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Intervention de Paul Jeanneteau

Réunion du 4 novembre 2009 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Jeanneteau, rapporteur :

Avec des crédits d'un montant de 9,1 milliards d'euros, le budget pour 2010 du programme « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmente de 5,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009, confirmant la dynamique de l'année précédente où les crédits avaient augmenté de 6,5 % entre 2008 et 2009.

Cet effort, particulièrement significatif en temps de crise, mérite d'être salué. Il témoigne d'une réelle constance de la politique au profit des personnes handicapées et des personnes dépendantes, conforme aux orientations définies par le Président de la République dans le discours qu'il a prononcé lors de la conférence nationale du handicap le 10 juin 2008.

Trois points méritent d'être soulignés. Tout d'abord, l'attribution de moyens nouveaux aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), la dotation de l'État passant de 14,9 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2009 à 21,7 millions d'euros dans le présent budget. Ensuite, le financement de 1 400 places nouvelles en établissements et services d'aide par le travail (ESAT), conformément au plan pluriannuel de création de places d'accueil au profit des personnes handicapées. Enfin, la poursuite de la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), conforme à l'objectif global d'une revalorisation de 25 % en cinq ans.

Mais l'examen détaillé des crédits de ce programme n'est pas l'objet principal de mon rapport. J'ai en effet choisi de centrer mon analyse sur la prise en charge des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes.

La question du vieillissement de ces personnes est relativement nouvelle, liée à l'allongement de leur espérance de vie, parallèle à celui constaté dans la population générale. Alors qu'en 1929, l'espérance de vie d'une personne trisomique était de neuf ans, elle est passée à 55 ans en 1990.

Dans le même temps, et bien que ce sujet appelle la prudence, de nombreuses personnes entendues, au cours de la vingtaine d'auditions que j'ai menées, ont insisté sur la spécificité du vieillissement des personnes handicapées, notamment leur fatigabilité beaucoup plus importante à partir de quarante-cinq ans, qui appelle une prise en charge spécifique. Le vieillissement de ces personnes constitue une préoccupation majeure pour les familles, d'autant qu'il va souvent de pair avec celui de leurs aidants, le plus souvent des membres de la famille.

Si la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes est un sujet bien identifié et cette réalité bien établie aujourd'hui, elle est encore insuffisamment quantifiée, cela pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le vieillissement des personnes handicapées est lui-même encore récent. Ensuite, la notion de déficience intellectuelle n'est pas toujours facile à appréhender et à distinguer de déficiences voisines, en particulier psychiques. Enfin, la seule étude complète sur la détermination du nombre de personnes intellectuellement déficientes vieillissantes semble être l'enquête Handicaps-Incapacités-Dépendance (HID) menée en 1998-2001 par l'INSEE et la direction statistique des ministères chargés du travail, du budget et de la santé, il y a donc près de dix ans. Selon cette enquête, on dénombrait environ 635 000 personnes handicapées vieillissantes, dont 267 000 avaient soixante ans ou plus et 140 000 soixante-dix ans ou plus. Environ 44 % de ces personnes, soit environ 280 000, souffriraient d'une déficience intellectuelle ou mentale.

L'enquête « Établissements sociaux et médico-sociaux », conduite auprès des structures par la direction statistique que je viens d'évoquer, dénombrait, pour sa part, au 31 décembre 2006, 3 659 établissements accueillant 118 865 personnes handicapées. Ces chiffres sont en augmentation de 20 % par rapport à 2001. Sur cet ensemble, on peut estimer à 46 000 le nombre de personnes intellectuellement déficientes vieillissantes – de plus de 45 ans. En outre, quelque 12 000 personnes intellectuellement déficientes seraient accueillies dans des structures pour personnes âgées, maisons de retraite ou unités de soins de longue durée.

Ces données sont intéressantes mais fragiles, fondées parfois sur des hypothèses incertaines et des extrapolations. En outre, elles ne permettent pas de répondre à toutes les questions. Combien de personnes intellectuellement déficientes attendent-elles qu'une place se libère en établissement ? Quelles projections pour l'avenir ? Certaines associations font des estimations. Ainsi, l'une d'entre elles a-t-elle demandé un programme pluriannuel de création de 30 500 places dédiées à l'accueil et à l'accompagnement des personnes handicapées mentales vieillissantes, à horizon de cinq ans.

Ces incertitudes sur le diagnostic exigent que soit mis en oeuvre un dispositif de suivi, sur le plan national, des structures au service des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes, dans le cadre de l'enquête HID, et que les personnes concernées soient recensées, de manière à établir clairement les besoins. Je proposerai un amendement en ce sens.

Si la question du vieillissement des personnes intellectuellement déficientes gagnerait à faire l'objet d'études plus systématiques pour une meilleure évaluation des besoins, des avancées nombreuses ont déjà eu lieu ces dernières années, qu'il s'agisse de la programmation des politiques publiques, de la coordination des actions menées sur le terrain, de la mutualisation des moyens entre établissements ou encore de la formation des personnels du secteur médico-social. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital, mais aussi le plan annuel de création de places dans les structures d'accueil mis en oeuvre depuis 2008, constituent déjà autant d'outils efficaces.

Ces outils visent à développer les structures d'accueil aujourd'hui bien identifiées des personnes handicapées qui avancent en âge : maintien à domicile ou en milieu familial ; accueil en foyer d'hébergement ou passage en foyer de jour ou occupationnel ; séjour en foyer d'accueil médicalisé ou en maison d'accueil spécialisée ; accueil en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

De manière générale, avec l'avancée en âge, le passage d'une structure à une autre est d'autant plus difficile que divers éléments, parfois contradictoires, sont à prendre en compte. D'aucuns préconisent le maintien dans la structure d'origine le plus longtemps possible, au besoin par le recours complémentaire à des structures médicalisées externes et l'intervention de services d'accompagnement à la vie sociale ou de services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés. D'autres invoquent le risque d'engorgement des structures au détriment de l'accueil des nouvelles générations. Des questions de financement se posent également car, selon les structures, les financeurs ne sont pas les mêmes : si les établissements ou services d'aide par le travail sont financés par l'État, les foyers d'accueil médicalisés le sont par l'assurance maladie pour ce qui concerne les soins et par les conseils généraux pour ce qui relève de l'hébergement.

Je ne serai pas complet sans évoquer la « barrière d'âge » de soixante ans, maintes fois soulignée pendant les auditions : trop de structures imposent encore, en effet, une limite d'âge pour l'accueil des personnes handicapées, en l'absence pourtant de toute disposition législative ou réglementaire en ce sens. Je proposerai un amendement à ce sujet.

De même, il existe encore des inégalités dans l'attribution des prestations aux personnes handicapées selon leur âge et il sera intéressant d'entendre la position du Gouvernement sur cette question en séance publique.

Parce que les solutions que je viens d'évoquer ne suffisent pas toujours sur le plan quantitatif et qualitatif, des initiatives complémentaires ont vu le jour. Elles permettent de mettre l'accent sur certaines priorités et constituent autant de pistes de réflexion pour l'avenir, tant il faut élargir la palette des solutions envisageables. Je crois sincèrement que c'est dans le foisonnement des initiatives ponctuelles, souvent expérimentales, que se joue l'avenir de la prise en charge des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes. C'est d'ailleurs pourquoi je présenterai un amendement encourageant les expérimentations.

De mes auditions et de mes déplacements pour la préparation de cet avis, je retiens cinq axes principaux de réflexion.

Premier axe : préserver la continuité des parcours. Une première exigence est, en effet, d'éviter les changements de structures d'hébergement, vécus comme des ruptures par les personnes vieillissantes, et de privilégier les solutions graduées. Dans le Nord, une expérience permet à des personnes handicapées travaillant en établissement ou service d'aide par le travail de cesser progressivement leur activité, en entrant en accueil de jour à mi-temps.

Deuxième axe : favoriser l'adossement des unités dédiées aux personnes handicapées vieillissantes à des structures existantes. Les expériences actuelles tendent à privilégier l'accueil d'un nombre restreint de personnes handicapées vieillissantes, dans des unités de petite taille, créées au sein notamment d'EHPAD. Ces solutions ont le mérite de favoriser une certaine mutualisation des moyens et les échanges d'expériences, comme l'illustre le développement des unités pour personnes handicapées vieillissantes (UPHV) et des unités pour personnes handicapées âgées (UPHA) dans le Maine-et-Loire.

Troisième axe : repenser l'aide aux familles. Le problème du vieillissement des aidants, notamment des parents, a été très fréquemment soulevé lors des auditions. Des solutions existent aujourd'hui, qui consistent à accueillir à la fois la personne handicapée et ses parents. L'hébergement en EHPAD peut, dans certains cas, être opportun. Mais d'autres solutions existent pour l'accueil des familles. Les représentants de la maison Marie-Claude Mignet nous ont ainsi fait part d'une expérience novatrice menée en Vendée, où une quinzaine de personnes handicapées sont accueillies avec leurs parents. L'existence, au sein de la structure, de places d'accueil temporaire, permet une certaine souplesse, le moment venu, pour l'accueil de nouvelles personnes en cas de décès au sein d'une famille.

Quatrième axe : équilibrer les dimensions sociale, économique et territoriale des projets. Si la dimension sociale de l'accueil des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes est évidente, les dimensions économique et territoriale des projets ne doivent pas être négligées. Le foyer de vie Thérèse Olivier à Somain dans le Nord, que j'ai pu visiter, est une réalisation d'exception qui, tant au plan architectural que dans les échanges avec la municipalité et les associations locales, en fait un élément structurant d'aménagement du territoire. Créer une structure, c'est aussi parfois un moyen de dynamiser ou redynamiser un territoire sur le plan économique.

Cinquième axe : favoriser la médicalisation des structures existantes, en privilégiant une certaine souplesse. On pourrait ainsi encourager la médicalisation d'une ou de quelques places en foyer, en autorisant des procédures simplifiées pour l'obtention des agréments requis comme des financements.

Les expérimentations sont nombreuses et riches. Pourquoi ne pas confier par exemple à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) le soin de les recenser de manière exhaustive, de façon à favoriser les échanges d'expériences et la diffusion des bonnes pratiques ?

Pour conclure, il me semble important de rapprocher les politiques du handicap et de la dépendance, encore trop souvent scindées. Beaucoup, déjà, a été fait sur cette voie. Mais des progrès sont encore possibles. Je proposerai un amendement encourageant les départements à élaborer des schémas départementaux d'organisation des structures d'accueil, consacrés simultanément à la gérontologie et au handicap. C'est aussi l'un des moyens de faire de la prise en charge des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes l'une des priorités de nos politiques publiques futures.

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