Plusieurs orateurs m'ayant posé les mêmes questions ou des questions se rejoignant, j'y répondrai de façon groupée.
Bernard Perrut s'est demandé comment distinguer déficience intellectuelle et déficience psychique. Une déficience, c'est une perte de la capacité d'utilisation ou un dysfonctionnement d'une partie du corps. Une incapacité, elle, est la conséquence d'une déficience : c'est l'impossibilité ou la difficulté à réaliser des actes élémentaires de la vie courante. S'il faut distinguer déficience intellectuelle et déficience psychique, j'ai pu constater lors de mes auditions qu'il pouvait arriver que des directeurs départementaux des affaires sanitaires et sociales eux-mêmes les confondent. Certes, des caractéristiques peuvent leur être communes, comme des difficultés de compréhension ou certains troubles du comportement ou de la personnalité. C'est la proportion de ces troubles qui distingue les deux types de déficience.
Si on lève la barrière d'âge, on en vient à la question de la convergence tarifaire et de là, à celle d'un cinquième risque. À titre personnel, je pense qu'il faudra s'engager dans cette voie, même si des progrès ont déjà été accomplis, pour ce qui concerne par exemple la prestation de compensation du handicap. Il faut absolument réfléchir à la création d'un cinquième risque, mais bien évidemment cette réflexion ne pourra pas aboutir à moyens constants. Je m'associe aux conclusions d'Isabelle Vasseur, rapporteur pour le secteur médico-social du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui a souligné l'importance de l'enjeu. Le Gouvernement a engagé une concertation avec les partenaires sociaux, portant notamment sur les sujets suivants : le financement de ce risque pourrait être assuré en partie par la solidarité nationale ; des partenariats pourraient être noués avec les organismes de prévoyance, collective ou individuelle ; les possibilités de contribution personnelle de chacun devraient être mieux prises en compte. Nous venons de créer une mission d'information, pilotée par Valérie Rosso-Debord, sur le financement du cinquième risque, qui devrait rendre ses conclusions au premier trimestre 2010. Au-delà des aspects financiers, il y va d'un choix de société.
Une formation spécifique des personnels à la prise en charge des personnes handicapées mentales, surtout vieillissantes, est essentielle – plusieurs d'entre vous y ont insisté. En février 2008, Mme Valérie Létard, alors secrétaire d'État chargée de la solidarité, avait proposé la mise en oeuvre de plans régionaux des métiers au service des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes. La déclinaison de ces plans doit prendre en compte la problématique relativement nouvelle des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes, qui appelle une prise en charge particulière, médicale, sociale et psychologique.
Il est vrai, comme l'a souligné Maxime Gremetz, que l'un des problèmes majeurs est que nous ne disposons pas de chiffres précis. Ceux que je vous ai donnés sont extrapolés « au doigt mouillé », par recoupements des résultats de diverses enquêtes. Or, il est très difficile de définir une politique adaptée et efficace sans connaître précisément le nombre de personnes potentiellement concernées. Cela étant, c'est en l'espèce assez délicat, car certaines personnes handicapées mentales vivent au domicile de leurs parents et ne se sont jamais signalées auprès de la maison départementale des personnes handicapées, ni n'ont jamais sollicité aucune aide. Mais, on pourrait obtenir des chiffres plus précis. D'où l'un de mes amendements proposant une étude « grandeur nature » pour obtenir des chiffres fiables et actualisés.
Nous nous intéressons bien entendu au sort de toutes les personnes handicapées. J'ai choisi de traiter plus spécifiquement dans mon rapport des personnes intellectuellement déficientes, car c'est un problème émergent, qui va aller croissant et suscite une très forte angoisse pour leurs parents, certains de ces derniers allant jusqu'à dire qu'ils préféreraient que leur enfant disparaisse avant eux. Nous avons tous reçu dans nos permanences des parents cherchant désespérément une solution pour un enfant handicapé.
Madame Carrillon-Couvreur, peu d'études ont encore été réalisées sur le sujet des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes, à l'exception d'un rapport du sénateur Paul Blanc. Il n'existe pas de réponse type, non plus que de solution miracle. Toute solution adaptée, permettant un accompagnement des personnes sans rupture, est bonne. On pourrait citer l'exemple de l'EHPAD créé à Saint-Saulve, commune dont Cécile Gallez est maire, où peuvent être accueillis à la fois la personne handicapée et ses parents âgés, ou bien encore la Maison Marie-Claude Mignet, en Vendée, où la personne handicapée, accueillie en même temps que ses parents, peut rester après leur mort, ce qui ne la perturbe pas trop. Mais, bien entendu, la prise en charge des personnes handicapées et des personnes âgées dans ces établissements est différenciée, avec du personnel formé et des activités distinctes pour chaque catégorie de résidents, même s'il y a des moments où tous se retrouvent.
Il faut favoriser la souplesse, la réactivité et les expérimentations. Je propose d'ailleurs un amendement en ce sens. Il n'est pas normal, comme l'a souligné Cécile Gallez, que les financements soient si longs à obtenir lorsque les conseils généraux et l'État sont cofinanceurs. Il suffit parfois d'autoriser la médicalisation de quelques places d'un foyer de vie ou d'hébergement, parfois de permettre à une personne de rester en établissement ou service d'aide par le travail au-delà de soixante ans, et de passer d'un type de structure à l'autre sans rupture. Il n'est pas pour cela nécessairement besoin de dispositions législatives systématiques. C'est plus une question d'état d'esprit et de bonne information des acteurs - préfets de région, préfets de département, présidents de conseils généraux et, demain, directeurs d'ARS. C'est pourquoi il faut permettre des expérimentations, et faire ainsi évoluer les mentalités.
Monsieur Domergue, il est vrai que, grâce au dépistage anté-natal, peu d'enfants trisomiques 21 naissent aujourd'hui en France : quelque 98 % des futurs parents dont le foetus est atteint de trisomie 21 choisissent, me semble-t-il, une interruption médicale de grossesse. Mais d'autres troubles, liés notamment à la très grande prématurité, apparaissent en nombre, sans parler de la frontière ténue entre déficience intellectuelle et déficience psychique. Les besoins resteront donc importants.
Il est essentiel que les départements soient encouragés à élaborer un seul schéma d'organisation des structures d'accueil, traitant simultanément des personnes âgées et des personnes handicapées. Les ARS auront un rôle majeur à jouer. La loi dite « HPST » a prévu que leurs schémas régionaux seraient établis en tenant compte des schémas départementaux arrêtés par les conseils généraux. Par ailleurs, avant d'élaborer ces schémas régionaux, les directeurs généraux des ARS consulteront les présidents de conseils généraux. Enfin, chaque agence régionale devra engager une concertation avec les conseils généraux, afin de mieux connaître les besoins des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Telle est la loi. Reste à l'appliquer : il faudra être vigilant.
Madame Poletti, une réflexion est en cours sur le statut des maisons départementales des personnes handicapées. Le sénateur Paul Blanc a remis un rapport sur le sujet en juin dernier. Une simplification des procédures a également été lancée par le Gouvernement, en lien avec les professionnels des maisons et les associations.
S'agissant de la CNSA, madame Hoffman-Rispal, il faut rappeler que le Président de la République s'est engagé à créer 51 000 places d'accueil pour personnes handicapées d'ici à 2015, dont 39 000 pour adultes et 12 000 pour enfants. D'ici à 2012, 30 000 places auront été créées, dont 9 625 en 2008 et 6 925 en 2009. Nul ne peut nier l'effort consenti par l'État. Enfin, tous les crédits consacrés aux personnes handicapées ne figurent pas dans le projet de loi de finances. Certains figurent dans l'ONDAM de la loi de financement de la sécurité sociale, d'autres, concernant notamment les entreprises adaptées, dans le budget du travail et de l'emploi, d'autres encore dans celui du ministère de l'Éducation. Au total, l'effort national en faveur des personnes handicapées s'élève ainsi à 38 milliards d'euros en 2008.