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Intervention de Valérie Rosso-Debord

Réunion du 28 octobre 2009 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rosso-Debord, rapporteure :

Les cinq textes du « paquet pharmaceutique », présenté en décembre 2008 par la Commission européenne, portent sur un domaine essentiel, le médicament.

En dépit des acquis de la révolution thérapeutique que nous connaissons depuis maintenant une soixantaine d'années, c'est un domaine qui exige encore une grande attention.

D'une part, toutes les pathologies ne sont pas soignées ou ne le sont pas dans des conditions satisfaisantes. Les efforts de recherche à opérer sont encore considérables. Ils le sont d'autant plus que l'on entrevoit tout juste le développement des techniques nouvelles, thérapie génique, thérapie cellulaire et thérapie tissulaire, ainsi que du développement d'une thérapie personnalisée.

Ensuite, il y a un enjeu économique et industriel. Dans le contexte de la mondialisation, le secteur pharmaceutique, longtemps l'apanage des seuls pays développés, est devenu très concurrentiel, avec l'apparition de nouveaux acteurs compétitifs. L'Inde est ainsi souvent qualifiée de « pharmacie des pays pauvres ». Or, comme le rappelle la communication de la Commission européenne intégrée au « paquet », intitulée « Des médicaments sûrs, innovants et accessibles: une vision nouvelle du secteur pharmaceutique », la disponibilité des médicaments est une exigence incontournable pour l'Europe. Le cas du vaccin contre la grippe A en est une illustration. La production sur le territoire européen est nécessaire lorsqu'il y a un risque de pénurie. Pour assurer son avenir et son autonomie en la matière, il convient que l'Europe tire parti de ses atouts : une base de recherche forte, un système éducatif éprouvé, une main-d'oeuvre qualifiée et une industrie européenne bien établie avec de nombreuses entreprises innovantes. Le médicament est d'ailleurs l'un des secteurs clefs pour la réussite de la stratégie de Lisbonne. C'est, en effet, une activité qui exige un niveau élevé de qualification et dont l'avenir repose sur l'avance technologique.

Actuellement, la France détient une place particulière en Europe. Elle est à la fois le premier producteur de médicaments et le premier marché. Elle dispose d'une entreprise de taille mondiale avec Sanofi-Aventis, alors que les autres entreprises de tailles comparables sont britanniques, avec GSK et Astra-Zeneca, ou, en dehors de l'Union européenne, suisses, avec Novartis et Roche. C'est un atout dans une activité encore marquée par la prépondérance des Etats-Unis, puisque l'essentiel des autres très grands laboratoires sont américains, notamment les deux premiers mondiaux Pfizer ainsi que Johnson et Johnson.

L'un des autres grands enjeux du médicament est sa sécurité. De ce point de vue, le défi est actuellement double.

D'une part, il est celui d'un médicament intrinsèquement sûr. Dans l'idéal, le rapport bénéficerisque est tel que sa deuxième composante, celle du risque, est négligeable.

D'autre part, il y a le défi de la lutte contre les faux médicaments, contre les médicaments falsifiés. C'est un phénomène qui n'est pas nouveau, mais qui a néanmoins pris une ampleur sans précédent. On estime couramment qu'il affecte 10% du marché mondial. Il concerne non seulement les pays en voie de développement, mais également les pays développés. La mondialisation, avec la complexité croissante des circuits économiques, ainsi qu'Internet, qui permet le développement des transactions à distance, l'ont favorisé.

C'est ainsi que l'on peut accueillir favorablement trois des cinq textes du « paquet pharmaceutique ».

En revanche, les deux autres textes, la proposition de règlement et la proposition de directive sur l'information du public sur les médicaments soumis à prescription médicale, à savoir les médicaments sur ordonnance, doit recueillir un accueil très réservé, n'étant pas acceptable en l'état.

Sur le fond, on observera que ces textes interviennent sur un domaine qui est communautarisé depuis longtemps, puisque la première directive, relative à l'autorisation de mise sur le marché, est intervenue en 1965, après l'affaire de la thalidomide.

Ils s'inscrivent dans une stratégie de revue pour amélioration de la législation pharmaceutique sous l'égide de la Commission européenne.

Pour ce qui concerne l'information du public, la Commission européenne a repris un sujet qui avait été abordé lors de la précédente « révision pharmaceutique », engagée en 2001, et qui n'avait pu aboutir en raison de l'opposition du Parlement européen à la publicité sur les médicaments prescrits sur ordonnance.

Toutefois, elle le reprend sur des bases différentes, au vu notamment des débats qui ont eu lieu dans le cadre du Forum pharmaceutique, créé en 2005.

La Commission européenne propose, en effet, d'autoriser l'information du public sur les médicaments concernés, sans remettre en cause l'interdiction de publicité dont ils font l'objet.

Entre, d'une part, la notice et l'étiquetage et, d'autre part, la publicité interdite, il est ainsi proposé de donner corps à une nouvelle notion, celle d'information du public.

Plusieurs éléments sont prévus pour encadrer cette nouvelle notion.

D'une part, ce qui serait diffusable est défini : sont notamment cités des éléments du Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP), des résultats d'études. D'autre part, les médias sont listés : les revues spécialisés, les sites Internet consacrés aux médicaments et ceux des firmes.

Néanmoins, faute d'une véritable définition de ce qui différencie la publicité de l'information du public, le texte est insatisfaisant car il s'affirme en creux par rapport au droit actuel. Il présente d'autres défauts :

- d'abord, il ne tient pas compte dans les garanties qu'il offre, de tous les aspects des conclusions du Conseil EPSCO de juin 2008 ;

- ensuite, il interfère avec les équilibres actuels, avec la relation entre le patient et le médecin ou plus largement avec les professions de santé, relation qui est, notamment, en France, avec le libre choix du praticien, comme d'ailleurs du pharmacien, une relation fondée sur la confiance et surtout le conseil.

C'est donc sur de tout autres bases que le sujet pourra être repris.

Avec la notion d'éducation thérapeutique, qui permet l'association de tous les acteurs, la France a déjà d'une certaine manière prévu un dispositif qui lui est propre dans le cadre de la loi « hôpital, patients, santé et territoire ».

Pour ce qui concerne la pharmacovigilance, en revanche, la démarche de la Commission européenne n'appelle pas de réserve de fond, en ce qu'elle vise à améliorer le suivi des effets indésirables des médicaments après leur mise sur le marché, c'est-à-dire le suivi post-AMM.

C'est un sujet important, puisque ce sont une éventuelle modification de l'AMM, avec par exemple des contre-indications renforcées ou des indications amoindries, ou sa remise en cause, ou encore sa suspension voire son retrait, qui sont en jeu.

Ce que prévoit la Commission européenne est assez technique. Sont, en effet, proposées tant des modifications des instruments de suivi des effets indésirables du médicament que des procédures, avec en outre une dimension institutionnelle forte dans le cadre d'un renforcement du rôle du niveau communautaire. Plus précisément, il s'agit d'une définition plus extensive des effets indésirables, avec notamment la prise en compte des abus, des mésusages et des erreurs médicamenteuses, ainsi qu'un réaménagement des instruments de suivi post-AMM, que sont les rapports périodiques actualisés de sécurité, les études de sécurité post-autorisation et les systèmes de gestion de risque. En outre, une liste des médicaments soumis à surveillance approfondie serait créée, gérée par l'Agence européenne du médicament. Par ailleurs la Commission propose un renforcement du niveau communautaire et une clarification des rôles aux niveaux national et communautaire.

Sur le plan de l'organisation, la Commission européenne prévoit un Comité consultatif pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance, qui serait créé au sein de l'Agence européenne du médicament et plus précisément auprès du comité des médicaments à usage humain. Ce comité a vocation à remplacer l'actuel groupe de travail.

Sur le plan des procédures, ce nouveau comité interviendrait pour toutes les questions de pharmacovigilance, avec notamment un rôle d'évaluation des dossiers, par des rapports ou des recommandations en amont des décisions, soit du comité des médicaments à usage humain, soit du groupe de coordination entre les Etats membres.

Enfin, il faut mentionner que la Commission européenne propose un renforcement du rôle de la base de données EudraVigilance, avec notamment la déclaration directe par les firmes pharmaceutiques de effets indésirables, et la création d'un portail web européen, avec un lien avec les portails web nationaux sur la sécurité des médicaments.

Ces propositions appellent néanmoins, avant de pouvoir être adoptées, plusieurs clarifications.

D'abord, il est impératif que les autorités nationales en la matière, notamment l'AFSSAPS et les centres régionaux de pharmacovilance en France, conservent toutes leurs actuelles capacités d'expertise et de décision. La pharmacovigilance est un domaine où la proximité compte.

Ensuite et de manière liée, l'articulation du nouveau comité consultatif avec le comité des médicaments à usage humain comme avec le groupe de coordination doit être précisée et sa composition doit être modifiée, de manière que chaque Etat membre en désigne nommément un membre et un suppléant.

Il s'agit en effet de bien préciser les responsabilités et d'articuler les procédures de manière à créer les conditions d'une mise en oeuvre harmonieuse de leurs rôles, évitant les doublons et permettant le plein respect du principe des compétences comme de l'autonomie de chacun, ainsi que du principe de collégialité de la décision. Des aménagements sont ainsi à prévoir sur les délais de publicité des actes.

Par ailleurs, il convient d'améliorer le fonctionnement de la base de données EudraVigilance. Selon les éléments communiqués, celle-ci ne remplit actuellement pas les exigences lui permettant de jouer un rôle pivot en Europe. Dans cette attente, la règle de la déclaration de tous les effets indésirables aux autorités nationales ne peut être que maintenue.

Enfin, il convient par des clarifications adaptées, de lever les craintes d'un développement des AMM prématurées. Le développement des études post-AMM, qui est la contrepartie d'un médicament plus sûr, est parfois perçu comme celle d'une réduction des exigences requises pour la délivrance des AMM. De ce point de vue, les règles communautaires en matière d'essais cliniques peuvent notamment être rappelées.

Pour ce qui concerne enfin la lutte contre les médicaments falsifiés, les objectifs de la Commission européenne sont incontestables et les dispositions proposées adaptées. C'est un sujet important, même si grâce à son prix du médicament, en général assez bas, et à son dispositif, favorable, de remboursement par la sécurité sociale et le système plus complexe des complémentaires, le phénomène touche peu la France, sauf pour ce qui peu ou pas remboursé et soumis à prescription.

Néanmoins, il faut prévoir des modifications au texte de la Commission européenne.

Un élément a fait l'objet de remarques à l'occasion des débats, c'est celui d'une absence de mention d'Internet, alors qu'Internet est la voie privilégiée d'accès aux médicaments falsifiés. Cette critique appelle deux observations. D'une part, elle n'est pas totalement fondée puisque la proposition prend en compte le négoce et le courtage. D'autre part, Internet est un sujet en soi qui appelle un texte spécifique, car tous les Etats membres ne sont pas dans la même situation. La Belgique a ainsi autorisé en janvier dernier les pharmaciens à vendre sur Internet les médicaments non soumis à prescription. Il faut donc éviter toute action prématurée et avoir une approche complète du dossier avant d'intervenir.

Il faut saluer les trois orientations majeures de la proposition avec :

– une conception large du faux médicament. La notion de médicament falsifié du point de vue de son identité, de son historique, de sa source concerne dans une approche de santé publique l'ensemble des faux médicaments, alors que les contrefaçons concernent les seules violations du droit de la propriété intellectuelle. Il y a aussi des faux génériques, avec des substances tout autres que celles qui devraient s'y trouver ;

– un ensemble d'obligations pour sécuriser la chaîne de la fabrication, du principe actif jusqu'au détaillant, à la pharmacie, prenant en compte notamment les importations de principes actifs des pays tiers ainsi que le négoce et le courtage, pour lesquels il n'y a pas de détention physique du produit ;

– une mesure essentielle pour les seuls médicaments soumis à prescription, les médicaments sur ordonnance, avec un dispositif de sécurité permettant d'assurer l'identification, la traçabilité et l'authenticité des produits.

On a pas encore de précision sur ce dispositif, et sur la forme qu'il pourrait prendre. Ce n'est pas simple. Il existe déjà des mesures de traçabilité avec en France notamment le système data matrix. Les enjeux sont forts. Pour sa part, la puce électronique fait craindre aux associations de patients la traçabilité du patient, ce que l'on peut comprendre. Ce risque serait avéré si les portails ou autres systèmes de détection étaient fréquents.

Face à ce dispositif, les améliorations à effectuer sont de plusieurs ordres, pour s'en tenir à l'essentiel :

– d'abord, il convient de prévoir une définition du médicament falsifié. Les travaux de l'OMS peuvent être utilisés. Selon les derniers éléments communiqués, la présidence suédoise a établi une formulation qui donne satisfaction ;

– ensuite, on doit envisager d'appliquer le dispositif de sécurité aux médicaments sans ordonnance également, de manière proportionnée naturellement. Ces médicaments aussi sont susceptibles d'être falsifiés ;

– en outre, il faut également intégrer dans le champ de la future directive les excipients, car eux aussi sont susceptibles de faux.

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