Monsieur Trassy-Paillogues, je ne méconnais pas les difficultés auxquelles vous avez été confronté dans votre région mais au niveau de la France, j'ai été très impressionné par l'efficacité du dispositif d'État – préfets, TPG, directeurs de la Banque de France. La médiation du crédit a joué un rôle d'intégrateur de services ; le nombre de dossiers sur lesquels, en moins de trois jours, on a réuni autour de l'entreprise une équipe compétente est impressionnant.
Sans nul doute, au départ, les banques ne jouaient pas le jeu – et c'est un euphémisme. Après avoir été désigné par le Président de la République, j'ai commencé, avec mes collaborateurs, par lire tous les courriers qui nous arrivaient de partout et qui, tous, faisaient état d'un retrait de crédit. Les banquiers, en France comme ailleurs, en voyant qu'ils allaient subir les conséquences de la crise financière, s'étaient en effet mis à faire de la « bonne gestion » d'exploitation, en retirant tous les petits risques – d'où, d'ailleurs, le mécontentement qu'ont suscité partout dans le monde les plans de soutien. A la première réunion que j'ai eue avec eux, je leur ai donc demandé que nous passions un accord. Celui-ci, qui a ensuite été réitéré, a été de maintenir l'enveloppe globale des concours bancaires sans demander d'augmentation des garanties personnelles. Cet accord n'a pas été respecté partout, mais globalement le résultat a été spectaculaire.
J'ai voulu la signature d'un accord de place, qui maintient le dispositif de la médiation jusqu'à fin 2010 et permet au Gouvernement de le proroger au-delà. Il prévoit, ce qui me paraissait très important, que lorsque nous serons sortis de la période de crise, on allègera le dispositif national, mais on maintiendra le dispositif local, qui constitue l'essentiel ; maintenant que nous avons perdu le CIRI, qui était un outil formidable, il faut conserver l'outil de la médiation, lequel ne sert pas seulement à pousser les banquiers à financer, mais joue un rôle d'intégrateur des dispositifs publics et privés.
Concernant les filières, il faut évidemment utiliser les commissaires à la réindustrialisation, en pratiquant le croisement localnational. Je crois au microentrepreneur, je crois à la toute petite entreprise, mais il faut avoir le courage de dire aux entrepreneurs que le moment est venu de se rassembler. Cela étant, le déficit de restructurations que nous connaissons s'explique largement par une maladie qui s'appelle la société civile immobilière, sujet sur lequel je vous invite également à vous pencher. Il faudrait au moins assurer la neutralité fiscale du dispositif.
Autre point : vous m'avez souvent entendu protester contre les fonds de LBO ( leverage buy-out ). Certes dans 20 % des cas, ils ont accompli un travail formidable, mais dans 80 % des cas, l'idée a été de « faire cracher la bête » puis de la revendre rapidement à un autre fonds de LBO. La préconisation de mon rapport, qui devrait être retenue par les régulateurs, est de demander aux fonds de LBO, lorsqu'ils achètent, de financer 50 % avec leur argent : cela réduit l'effet de levier. Mais si beaucoup d'entreprises peuvent être des proies, c'est que le marché financier n'a pas su les attirer. Il faut mettre en place un dispositif qui permette de montrer nos belles entreprises à ceux qui veulent investir ; c'est une question de volonté.
S'agissant enfin des matières premières, nous sommes d'accord. La spéculation sur ce marché est à l'origine de la crise financière. J'en parlais depuis longtemps, mais c'est après coup qu'on a eu la preuve du phénomène : l'effondrement a montré l'importance de la spéculation – car on n'a guère vendu en dessous du prix de revient. Là encore, il y a sujet à réflexion.
A la différence d'autres pays, le nôtre connaît sur ces questions, comme en témoigne votre commission, un certain consensus. Au-delà des divergences politiques, j'ai le sentiment d'une vision partagée, sur la lutte contre la spéculation comme sur la priorité à donner à l'économie réelle. C'est un atout qu'il nous faut exploiter pour faire avancer les choses, chez nous et dans le débat avec nos partenaires.