Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous avez certainement – tout particulièrement vous, monsieur Wauquiez – l'une des tâches les plus difficiles de ce gouvernement.
D'abord, le chômage croît et les chiffres annoncés ne sont pas rassurants. Je voudrais cependant vous faire observer que la courbe du chômage a commencé à s'infléchir avant la crise spéculative de l'été 2008. En effet, dès le second trimestre, un début de destruction d'emplois et d'inflexion de la courbe du chômage a été observé, ce qui nous a amenés à réfléchir sur les politiques à mettre en place.
Ensuite, la tâche est difficile car les moyens sont limités : mes collègues se sont exprimés sur le sujet, je n'y reviens pas. Les députés socialistes ont même déposé des amendements pour que soient renforcés les crédits affectés à l'ASS et à l'allocation équivalent retraite. Nous nous interrogeons sur la manière dont vous anticipez une situation qui ne pourra que se dégrader en 2010, et surtout en 2011, lorsque les indemnisations s'achèveront et que les salariés n'ayant pas retrouvé un emploi, qui ne seront donc pas les premiers bénéficiaires d'une éventuelle reprise, seront en grande difficulté sociale. Il faut anticiper l'augmentation indispensable et inéluctable des moyens consacrés à l'emploi, en particulier à la couverture sociale et à l'indemnisation des chômeurs qui ne seront plus couverts par aucun dispositif.
Enfin votre tâche est difficile parce que votre politique manque de cohérence. Cela a été démontré à propos des maisons de l'emploi. Comment appréhender la politique de l'emploi alors que l'on n'a pas décidé qui était le pilote ? De ce point de vue, la réforme de Pôle emploi est restée en chemin. Entre les maisons de l'emploi, les directions du travail, les autorités regroupées autour de Pôle emploi, qui est réellement responsable sur le terrain de la politique de l'emploi ? Il faudrait, au contraire, concentrer les moyens et les énergies sous une seule autorité pour mener la bataille de l'emploi, qui n'a jamais été aussi importante qu'aujourd'hui.
Messieurs les ministres, vous ne parviendrez pas à relever ces défis si vous n'abordez pas de front les questions de fond, car il ne s'agit pas simplement de questions conjoncturelles.
La première question de fond est celle d'un système d'assurance chômage qui privilégie l'indemnisation plutôt que le reclassement professionnel.
La deuxième concerne un système de formation professionnelle qui, malgré la réforme introduite, probablement trop précipitamment – trop peu de temps a été laissé aux partenaires sociaux – continue à bénéficier d'abord aux mieux formés, au détriment de ceux qui auraient le plus besoin de se former.
La troisième, c'est un régime d'exonérations et d'aides publiques qui soutient les emplois les moins qualifiés alors qu'il faudrait donner la priorité aux emplois à plus forte valeur ajoutée.
Il faut donc s'engager dans un vrai processus de réforme : pas seulement en parler, mais le faire !
Cela veut dire d'abord qu'il faudrait engager une réforme de l'assurance chômage où le montant et la durée d'indemnisation seraient calculés non sur les droits acquis, mais sur le besoin de reclassement professionnel et les délais de ce reclassement.
Cela veut dire ensuite qu'il faudrait mener à bien une vraie réforme de la formation professionnelle, qui accompagne un plan de qualification ou de requalification des salariés en leur donnant la priorité et vienne briser un certain nombre de tabous, de frontières, d'intérêts qui minent une véritable politique de formation professionnelle. À titre personnel, je ne serais pas choqué par l'idée de regrouper les moyens de la formation professionnelle avec ceux de l'assurance chômage dans une perspective consistant à privilégier le reclassement, la formation et la qualification.
Cela veut dire encore qu'il faut engager une territorialisation des politiques de l'emploi en mettant en place des agences de l'emploi qui aient la totalité des compétences et qui soient liées par des contrats d'objectifs à l'État et aux autorités locales.
Cela veut dire enfin qu'il faut revenir sur les exonérations de cotisations sociales, non pour les supprimer mais pour les remplacer par une franchise de base et orienter les moyens rendus disponibles vers une politique de qualification de ceux qui occupent des emplois menacés par la concurrence des pays à bas salaires.
C'est à ces conditions, qui anticipent à la fois sur l'évolution du marché du travail consécutive aux changements démographiques et sur les problèmes que nous allons rencontrer à la sortie de crise, que nous pourrions avoir une politique de l'emploi réellement efficace.
Cela supposerait aussi, messieurs les ministres, que vous ne soyez pas seulement réunis sur ce banc à l'occasion du débat budgétaire, mais que le travail et l'emploi soient à nouveau réunis dans un seul et même ministère. C'est une absurdité d'avoir placé le secrétariat d'État à l'emploi sous la tutelle du ministère de l'économie dans la mesure où il est impossible de distinguer aujourd'hui politique du travail et politique de l'emploi. C'est vrai pour la formation, le temps de travail et les conditions de travail. Ce qui a des conséquences sur le travail a des conséquences sur l'emploi et vice-versa. Je vous invite donc à vous pacser, messieurs les ministres, si la formule peut s'appliquer au sein du Gouvernement ! (Sourires.)
Je reprendrai à mon compte l'observation de mon ami Gérard Cherpion sur le fonds de revitalisation des territoires ruraux réclamé depuis deux ans, accepté en principe par Mme Lagarde et qui devait être financé par une taxation sur l'ensemble du territoire des entreprises qui licencient, laquelle, malheureusement, n'a pas été mise en place.
Au moment de conclure, je voudrais, à cette tribune, parler au nom de l'ensemble des salariés qui sont touchés de plein fouet par la crise, en particulier dans mon département, qu'ils appartiennent aux entreprises FOG, Henkel, ATB Selni ou plus particulièrement FAS, dans le Cher, sur laquelle j'appelle votre attention. J'en parle d'autant plus librement qu'elle ne se trouve pas dans ma circonscription. Les salariés de FAS à Saint-Satur sont aujourd'hui victimes d'une liquidation pure et simple, avec un plan social vide dans la mesure où le propriétaire chinois n'a pas mobilisé de moyens. Il serait nécessaire que l'État vienne les appuyer pour leur apporter, à défaut d'une réponse économique, une réponse sociale et humaine adéquate.
Compte tenu des faiblesses de ce budget et surtout de votre politique, il n'est évidemment pas question pour le groupe socialiste de voter les crédits d'une mission dénommée « Travail et emploi », mais qui n'apporte pas de vraie réponse aux questions pourtant cruciales du travail et de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)