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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 29 juin 2009 à 15h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de la loi de règlement du budget de 2008, en format LOLF, constitue une étape importante du calendrier budgétaire, parce que c'est la première fois qu'un même gouvernement exécute la totalité d'un budget dans ce cadre et peut donc répondre des objectifs atteints, mais aussi parce que cette loi de finances est la première à être impactée par la plus grave crise économique subie par notre pays depuis presque un siècle, même si cet impact, comme le souligne à juste titre la Cour des comptes, reste limité, s'agissant du résultat de 2008.

Je ne reviens pas sur l'excellente présentation effectuée par le rapporteur général concernant les équilibres de cette loi de règlement. Je veux simplement indiquer que le groupe UMP se félicite de la réactivité du Gouvernement pendant l'exécution de la loi de finances avec, notamment, la loi de finances rectificative, votée le 16 octobre 2008 et permettant d'assurer le sauvetage des établissements financiers et de réinjecter des liquidités dans l'économie.

Je me réjouis que la pratique des commissions élargies se soit poursuivie, permettant de faire de cette loi de règlement un véritable rendez-vous budgétaire et d'approfondir avec les ministres le contenu de l'exécution budgétaire, même si des progrès restent à accomplir.

Par ailleurs, je prends part aux remerciements adressés à votre administration et à vous-même, monsieur le ministre, par le rapporteur général, s'agissant des progrès accomplis qui ont permis d'améliorer la certification des comptes. Je veux également souligner l'apport incontestable que constitue la mise en oeuvre des dispositions s'agissant des garanties de l'État dans la loi organique sur les lois de finances. Nous nous sommes réunis pour approuver les garanties ouvertes pour la SFEF – la Société de financement de l'économie française – et pour la société des participations de l'État. On voit bien, au regard des volumes engagés, comme ceux en faveur de Dexia, combien cette disposition était opportune.

J'aborderai successivement, dans mon intervention, deux sujets : le respect de la norme de dépense au regard notamment du budget principal mais aussi des opérateurs, et celui de la dépense fiscale et de son évaluation.

S'agissant du respect de la norme, il constitue plus que jamais un enjeu décisif compte tenu de l'aggravation des déficits : 56,3 milliards en 2008 en augmentation de 47 % par rapport à 2007. La diminution des recettes rend en effet plus nécessaire que jamais un strict contrôle de la dépense de fonctionnement dans la limite de l'autorisation parlementaire. Nous vous savons attaché, monsieur le ministre, à cette impérieuse nécessité. C'est d'ailleurs ce à quoi le Président de la République nous invitait, il y a une semaine, lors du congrès de Versailles.

Malgré vos efforts, des interrogations existent au niveau de la réelle maîtrise de la norme de dépense, non que l'autorisation parlementaire ne soit pas respectée mais plutôt par rapport au montant de cette dernière qui ne prend pas en compte de nouveaux transferts en direction des opérateurs lesquels, de ce fait, continuent d'apparaître comme des auxiliaires de dépenses supplémentaires. C'est ainsi, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport, que la mission « Écologie, développement et aménagement durable » a donné lieu à de nouvelles budgétisations pour l'écologie et les transports amplifiant un processus que j'avais, avec plusieurs collègues, notamment Charles de Courson, déjà dénoncé les années précédentes. Ainsi entre 2005 et 2009 pour quatre des principaux opérateurs de la mission, la dépense totale s'est accrue de 42 millions d'euros en raison notamment du transfert de ressources fiscales, la TGAP, par exemple.

Dans le même temps, les subventions de l'État à ces opérateurs ont diminué de 40 %, et c'est heureux, mais pour autant la masse budgétaire de la mission n'a pas reporté cette diminution en volume global : il y a donc bien, dans ce cas, contournement de la norme via les opérateurs et création de prélèvement fiscal supplémentaire.

Je dois par contre me réjouir que nos observations sur l'affectation de droits de mutation au Centre des monuments nationaux, à hauteur de 70 millions en 2007 aient trouvé un terme, la pratique a d'ailleurs démontré la perturbation qui en avait résulté dans la programmation relative aux monuments historiques comme plusieurs responsables l'ont fait valoir aux membres de la mission LOLF lors de nos auditions.

Certains opérateurs échappent au contrôleur budgétaire et comptable du ministère. Il en est ainsi pour la santé dont les opérateurs majeurs – l'AFSSAPS, l'INVS, l'AFSSA, l'ABM et l'AFSSET – ne sont tenus de fournir que leur besoin de financement.

D'une manière générale, et afin d'éviter des dérives de ce type, nous souhaitons, monsieur le ministre, pouvoir progresser encore dans le suivi des opérateurs et dans leur intégration dans la stratégie de performance des missions et programmes, intégration qualifiée d'embryonnaire par la Cour des comptes. Les opérateurs constituent une fragilité dans le respect de la norme de dépense annuelle. Ils peuvent aussi, dans certains cas, constituer une fragilité pour les comptes de l'État dans la durée au travers de la pratique de l'endettement.

De ce point de vue, je souhaite faire part de mon interrogation par rapport aux emprunts mobilisés par les agences de l'eau auprès des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts afin de faire face au besoin d'investissement en matière d'assainissement dans le respect du calendrier européen. Si l'objectif est louable, la pratique qui consiste à s'endetter pour distribuer des subventions aux collectivités territoriales n'en est pas moins discutable. Elle l'est d'autant plus que la capacité des agences à rembourser l'emprunt est gagée sur une diminution hypothétique des besoins d'investissement à l'avenir qui permettrait de consacrer le prélèvement de la taxe dont bénéficient les agences au remboursement de l'emprunt. En clair, nous sommes dans une quasi-logique de titrisation de la recette future des agences. Compte tenu des évolutions des normes en matière d'assainissement, ce pari risque malheureusement d'être perdu.

Si l'information du Parlement sur le rôle et la place des opérateurs a progressé depuis quelques années, la question de leur pilotage, de leur capacité à s'endetter comme de leurs effectifs ou de leurs patrimoines immobiliers comporte encore des marges de progrès incontestables.

Ainsi, la Cour des comptes a renouvelé, dans la certification des comptes de l'exercice 2008, ses réserves de 2006 et 2007 en la matière. Le rapport annuel 2008 fait état de « lacunes dans leur recensement, de l'incapacité d'un nombre significatif d'entre eux de transmettre leurs états financiers dans des délais compatibles avec l'établissement de ceux de l'État, de l'insuffisante fiabilité de leurs comptes ».

Par rapport au périmètre des opérateurs recensés en 2008, je maintiens mes interrogations sur l'absence au sein de ce périmètre de l'Agence française de développement dont le rôle est non seulement à l'international, dans la mise en oeuvre de la politique de coopération et de développement en direction des pays du Sud, mais aussi dans les départements d'outre-mer, dans la mise en oeuvre de diverses politiques publiques généralistes qui justifieraient l'intégration de l'AFD à cette liste. Le fait que l'AFD se finance principalement sur les marchés ne me semble pas être une raison suffisante pour l'exclure. Je maintiens donc ma demande, confortée par le souhait exprimé par l'AFD de s'engager davantage dans certaines politiques publiques dans les DOM, à commencer par celle du logement.

J'en viens maintenant à la dépense fiscale dont l'accroissement de 50 milliards représentant 3 % du PIB en 2009, à 73 milliards d'euros représentant 3,8 % du PIB, mérite toute notre attention puisque cette dépense s'établit à 21 % des dépenses totales et à 27 % des dépenses du budget général, l'impact de la dépense fiscale sur les recettes s'établissant également à 27 %.

Monsieur le ministre, le poids comme la dynamique de cette dépense dont l'accroissement est pour plusieurs programmes supérieur à la croissance de la dépense budgétaire justifie une meilleure connaissance de celle-ci, passage obligé vers une évaluation régulière.

C'est à cette condition seulement que nous pourrons faire vivre l'excellente décision que vous avez prise de mettre en place un objectif de dépenses fiscales annuel à l'occasion du vote de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009 : articles 11 et 12. Il faudra effet procéder a posteriori aux rectifications nécessaires si l'on souhaite que le plafond soit respecté au regard de la dynamique de cette dépense et du besoin de stabilité dans la durée qui doit s'attacher aux politiques fiscales.

Cela suppose clairement la suppression de certaines niches ; nous le savons, les niches sont habitées par des chiens et ceux-ci sont dangereux. (Sourires.)

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