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Intervention de général d'armée Jean-Louis Georgelin

Réunion du 7 octobre 2009 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général d'armée Jean-Louis Georgelin :

L'année dernière, je vous avais exposé la difficulté de l'exercice budgétaire 2009 ainsi que la nécessité d'assurer le niveau de ressources suffisant à la conduite des réformes de notre outil de défense. En début d'année, je suis venu vous présenter la loi de programmation militaire 2009-2014, traduction financière des choix politiques opérés à la suite du Livre Blanc.

Le projet de loi de finances 2010 s'inscrit dans un cadre sensiblement équivalent à celui que j'avais brossé lors de ces deux auditions. Il se place dans la continuité de la réforme lancée l'année dernière ; constituant la deuxième annuité de la LPM, il confirme l'effort réalisé au profit de l'équipement des forces et de la condition du personnel ; enfin, il survient dans un contexte marqué par la crise économique, la dégradation des finances publiques et la mise en oeuvre d'un plan de relance.

Dans de telles conditions, le PLF 2010 traduit l'effort que peut consentir la Nation pour sa défense. Il nous permet de poursuivre la réforme de nos structures et le renouvellement de l'équipement de nos armées.

Ma principale préoccupation est de disposer dans la durée des ressources humaines et financières qui permettront de conduire cette réforme et de construire un outil de défense performant, à même de répondre à une surprise stratégique toujours possible.

Je voudrais revenir sur une année 2009 très dense, tirer les enseignements de l'exécution de la première année de la LPM et souligner les principaux points du PLF 2010.

Si cette année a été marquée par une forte implication du Parlement – vote de la LPM, approbation de la poursuite des opérations extérieures, soutien de la réintégration des structures de commandement de l'OTAN –, elle a également été particulière dense pour les armées.

Dans le domaine des opérations, le niveau important de déploiements a été maintenu. Près de 33 000 hommes sont concernés – 10 000 sont engagés sur les théâtres extérieurs, 3 000 sont engagés au titre de la fonction « protection », 14 000 assurent des missions de souveraineté et 6 000 sont déployés sur nos bases.

Les armées appliquent avec rigueur le principe de juste suffisance. Le niveau des ressources consenti pour un engagement dépend toujours de l'analyse sécuritaire du théâtre. Ainsi, nous avons progressivement revu nos dispositifs en Afrique. Nous avons aussi commencé à ajuster notre dispositif déployé au Kosovo, en accord avec les décisions et la planification de l'OTAN.

Selon la même approche, nous avons marqué un effort en matière de lutte contre la piraterie au large de la Somalie. La France a déployé des moyens supplémentaires et a entrepris la formation de bataillons de l'armée somalienne tout en maintenant son soutien à la mission de l'Union Africaine. Les succès obtenus sont réels. Ils résultent d'une remarquable coordination tactique entre les moyens européens d'Atalante, les moyens de l'OTAN et ceux des divers dispositifs nationaux.

En Afghanistan, 2009 a été marquée par le redéploiement de notre dispositif. A compter du mois de novembre, nous concentrerons nos moyens dans les districts de Surobi et de Kapisa pour y conduire des actions coordonnées de sécurisation des villages et de développement local. Agissant en liaison avec les forces de sécurité et les autorités afghanes, la France estime pouvoir ramener ces districts sur la voie de la stabilité dans les deux prochaines années.

Je me suis rendu sur ce théâtre à plusieurs reprises pour apprécier les progrès obtenus par nos troupes dans leurs zones de responsabilité. Je ne retrouve pas toujours sur le terrain les descriptions faites dans la presse, notamment anglo-saxonne. Le rapport McChrystal s'inscrit bien dans la stratégie générale qui a été définie au sommet de Bucarest.

Et la situation s'améliorera effectivement si nous parvenons à coordonner plus efficacement les actions civiles et militaires et à établir la confiance des Afghans dans leur administration locale.

Je retiens de ces opérations plusieurs enseignements. Il nous faut disposer d'un outil de défense réactif qui puisse s'adapter à la diversité des crises auxquelles nous sommes confrontés. Cela suppose une formation particulière du personnel ainsi qu'une mise à disposition rapide des équipements. Sur ces deux points, nous ne pouvons que nous féliciter de la manière dont les armées françaises se comportent.

Enfin, nous avons besoin du soutien de la Nation et de ses représentants pour conduire des opérations qui s'inscrivent dans la durée.

Cette année a également été marquée par le retour de la participation pleine et entière de la France dans les structures de l'OTAN. Dès cet été, des commandements nous ont été attribués. Quelques défis restent encore à relever sur le plan de l'organisation et des finances : le surcoût de notre participation n'est pas encore stabilisé et le périmètre des « paquets de capacités » – les investissements que nous aurons à financer – n'est pas totalement connu.

Nous devons maintenir l'attractivité des affectations pour le personnel appelé à rejoindre les structures de l'OTAN. Le succès de notre participation dépend de la qualité des conditions de vie réservées aux militaires français mais aussi de l'adaptation de nos méthodes de travail et de planification.

Enfin, cette année a été marquée par des décisions qui permettront de mettre en place l'organisation et le fonctionnement des armées, dans la perspective du regroupement à Balard. Ainsi, le décret du 15 juillet 2009, qui confirme celui de 2005, place les armées au coeur de l'organisation. Ces évolutions répondent à la nécessité de renforcer l'efficacité de notre outil de défense dans une perspective interarmées.

Je souhaiterais à présent tirer quelques enseignements de la première année d'exécution de la programmation budgétaire triennale et de la LPM. Cette dernière repose sur un certain nombre de principes : le maintien au sein du budget de la défense des économies résultant de la réduction du format des armées ; l'optimisation du dispositif de maintien en condition opérationnelle ; la réalisation du volet « export » de nos programmes d'équipement ; l'obtention de recettes exceptionnelles.

Au terme de cette première année, les armées sont au rendez-vous et suivent avec détermination la trajectoire de ralliement du format du Livre Blanc.

Les objectifs de déflation des effectifs ont été atteints puisque 16 500 postes seront supprimés en deux ans.

Les équipements destinés à être retirés du service actif l'ont été. Cela a été le cas, par exemple, de deux bâtiments de guerre des mines, deux bâtiments de soutien, une centaine de chars Leclerc, et d'une quarantaine d'avions de combat.

24 emprises ont déjà été libérées et une vingtaine le sera d'ici la fin de l'année ; 11 bases de défense expérimentales ont été créées et 43 formations auront été déplacées ou dissoutes en 2009.

Les nouveaux commandements et services permettant de rationaliser l'emploi de nos moyens ont été créés – comme le commandement interarmées des hélicoptères – ou sont en cours de création : le commandement interarmées de l'espace, l'organisation interarmées des soutiens, le service industriel de maintenance des matériels terrestres, le service du commissariat des armées…

Vous le savez, ces réformes sont d'une ampleur considérable et présentent des risques. La manoeuvre concernant les ressources humaines est particulièrement délicate à conduire. La préservation de la capacité opérationnelle des armées passe en effet par le maintien d'un bon niveau de recrutement des jeunes cadres et militaires du rang. Nous devons obtenir le flux de sortie nécessaire pour atteindre notre objectif de réduction des effectifs, sans pénaliser le recrutement.

Dans le domaine du soutien, le retour d'expérience des bases de défense demande du temps. Nous devons être pragmatiques et bien évaluer ce que nous pouvons mutualiser avant de faire basculer l'ensemble du ministère de la défense dans un nouvel environnement.

Par ailleurs, des incertitudes pèsent sur des programmes majeurs comme le Rafale et l'A400 M. Les recettes exceptionnelles prévues dans le budget 2009 ne sont pas, à ce stade, pleinement au rendez-vous.

Ces difficultés en matière de ressources ont été atténuées par l'autorisation de consommer 900 millions d'euros de crédits reportés de la gestion 2008 ainsi que par la mise en oeuvre d'avances au titre du plan de relance. Il est à noter que ces avances ont été remboursées en construction budgétaire 2010.

En outre, ce plan a permis de passer plusieurs contrats dont les plus emblématiques sont l'acquisition, en anticipation, d'un bâtiment de projection et de commandement ; la livraison de deux Rafale supplémentaires en 2011 ; l'acquisition de cinq hélicoptères EC 725 ; l'avancement d'un an de la fin des livraisons des VBCI ; l'achat de pièces de rechanges de Rafale pour 50 millions d'euros ; et enfin la mise aux normes de l'installation de conditionnement d'air du SNLE « Le Triomphant » pour 11 millions d'euros.

Je voudrais à présent détailler les caractéristiques du projet de loi de finances, qui marque, dans une période difficile, l'effort significatif de notre pays à l'égard de son outil de défense.

Le budget de la mission défense, hors pensions, s'élève à 30,12 milliards d'euros. Il est complété par 770 millions provenant du plan de relance et par 1,26 milliard de recettes exceptionnelles. Au total, les ressources prévues atteignent 32,15 milliards, en léger retrait par rapport à 2009 mais en conformité avec la LPM. En prenant en compte l'ensemble des ressources attendues, l'effort de défense est donc maintenu aux environs des 2 % du PIB.

Les ressources attribuées nous permettent de poursuivre le processus de réforme des armées et de remplir nos contrats opérationnels. Nous pourrons également conduire une politique d'équipement ambitieuse au profit de la fonction connaissance et anticipation, de la protection du combattant et de l'adaptation de nos équipements aux nouvelles menaces.

J'observe cependant que le niveau de ressources inclut 1,26 milliard d'euros de recettes exceptionnelles. Or l'exercice budgétaire 2009 nous a montré toutes les difficultés que cela pouvait engendrer. Ce point devra donc faire l'objet d'une attention particulière car il conditionne le maintien de l'effort accordé en matière d'équipement de nos forces.

L'analyse de ce projet laisse apparaître quatre traits dominants. Il maintient d'abord la priorité accordée à la « recapitalisation » de notre outil de défense. Après la forte augmentation de l'année passée, les ressources totales consacrées aux équipements s'élèvent à 17 milliards d'euros, soit une progression de 11 % par rapport à 2008. Ces ressources permettront de réaliser ou d'engager des commandes portant sur les équipements modernes dont les armées ont besoin pour faire face à la situation sécuritaire définie par le Livre Blanc.

Elles se traduiront par des moyens de renseignement renforcés – C160 Gabriel rénové, AWACS rénové, satellites HELIOS et MUSIS, nacelles de reconnaissance –,des moyens de protection pour nos combattants – VBCI, VBL, PVP, FELIN, brouilleurs – et enfin des moyens permettant d'améliorer l'efficacité de notre outil de défense, un outil capable de faire face aux menaces et aux défis d'un monde incertain avec des équipements renouvelés : Rafale, TIGRE, NH90, SAMPT, EXOCET, M51, FREMM.

Le projet de loi de finances permet également d'accompagner la conduite de la réforme.

Les marges de manoeuvre dégagées par les réductions d'effectifs et le resserrement du dispositif des implantations militaires, notamment autour des 18 bases pilotes de défense, permettent l'accompagnement des restructurations – 180 millions – et l'amélioration de la condition du personnel – 203 millions, dont 114 de mesures nouvelles.

Il maintient par ailleurs l'effort indispensable en matière de préparation de nos forces.

Les ressources prévues pour financer l'entraînement et l'entretien programmé des matériels permettront aux armées de réaliser leurs activités de préparation opérationnelle.

Enfin, la provision OPEX pour 2010 s'élève à 570 millions d'euros, en hausse de 60 millions. Cette provision couvrirait 65 % des besoins estimés pour l'année 2009. Cet effort de financement s'avère indispensable car nous constatons une augmentation des dépenses lorsque le degré de violence s'accroît. Au-delà de cette provision, il sera encore nécessaire de recourir à un décret d'avances pour couvrir intégralement le financement des OPEX.

L'examen du budget me permet également de souligner combien il est nécessaire de maintenir une bonne adéquation entre les ressources et les besoins. Le risque d'être trop optimiste quant aux économies à réaliser et la difficulté à maîtriser les besoins ne peuvent être négligés.

S'agissant des ressources humaines, l'expérience de la précédente LPM a montré que le respect des hypothèses de construction pouvait se heurter à la dure loi de la gestion et des contraintes budgétaires, conduisant à une déflation de nos effectifs plus forte que prévue.

Ce risque de découplage a été identifié et une clause de sauvegarde a été introduite dans la LPM. Il conviendra de la mettre en oeuvre si le besoin s'en fait sentir.

De même, le Livre Blanc a défini le dispositif stationné à l'étranger ou dans les départements et collectivités d'outre-mer. Nous devons être en mesure de pouvoir le réaliser.

Enfin, des financements complémentaires ne se situent pas dans la trajectoire prévue en LPM. Je pense aux coûts, aujourd'hui mieux appréciés, relatifs à l'OTAN ou à l'implantation aux EAU, aux coûts de démantèlement des équipements et aux coûts liés à la mise aux normes environnementales.

La réforme demandée aux armées représente un effort considérable. Elle est sans commune mesure avec ce que connaissent les autres ministères. Pour en assurer l'équilibre financier et permettre de tenir nos objectifs, il est indispensable que les ressources budgétaires et les ressources exceptionnelles soient au rendez-vous.

La profonde transformation de notre outil de défense se poursuit sur fond d'engagement de nos forces dans des opérations difficiles, notamment en Afghanistan. Cet engagement de nos soldats constitue, ne l'oublions pas, la finalité des armées, la raison d'être de notre ministère et de ce budget.

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