la politique immobilière de l'État trouve sa traduction dans les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et ceux du programme 309 du budget général « Entretien des bâtiments de l'État » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Dans ce cadre, je vous ferai part des quelques réflexions que m'ont inspirées les différents contrôles sur pièce et sur place que j'ai eu l'occasion d'effectuer au cours de ces derniers mois.
En 2010, le compte d'affectation spéciale devrait enregistrer des recettes estimées à 900 millions d'euros. Pour mémoire, elles étaient prévues à hauteur de 1,4 milliard en loi de finances initiale 2009. Toutefois, la baisse du marché de l'immobilier constatée depuis mi-2008 incite fort justement l'État à attendre des jours meilleurs pour la cession de ses immeubles. Les prévisions 2009 ne seront donc sans doute pas réalisées, mais c'est le bon sens qui le commande.
En application des règles du CAS, à l'exception du ministère de la défense qui récupère l'intégralité des cessions qui le concernent, 15 % des 200 millions d'euros issus des cessions des ministères – soit 30 millions d'euros en 2010 – devraient être affectés au désendettement de l'État. En vertu d'une clause de retour, 65 % du produit des cessions est attribué au ministère qui vend, les 20 % restants étant mutualisés entre les ministères, de façon à ce que les ministères gros propriétaires ne s'enrichissent pas au détriment de ceux qui possèdent moins. Une partie des cessions prévues en 2009 sera reportée sur 2010. Pour mémoire, les cessions réalisées en 2008 s'élevaient à 397 millions d'euros.
En 2010, l'État devrait continuer à rénover et à acheter : dans le présent projet de loi de finances, les dépenses immobilières représentent 870 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, contre 1,340 milliard en 2009.
L'article 28 du présent projet de loi de finances pour 2010 tend à modifier le périmètre du compte d'affectation spéciale en y intégrant les droits à caractère immobilier attachés aux biens. Cela se traduira par une extension des dépenses aux biens qui ne sont pas propriété de l'État. Cette modification me donne l'occasion de regretter à nouveau que le produit des cessions ne soit pas entièrement mutualisé entre les différents ministères. Faire de l'État un propriétaire unique, dont la gestion des biens serait confiée à un instrument unique, France Domaine, est une priorité absolue. La MEC et la commission des finances partagent cette conviction depuis 2005.
Par ailleurs, la stratégie de performance du compte d'affectation spéciale ne prévoit toujours pas de tableau de bord mesurant les indicateurs d'efficience immobilière des ministères. Ainsi, l'absence de ratios de surface et de coûts empêche les comparaisons entre ministères, ce qui en arrange plus d'un.
En 2010, il est prévu une extension du dispositif des loyers budgétaires à l'ensemble du parc immobilier de l'État, y compris aux services déconcentrés dans les départements. Cette extension est un vrai progrès. Les loyers seront logiquement indexés sur les prix du marché. Toutefois, cette règle n'est pas toujours respectée, j'en citerai un exemple. Ce dispositif des loyers budgétaires devra évidemment être étendu aux opérateurs de l'État, dont le patrimoine a été, par ailleurs, enfin et pour la première fois, entièrement répertorié, à quelques exceptions près. Je tiens d'ores et déjà à saluer ce que je considère comme une véritable avancée. Avec le recul, il est incroyable que cela n'ait pas été fait plus tôt.
Il faut se réjouir de connaître enfin le patrimoine complet des opérateurs de l'État, même s'il a fallu un courrier comminatoire du ministre Éric Woerth, menaçant de réduire les subventions et de supprimer la part variable de la rémunération des dirigeants, pour y parvenir. On voit bien là l'état d'esprit de certains de ces organismes. L'évaluation du parc par France Domaine est en cours. Espérons qu'elle ne nécessitera plus de faire appel à quelque forme de pression. Dans la foulée, tous les opérateurs devront présenter, avant le 30 juin 2010, un schéma pluriannuel de stratégie immobilière.
Le programme « Entretien des bâtiments de l'État », créé par la loi de finances pour 2009, regroupe les crédits d'entretien lourd incombant au propriétaire, dans le respect des objectifs du Grenelle de l'environnement pour son volet « État exemplaire ». Ces crédits sont prélevés sur les missions et programmes des ministères. Les dépenses d'entretien « sanctuarisées » à l'intérieur du programme, qui représentaient 12 % des loyers budgétaires en 2009, passeront à 16 % en 2010, puis à 20 % en 2011 – soit respectivement 77 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement en 2009, et 169 millions en 2010. À ces dotations s'ajoutent les crédits adoptés dans le cadre du plan de relance : 120 millions d'euros en crédits de paiement et 220 millions en autorisations d'engagement en 2009, et encore 120 millions d'euros de crédits de paiement en 2010. Cette mutualisation va dans le sens que nous souhaitons depuis quatre ans.
Les visites effectuées dans les services déconcentrés m'ont convaincu du caractère indispensable d'une gestion mutualisée des crédits d'entretien au niveau territorial. Or, j'ai pu constater des résistances – c'est le moins que l'on puisse dire – à cet objectif de gestion unifiée de l'immobilier de la part des administrations centrales.
Là où les services déconcentrés font preuve de beaucoup de bonne volonté, les services centraux, très souvent, trop souvent, refusent d'admettre qu'ils ne doivent plus se comporter en propriétaires. Il en résulte des conflits entre les préfets et les trésoriers payeurs généraux et une situation intenable pour les directeurs régionaux ou départementaux des services déconcentrés de l'État, pris entre la nécessité d'une mutualisation dans leur région ou leur département et des consignes venant de leur administration centrale qui ne veut pas lâcher ce qu'elle considère comme son bien.
Je voudrais souligner, pour la regretter, la complexité de la gestion des crédits du programme. En effet, les crédits sont mis à disposition de quatorze budgets opérationnels de programme en application d'une convention de délégation de gestion entre France Domaine et les responsables de BOP. Au-delà de la complexité de gestion, on voit que les ministères continuent à se considérer comme destinataires de ces crédits, au détriment de France Domaine.
Un mot à présent sur le projet de regroupement des services du ministère de la défense à Balard. Cette opération en cours est particulièrement importante. Le montant de la cession des emprises parisiennes du ministère par le biais d'une filiale ad hoc de la SOVAFIM et de la Caisse des dépôts et consignations, estimé à 800 millions d'euros, aurait initialement dû financer la rénovation de l'existant et la construction des nouveaux bâtiments. Cette somme servira finalement au financement de la loi de programmation militaire. Le projet Balard, évalué initialement à 600 millions d'euros, sera donc réalisé dans le cadre d'un partenariat public-privé prévoyant une dépense d'environ 100 millions d'euros par an, pendant trente ans. Cette somme intégrerait également le coût de services tels que l'entretien, le nettoyage, la restauration et, ce qui me laisse particulièrement perplexe s'agissant du ministère de la défense, la sécurité extérieure des bâtiments assurée par une société privée de gardiennage. Il est un peu curieux que l'armée, qui est censée garder les Français, soit obligée d'avoir recours au privé. Je souhaite vivement obtenir des explications quant à la ventilation de ces dépenses. J'imagine bien qu'il ne faut pas dévoiler les montants aux trois entreprises concurrentes déclarées pour cette opération. Mais il faut savoir ce qui figure dans l'appel d'offres, dans l'appel à candidature de ce projet PPP et connaître la part qui revient à la construction, à la rénovation par rapport à l'objectif initial de 600 millions d'euros. Nous devons savoir en quoi consistent les frais de fonctionnement qui seraient délégués à ces opérateurs privés.
J'en viens maintenant à certains des contrôles sur pièce et sur place effectués au cours de ces derniers mois.
Je veux d'abord évoquer, une nouvelle fois, le centre de conférences de l'immeuble du ministère des affaires étrangères, situé rue de la Convention à Paris. Le ministère a installé une grande partie de ses services dans l'ancien immeuble de l'Imprimerie nationale. Je ne reviens pas sur le montant de la vente de 4 ou 5 millions à une filiale du groupe Carlyle de droit luxembourgeois, montage qui a permis à cette société d'échapper aux plus-values.
L'immeuble rénové, après travaux, a été revendu 375 millions au ministère des affaires étrangères. Cet immeuble, de forme trapézoïdale, abrite en son milieu un centre de conférences qui aurait pu remplacer celui de l'avenue Kléber, qui a été cédé. Mais dans la mesure où des bureaux donnent dessus, ce qui engendrerait des problèmes de sécurité, il ne peut prétendre, pour le moment, au statut de centre de conférences international. De plus, il manque des salles de réunion pour les délégations étrangères. Cela étant – je reviens à l'exemple cité par M. Tron tout à l'heure –, les bureaux peuvent accueillir 1 400 agents alors que la RGPP, validée définitivement par un CMPP, prévoit, à terme, un effectif de mille agents, ce qui devrait dégager la surface suffisante pour la réalisation d'un centre de conférences international sans avoir besoin d'une autre implantation, qui coûterait au moins 100 millions d'euros.
Je souhaite également évoquer les deux agences immobilières du ministère de la justice qui donnent encore cette année matière à observation. Elles ont d'ailleurs fait l'objet de trois référés de la Cour des comptes. On peut légitimement s'interroger sur ce qu'apportent réellement l'Agence publique pour l'immobilier de la justice – qui s'est elle-même rebaptisée ainsi – et l'Établissement public du palais de justice de Paris, chargé de la construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris. Dans les deux cas, il y a confusion des rôles entre le propriétaire et l'occupant. À l'instar de l'Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels – EMOC – du ministère de la culture, je considère que ces deux agences ont une fâcheuse tendance à s'affranchir de la discipline induite par la nouvelle politique immobilière de l'État. En outre, je constate qu'il existe, au sein du ministère de la justice, des rôles redondants entre ces deux agences et les services du ministère, notamment les services administratifs régionaux.
Ma première recommandation consiste à mettre fin à l'absence totale de convention d'objectifs et de moyens. La réforme de la carte judiciaire devrait, selon le ministère, coûter 385 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 1 268 millions d'euros de travaux programmés par ailleurs sur les bâtiments judiciaires. Je parlais tout à l'heure de la confusion des rôles. Sur les 385 millions d'euros de travaux, 260 millions sont effectués par l'APIJ et 125 millions par les SAR. Pourquoi cette dichotomie existe-t-elle pour réaliser des travaux identiques ? Les sommes en cause justifient largement que le contrôle soit perfectionné. À tout le moins, une certaine cohérence doit être recherchée entre la réforme de la carte judiciaire et la politique immobilière du ministère. Il n'est pas forcément nécessaire de regrouper physiquement les tribunaux fusionnés. Des économies certaines pourraient être réalisées sur les 385 millions si l'on prenait en compte cet aspect.
L'Établissement public du palais de justice de Paris, en veille pendant cinq ans, a été réactivé. Le Président de la République a annoncé que ce tribunal serait réalisé dans le quartier des Batignolles. L'achat du foncier auprès de la SNCF est évalué à environ 60 millions d'euros. Il devrait s'opérer d'ici à la fin de l'année 2009. Dans le cadre du projet précédent sur le site de Tolbiac, le coût des travaux avait été estimé à 800 millions d'euros. À ce sujet, je m'interroge sur la nécessité de maintenir l'EPPJP en tant que maître d'ouvrage de l'opération, alors qu'il existe un opérateur général de l'immobilier, l'APIJ. On me répond qu'il fallait associer la ville de Paris, mais il aurait sans doute été possible de le faire sans multiplier les instances.
Nous avons également enquêté sur la rémunération du directeur commun aux deux agences – l'APIJ et l'EPPJP. Celui-ci ne perçoit qu'une rémunération, mais la Cour des comptes s'est aperçue que cette dernière n'avait pas de base légale, son montant ayant été fixé par le ministre du budget de l'époque au-dessus du plafond voté par le conseil d'administration de l'Agence.
Enfin, je souhaite évoquer le regroupement des services centraux du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer à la Défense, dans et autour de l'immeuble de la Grande Arche. J'ai pu vérifier l'implantation générale des différents immeubles occupés par le ministère. Le bien-fondé de cette opération de regroupement, en termes de fonctionnalité et d'efficacité pour l'activité quotidienne des personnels du ministère, n'est pas contestable.
J'ai pu apprécier les compétences acquises par les services chargés de la gestion immobilière du MEEDDM. Celles-ci mériteraient certainement d'être mises à disposition de l'ensemble des administrations et opérateurs de l'État dans le cadre de la mutualisation de l'entretien. J'ai en effet pu constater, à de nombreuses reprises, que l'efficience immobilière était loin d'être la règle chez ces derniers, mais il semble que le ministère fasse preuve de mauvaise volonté en l'espèce.
Cependant, au-delà de l'effet positif en terme fonctionnel, les services du ministère mettent en avant les conséquences financières bénéfiques de ce déménagement.