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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 3 novembre 2009 à 15h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est en 1991, avec la trop fameuse directive 91440, que la Commission européenne a commencé de déréglementer le transport ferroviaire, érigeant la concurrence en dogme, alors que tous les pays européens disposaient d'opérateurs historiques dont la coopération aurait pu être développée, ce qui aurait donné bien davantage de sens à la construction européenne qu'elle n'en a aujourd'hui, que cela soit dans le domaine du transport ferroviaire, dans le domaine postal, dans le domaine de l'énergie ou des industries de réseau.

Après France Telecom, GDF, La Poste, c'est au tour de la SNCF d'être menacée par ce dogme européen de la concurrence libre et non faussée et par les conséquences des politiques libérales successives dans notre pays.

À tout le moins, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise actuelle aurait dû conduire à un peu plus de retenue en ce domaine. Rappelons qu'après avoir contraint la SNCF à des investissements lourds, synonymes d'endettement, l'État a imposé la séparation des infrastructures et la création de Réseau ferré de France. Cette séparation opérée sans désendettement, contrairement à ce qui s'est fait en Allemagne, a entraîné pour RFF la chute des investissements, donc un recul dans l'entretien des infrastructures, en particulier des lignes classiques et régionales, avec pour conséquence des vitesses commerciales de plus en plus faibles et, pour la SNCF, des difficultés à moderniser ses matériels. Je vous renvoie au bilan que l'école polytechnique de Lausanne a dressé de l'état de notre réseau.

Les mutations de l'outil industriel dans notre pays, la fin des charbonnages, la répartition nouvelle des bassins industriels sur nos territoires et l'explosion du trafic portuaire conteneurisé auraient dû conduire à investir lourdement dans de nouvelles infrastructures comme dans de nouveaux matériels.

Au lieu de cela, les plans fret successifs n'ont eu d'autres résultats que de jeter 2 millions de camions supplémentaires sur les routes, de supprimer 10 000 emplois de cheminots et de laisser se dégrader davantage encore des milliers de kilomètres de voies.

Le wagon isolé fut identifié comme le premier foyer des pertes financières et des centaines de gares furent fermées à ce trafic. Votre texte consacre l'abandon de la politique de volume, la fermeture des triages et les refus de contrats au détriment de l'attractivité économique des territoires. Pensons à ce marché de 1 050 wagons par mois proposé par un groupe de la distribution à Portes-lès-Valence. C'est un mauvais coup porté au Grenelle de l'environnement et une négation du rôle historique de la SNCF dans l'aménagement du territoire.

Pourtant, avec le transport régional, les efforts des régions montrent que rien n'est inéluctable : le trafic et le nombre de voyageurs augmentent et l'ouverture de nouvelles lignes est à l'ordre du jour afin de mieux répondre aux objectifs du Grenelle et à l'intérêt général. Mais le dogme libéral est bien là. Alors qu'en janvier 2008, le Gouvernement affirmait que les régions n'avaient pas à craindre l'application du règlement OSP visant à confier les services de voyageurs à d'autres opérateurs que la SNCF, votre texte ouvre la voie à cette orientation. Il prend acte du développement de la concurrence tous azimuts, ce que nous condamnons s'agissant du transport ferroviaire.

Quant aux opérateurs ferroviaires de proximité, les OFP, dont vous annoncez la création, en particulier pour les réseaux ferrés portuaires, avec des conditions techniques et de sécurité réduites, ils confirment la priorité donnée aux filiales de la SNCF ou à des opérateurs privés, aux dépens de l'ÉPIC SNCF, accélérant son démantèlement et approfondissant les menaces pesant sur le statut de cheminot avec d'autant plus de force que toute l'entreprise est touchée : les gares, les voies, l'ingénierie, les trafics. C'est cet objectif que vient couronner la création de l'autorité de régulation des activités ferroviaires. On sait en effet qu'en règle générale, les autorités de régulation sont là pour veiller à ce que la concurrence se mette bien en place, donc pour réduire la place de l'opérateur public historique.

Alors que la privatisation des autoroutes a fait perdre des milliards de recettes à l'AFITF, vous annoncez que l'État va verser 7 milliards pour des investissements. Au-delà de la gabegie, et comme cela a été souligné en commission par le rapporteur lui-même, c'est un plan de communication qui ne peut faire oublier les dures réalités que subissent aujourd'hui les cheminots et les voyageurs, conséquence du manque d'investissements dans l'infrastructure et dans les matériels, confirmé par les insuffisances de votre budget 2010.

La logique de cette politique repose sur le recours accru aux partenariats public-privé, ce qui implique une rémunération des capitaux investis – je ne connais pas de détenteur de capitaux qui n'exige une rentabilité la plus forte possible –, des pressions exercées sur les collectivités locales afin qu'elles contribuent toujours plus aux investissements dans un contexte pourtant marqué par des menaces sur leurs ressources, une hausse des péages et des menaces sur les salariés. De plus, quoi que vous en disiez, cette libéralisation entraîne des risques en matière de sécurité comme l'a montré l'accident de Montauban en 2008.

Voilà le résultat des politiques libérales qui ont enfoncé la SNCF et votre texte accentue cette dangereuse fuite en avant.

Votre amendement sur l'organisation des transports en Île-de-France confirme cette politique. Ainsi, vous décidez sans vergogne l'affectation de biens fonciers, matériels et immobiliers d'une valeur de plusieurs milliards d'euros, sans concertation avec le STIF, structure chargée des transports en Île-de-France, que vous dépossédez. Alors que rien ne vous y oblige, vous annoncez l'ouverture à la concurrence, dès la fin de l'année 2009, de toutes les nouvelles lignes de bus, de tramway et de métro et la création d'une nouvelle société pour leur réalisation.

À l'opposé de votre volonté de faire du Grand Paris votre chasse gardée, nous estimons, quant à nous, que tous ces projets devraient être placés sous la responsabilité du STIF et que leur réalisation devrait être confiée à la RATP et à la SNCF. Dans ce domaine également, nous considérons que votre démarche et les raisons qui la justifient sont inacceptables.

Pour toutes ces raisons, nous rejetons votre projet de loi.

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