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Intervention de Alfred Almont

Réunion du 28 octobre 2009 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Almont, rapporteur pour avis :

Il est généralement d'usage, chaque année, que le rapporteur pour avis d'un budget donne d'emblée le ton au sujet de celui-ci. Je ne manquerai d'autant moins à l'exercice que, pour de bon, le projet de budget de la mission outre-mer pour 2010, en progression pour la troisième année consécutive, prend à bras le corps les problèmes particuliers de nos territoires dans une conjoncture dont nous savons qu'elle est très difficile.

Très difficile en raison d'un contexte budgétaire tendu.

Très difficile surtout en raison de la crise économique qui a pris sur nos territoires une ampleur particulière puisqu'aux symptômes généraux de la dépression mondiale se sont greffés des facteurs endogènes à nos économies ultra-marines qui ont révélé la fragilité d'un modèle et qui justifient plus que jamais l'effort de solidarité nationale. Il faut donc se féliciter que les crédits de la mission outre mer augmentent, à périmètre constant, de 6,4% en 2010. Encadrés par la programmation budgétaires pluriannuelle, les crédits de l'outre-mer doivent cependant répondre à un double défi :

– Mettre en oeuvre sans délai la nouvelle lois de développement économique (la LODEOM) dont les décrets d'application sont annoncés pour les temps qui viennent ;

– Tirer les conséquences de la crise du printemps dernier dont les effets sont encore difficiles à mesurer.

Sur le premier point, je constate avec satisfaction que le réaménagement du système d'incitations fiscales n'a pas eu pour effet, contrairement à ce qui fut dit ici ou là, de revoir à la baisse le soutien apporté à l'économie de l'outre-mer. Ainsi les dépenses fiscales créées ou modifiées par la LODEOM s'établissent à plus de 3 milliards et six cent millions d'euros, soit une augmentation de 6,3 % conformément à l'engagement pris par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi à l'Assemblée.

Toutefois, devons-nous considérer le nouveau « tableau fiscal » comme un aboutissement ? Avons-nous su tirer toutes les conséquences de la spécificité de nos régions en la matière ? Je me félicite naturellement du report à 2013 de l'application de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en outre-mer. Mais ne faudrait-il pas mener une réflexion plus globale sur l'adaptation de notre fiscalité, en nous appuyant tout naturellement sur l'article 299-2 du traité d'Amsterdam qui incite à ces adaptations ? L'un des points d'application possible étant, par exemple, la nouvelle taxe carbone.

Sur le deuxième point, à savoir, le budget lui-même, j'observe qu'en dépassant le cadrage pluriannuel, de 4,4 % en autorisations d'engagement et de 3,1 % en crédits de paiement (pour des montants respectifs de 87 millions et de 63 millions d'euros), le projet annuel de performances intègre une partie de l'effort supplémentaire consenti pour sortir de la crise.

Mais, comme l'a remarqué notre commission des Finances, la traduction budgétaire des mesures de sortie de crise n'est pas aisée à percevoir dans sa globalité. Les estimations dont nous disposons tablent sur un total d'environ 500 millions d'euros, dont 280 pour le seul Revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA). L'article 11 du projet de loi de finances, qui traduit l'engagement pris par le Gouvernement en la matière, fait cependant craindre la réduction de la Prime pour l'Emploi accordée au Foyer Fiscal. L'impact du RSTA sur la Prime pour l'Emploi suscite dès lors quelques inquiétudes et nombreux sont ceux pour qui l'occasion est bonne de solliciter la mise en application du RSA plus juste que le RSTA sur le plan social. Madame la Ministre nous souhaitons que vous puissiez nous rassurer en nous apportant sur ces points les précisions nécessaires.

Ceci étant, le projet de budget met clairement en avant trois priorités :

– le soutien aux entreprises ;

– l'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle ;

– l'amélioration de l'accès au logement.

Le soutien aux entreprises emprunte essentiellement la voie des exonérations de charges sociales afin d'abaisser le coût du travail, notamment dans des zones où celles-ci sont confrontées à la rude concurrence des pays voisins ainsi qu'aux handicaps structurels que nous connaissons. Un sujet qui, je le rappelle au passage, doit aussi se traiter dans le cadre des négociations commerciales multilatérales au niveau de l'Union européenne avec ses partenaires, les pays dit ACP en particulier.

Certes, cette politique de soutien aux entreprises a eu pour corollaire négatif le creusement de la dette de l'État envers les organismes sociaux. Il faut cependant saluer l'effort consenti, à hauteur de 93 millions d'euros, pour éviter que la dette n'enfle. Elle progresse cependant encore de 55 millions. Il est vrai qu'on a connu bien pire dans le passé. Mais nous ne ferons sans doute pas l'économie, Madame le ministre, à plus ou moins brève échéance, d'une mise à plat rationnelle de cette question afin d'éviter que, chaque année lancinante, elle vienne donner prise à des critiques contre la sincérité du budget de l'outre-mer.

S'agissant de l'aide à la formation professionnelle, votre budget traduit l'engagement du Président de la République de doubler les effectifs du Service militaire adapté, sur 3 ans (3000 en 2009, 6000 en 2012). Nous nous en réjouissons. Mais comme cet objectif s'accompagne de la diminution de la durée du service (de 12 à 8 mois), certaines critiques parlent déjà de « SMA au rabais ». Il faut nous rassurer sur ce point et prendre les dispositions nécessaires pour que la qualité des formations n'en soit pas réduite et que son « intensité » en compense la moindre durée.

Quant à la politique de soutien au logement, nous sommes, comme vous le savez, très attentifs à son évolution en raison des besoins qui s'expriment et que les retards accumulés au cours des dernières années ne manquent pas d'aggraver. Les crédits affectés au budget 2010 de l'outre-mer ne progressent dans ce domaine que de 2 % mais, comme l'a indiqué notre collègue Serge Letchimy dans son excellent rapport sur « l'habitat insalubre et indigne », nous souffrons moins d'insuffisance de financements publics que d'insuffisance de gouvernance. Nous serions donc heureux, Madame le Ministre, de savoir quels axes majeurs, au moins comme esquisses, si ce n'est pas prématuré, vous comptez donner aux propositions de notre collègue qui, je le souligne, sont largement consensuelles.

Certes, les crédits mis en place semble suffire, une politique résolue se met en place sans discontinuer ; il reste cependant à craindre que les maîtres d'ouvrage et les opérateurs concernés ne déposent les dossiers signalés sans avoir remplis toutes les conditions requises : un défaut d'instruction par la DDE (permis de construire, maîtrise foncière...). Pouvez-vous nous rassurer quant aux dispositions qui sont mises en oeuvre pour assurer l'engagement intégral de la LBU appelée à financer la politique publique du logement en amont du dispositif de défiscalisation qui cible désormais le logement social ?

Le projet de budget pour 2010 ne traite pas des dispositions prévues afin de diminuer le prix des carburants outre-mer, question qui a fait l'objet d'une mission d'information de notre commission et qui a débouché sur 21 propositions, que je ne rappellerai pas ici mais sur la prise en compte desquelles nous serons bien sûr vigilants. Nous savons que vous avez déjà engagé la réforme de la SARA, qu'un décret est en cours de préparation et que vous entendez obtenir une modification progressive de la formule de fixation des prix dans un souci de transparence. Pouvez-vous nous apporter ici quelques précisions ?

De même, l'affaire de la chlordécone a beaucoup touché les populations antillaises. Le plan chlordécone, doté de 33 millions d'euros, est piloté par le ministère de la Santé, assailli aujourd'hui par d'autres préoccupations. Nous souhaiterions donc, Madame le ministre, en liaison avec le comité de suivi que nous avons mis en place dans cette commission et qu'anime notre collègue Jacques Le Guen, que votre ministère participe de façon très active au pilotage du programme et, le cas échéant, à son amélioration. Car si les mesures de précaution, telles que les récents arrêtés de suspension de la pêche de certaines espèces dans certaines zones sont évidemment indispensables, c'est surtout les moyens d'une relance économique de l'agriculture, de la pêche et de toute la filière alimentaire que nous attendons. Le récent rapport de notre collègue le Député Le Déaut est de la sénatrice Catherine Procaccia justifie un regain d'inquiétude au sein des populations.

Vous nous avez déjà répondu par avance, madame la ministre :

– d'une part sur le fonctionnement du nouveau fonds de continuité territoriale, qui remplace l'ancienne dotation de continuité territoriale et le passeport mobilité, du rôle que doit jouer pour son pilotage l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer ;

– d'autre part sur l'utilisation des crédits du nouveau fonds exceptionnel d'investissement.

Comme vous le savez, j'ai toujours plaidé pour que notre politique ultramarine tourne le dos à la vieille démarche de rattrapage et d'assistanat et choisisse résolument une stratégie de responsabilité afin de tendre vers l'égalité économique.

Il me semble que votre projet de budget va dans ce sens.

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