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Intervention de Michel Liebgott

Réunion du 5 novembre 2009 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2010 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Liebgott :

Chacun comprendra que l'analyse que je vais présenter est assez différente de celle de notre collègue de l'UMP. La crise est profonde et nous sommes encore dans le rouge. C'est plus particulièrement vrai en France. J'en veux pour preuve le chiffre du chômage du mois dernier : il est en progression de 1,3 % sur un mois et de 16,6 % par rapport à septembre 2008.

En commission des affaires sociales, vous nous avez laissé croire que la situation était meilleure en France. Je veux réaffirmer ici qu'en Allemagne le taux de chômage est aujourd'hui équivalent à celui que nous avions en France voilà un an. Les chiffres du dernier mois montrent chez nos voisins une diminution de 118 000 du nombre des chômeurs, soit 0,3 % de moins. Le taux de chômage en Allemagne est de 7,7 % : il était de 7,8 % en France à la fin de l'année dernière, contre 9,5 % environ aujourd'hui et 10 % voire 10,5 % l'année prochaine. C'est dire si nous ne sommes pas, loin s'en faut, les meilleurs élèves de la classe !

De surcroît, ce sont les secteurs stratégiques qui sont les plus en crise : l'industrie perd encore 52 000 emplois, après une perte de 48 000 emplois au premier trimestre 2009 et de 26 000 emplois au quatrième trimestre 2008. La désindustrialisation est en route et c'est une source d'inquiétude supplémentaire puisqu'il s'agit d'emplois structurants.

On oublie de le dire : ces pertes d'emplois industriels ont des conséquences sur l'intérim et les sous-traitants. L'intérim est véritablement laminé, ce secteur a perdu 225 000 emplois. J'en parle en connaissance de cause : à Gandrange, on a acté la disparition d'une aciérie, soit la perte de 575 emplois, mais on n'évoque pas le sort de tous les intérimaires et la suppression de tous les CDD. Ils ne sont pas comptabilisés dans le plan social.

Il faut souligner aussi que les entreprises utilisent parfois – c'est l'effet d'aubaine – cette situation de crise pour hâter des restructurations qui n'étaient pas forcément nécessaires. C'est dire si notre analyse est fondamentalement différente de la vôtre !

Alors, ce projet de budget pour 2010 est-il à la hauteur de la crise et des angoisses de nos concitoyens ? Non. À périmètre constant, il est en diminution de 1,73 %. Ce qui est grave, c'est que l'année prochaine nous repartirons pour le budget 2011 avec une mission en baisse. C'est dire si l'effet d'optique lié au plan de relance est intelligent sur le plan de la tactique gouvernementale mais catastrophique sur celui des politiques de l'emploi ! À la suite des interventions récurrentes du Président de la République, vous faites des coups successifs mais, au bout du compte, on ne sait plus où on en est. Une chose est sûre en tout cas : la mission est en diminution et les futurs projets de loi de finances partiront sur des crédits en baisse. C'est dire si l'emploi n'est pas votre priorité sur le plan structurel – je reviendrai sur les quelques actions conjoncturelles que vous engagez. Vous dites que votre priorité, c'est la situation des entreprises. Il ne s'agit pas en tout cas de celles qui créent des emplois. Ainsi, la réduction de la TVA n'a pas eu un effet clairement constaté dans les salaires ou les embauches.

Si nous examinons le programme 102 « Accès et retour à l'emploi », nous constatons qu'il paie un lourd tribut avec des coupes très importantes : moins 2,5 %. Or ce programme concerne précisément les populations les plus en difficulté, les plus éloignées du marché de l'emploi. S'agissant par exemple du chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans, on est passé en un an de 18,7 % à 23,9 %. C'est dire si vous ne vous préoccupez pas de ces populations plus défavorisées. On pourrait multiplier les exemples et mes amis y reviendront.

S'agissant de l'AER, on aurait pu penser, puisque les plans sociaux se multiplient, que les seniors peinent à trouver des emplois, que vous alliez reconduire cette allocation en 2010. Eh bien, tel n'est pas le cas ! Il en est de même pour l'allocation de fin de formation. Aucune nouvelle entrée : on se contente de prolonger les entrées 2009 ; Jean-Patrick Gille y reviendra plus longuement.

S'agissant de l'insertion par l'activité économique au travers des entreprises d'insertion, vous n'avez pas choisi de revaloriser « l'aide au poste ». Cela fait pourtant des années que le Comité national des entreprises d'insertion vous demande de le faire. Elle concerne en effet des populations en difficulté et pourrait servir de passerelle vers un retour à l'emploi pérenne. Le Comité dit que l'AP n'a pas changé depuis dix ans. Certes, je n'ai pas vérifié tous les bleus mais depuis 2006, en tout cas elle est toujours de 9 681 euros. Le Comité considère à juste titre qu'il faudrait que l'AP atteigne 12 500 euros pour que cette filière puisse subsister. Nous pouvons tous citer des exemples. Dans ma circonscription, une entreprise qui fait de la récupération et du traitement des déchets permet ainsi à des gens qui ne travailleraient pas autrement de le faire et donne la possibilité de passer d'un travail temporaire à un travail définitif.

Vous redécouvrez les emplois aidés. Une année, on a critiqué leur disparition, l'année suivante, on a considéré que c'était un effet d'aubaine : cette fois-ci, vous avez compris que c'était la seule solution. Le taux de subvention de l'État passe ainsi de 70 % à 90 % – cela a été acté fin mars dans le fameux plan de relance. S'il a fallu tant de temps pour que les collectivités locales acceptent à nouveau de jouer le jeu, c'est que vous aviez instauré un climat de défiance. Les collectivités locales ne peuvent pas gérer au coup par coup, y compris les emplois aidés. L'emploi aidé ne doit pas servir uniquement à se tirer d'une mauvaise passe : il faut prévoir aussi une formation si l'on veut qu'il débouche sur un emploi définitif. Si vous pouvez espérer que les emplois aidés compensent les effets de la crise, c'est bien parce que les collectivités territoriales se mobilisent : elles croient dans ce dispositif même si elles ne croient pas à vos promesses.

Soyons attentifs à ce qu'il n'y ait pas de rupture entre la prescription des anciens contrats et le nouveau contrat. Encore une de vos marques de fabrique : vous changez continuellement les règles du jeu. Nous verrons bien ce que donnera le contrat unique d'insertion. Veillons en tout cas à ce que cette mise en place ne vienne pas perturber ceux qui bénéficient aujourd'hui d'un contrat aidé. J'ai connu cette situation avec les dispositions relatives aux adultes relais. M. Borloo prétendait dans cet hémicycle qu'elles n'étaient pas supprimées alors que nous constations sur le terrain que les associations avaient dû licencier les personnes concernées pour les réembaucher quelques mois après. Il y a le discours que l'on tient ici et la réalité du terrain.

C'est vrai aussi s'agissant de Pôle emploi, et Monique Iborra et Annick Girardin y reviendront. Il faut être dans l'illusion ou la méconnaissance totale du terrain pour laisser croire que cela se passe bien. Nous avions émis des réserves au moment de la réforme. Nous constatons aujourd'hui qu'un conseiller de Pôle emploi rencontre non pas 60 personnes mais 150 ou 160, alors qu'on nous en avait annoncé 30 pour les publics défavorisés. L'entretien unique n'est donc pas du tout traduit dans les faits, loin s'en faut. Comme je le disais précédemment, ce sont les publics les plus défavorisés, ayant le plus besoin d'accompagnement, qui, une fois de plus, paient le tribut le plus lourd à la crise, et non pas ceux qui habituellement s'en sortent.

D'ailleurs, les syndicats de Pôle emploi, avec lesquels vous négociez une convention collective, ne demandent qu'une seule chose : un peu de détente et une suspension de la réforme.

Calmons-nous, allons-y tranquillement ! Ne mettons pas la pression, sinon nous arriverons à une situation similaire à celle que nous connaissons malheureusement à France Télécom, ce qui aurait évidemment – mais ce paramètre ne peut être comptabilisé – des conséquences néfastes sur les publics les plus défavorisés.

En effet, ces personnes peuvent elles aussi souffrir, sur les plans moral et psychologique, si elles ne se sentent pas prises en charge et si elles ne peuvent pas bénéficier d'autre chose que d'un simple coup de fil. Vous savez très bien que rien ne remplace la rencontre individualisée.

En ce qui concerne les contrats d'autonomie, on pourrait presque rire du résultat. Dans le cadre du plan espoir banlieues, Fadela Amara nous avait annoncé qu'on allait enfin mettre fin à la « glandouille » dans les quartiers en difficulté.

Je sais bien qu'il est devenu à la mode d'utiliser des expressions comme « casse-toi », ou « nettoyer au Kärcher ». Plus récemment encore, on nous a parlé d'empêcher les jeunes de moins de treize ans de traîner dans les rues.

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