, répondant aux différents intervenants :
- Mme Laure de La Raudière a posé un problème important, ce sont les conditions de mise en oeuvre. Je note avec satisfaction votre état d'esprit, ainsi que celui de nos collègues, face à une telle situation et je vous remercie pour votre position de principe à tous les niveaux ;
- M. Jean-Yves Le Bouillonnec et Mme Jacqueline Maquet ont soulevé le même problème de cohabitation entre plusieurs crises en même temps : la crise de l'insalubrité et de l'indignité de l'habitat, la crise du logement social, la crise sociale et, pourrait-on ajouter, non pas pour se faire plaisir, la crise écologique. Il faut pouvoir faire le lien et avoir de la cohérence dans tout cela. La crise du logement peut être un élément bloquant pour la résorption de l'habitat insalubre qui suppose un double processus : la reconnaissance de l'habitat existant comme patrimoine privé pouvant être mis sur le marché locatif, et, en même temps, un besoin précis de relogement définitif ou provisoire, alors que, par exemple, en Martinique, la production de logements sociaux a baissé : on n'en fait plus que 200 par an. C'est probablement dû à un problème de gestion locale – et sur ce point, je n'ai pas l'habitude de mâcher mes mots – mais c'est probablement aussi lié à la gestion budgétaire.
- S'agissant de l'unicité de l'expression politique, cela peut se fonder sur une mise en cohérence, car l'on se retrouve avec, d'un côté, le ministère du logement, qui définit intellectuellement, conceptuellement, techniquement et financièrement la politique du logement tandis que d'un autre côté le ministère de l'outre-mer gère budgétairement la politique du logement. Donc il y a un problème de distance, sans oublier que c'est le code de la santé publique, sous l'égide du ministère de la santé, qui règle les processus d'accès au financement des départements et territoires d'outre mer … Soit on décide que c'est le préfet, soit on mène une politique interministérielle depuis la métropole, mais on peut aussi avoir une image beaucoup plus moderne de la liberté et de l'autonomie, et dire qu'il faut une mise en cohérence sur le plan local de telle sorte qu'il y ait une possibilité de construire ces projets et ces politiques sur place ;
- il faut éviter de plaquer des modèles sur ces territoires, mais si la réponse législative doit consister à procéder par ordonnances, on multiplie les possibilités d'y recourir, ce que je n'apprécie guère car on évite le débat dans les deux assemblées et car ce serait un texte circonscrit, plus technique , sans identité ni contenu philosophique ;
- par rapport aux observations de M. Jean Dionis du Séjour, la question de l'immigration est une vraie réalité en Guyane et en Guadeloupe. Mais le risque réside dans la création des conditions de l'exclusion et des mécanismes inhérents, ne serait-ce, par exemple, que la santé. Quand les gens vivent dans des conditions ignobles, à dix dans un T2 où il y a des fuites d'eau, vous ne pouvez pas exiger que les gens aient les mêmes chances. L'habitat devient totalement pénalisant. En outre, la non reconnaissance fait que les gens n'ont pas accès aux aides publiques de l'État. Ce sont des gens qui, au quotidien, vont au supermarché, qui vont voter, mais qui n'ont pas le droit de demander une aide publique en raison de l'illégalité de leur occupation des sols. Il faut sortir de l'hypocrisie qui existe depuis 40 ans, et qui labellise l'auto-construction sans tenir compte de la réalité. Vous créez une spirale ignoble : les gens qui étaient dans la campagne vivaient sous le régime colonial qui était absurde et odieux, et ils se retrouvent en milieu urbain, car ils cherchent la possibilité de s'éduquer, de travailler – en un mot : la liberté, y compris intellectuelle. Ils ont construit et paient des impôts fonciers mais sans reconnaissance à la clef. Ils se retrouvent dans l'impossibilité de transmettre à leurs enfants le bien qu'ils ont construit en trente ans ;
- la question de l'indemnisation se posera, mais sans concession : on ne va pas rentrer dans un processus d'indemnisation fondé, par facilité politique, sur le « chèque à donner », alors qu'il y a un problème de marchands de sommeil. Si quelqu'un qui est pris en délit de marchand de sommeil, c'est condamnable par la loi. Nous avons parfaitement identifié ce problème. Mais on ne peut rester dans une situation bloquée, ne permettant ni l'expropriation ni l'indemnisation. Dans le parc privé, à Fort-de-France, 20 % de l'habitat est de l'habitat informel, logeant 20 000 personnes, dont la moitié de ces 20 % dans l'habitat informel sur terrain privé.
- si on entre dans un processus de réhabilitation, le lien avec le Grenelle est évident, notamment avec la question de l'autonomie énergétique soulevée par M. Suguenot. On va entrer dans un processus d'utilisation de matériaux de lutte contre les risques sismiques majeurs et pour favoriser l'autonomie énergétique propre de chaque maison, on va utiliser certains matériaux, prendre en considération l'orientation des maisons et le contreventement ;
- par rapport à la question de la mobilisation financière, soulevée par M. Jean Dionis du Séjour, nous n'avons pas souhaité poser le problème en termes de budget pour 2010, ce qui ne signifie qu'il ne faille pas le faire. Mais nous avons préféré proposer l'autonomie d'une dynamique politique et intellectuelle plutôt que de commencer par réclamer des moyens qui seront utilisables, tant que l'on n'aura pas réglé les choses ;
- le droit constitutionnel au logement est bafoué : le droit au logement opposable (DALO) est inapplicable en outre-mer. Les préfets sont embarrassés par la quantité de logements indignes ;
- eu égard à la desserte en eau et en énergie, le rapport indique un chiffre permettant de comprendre ce qui s'est passé en Guyane s'agissant de la prolifération de maladies. C'est une situation assez grave, et le nombre de personnes sans accès à l'électricité est également un problème, notamment en Guyane ;
- deux problèmes fonciers se posent : en premier lieu, la question du foncier populaire est inextricable, s'agissant en particulier de ses modalités de cession : il n'y a pas de subdivision des parcelles quand on se trouve dans un quartier populaire très dense. Il faut à la fois améliorer l'habitat, le viabiliser et le rendre décent, et donner de véritables titres de propriété. Le second problème réside dans la capacité à générer du foncier destiné à la construction de logements. Ce sont des territoires relativement petits sur le plan géographique. Il faut maîtriser le foncier, éviter de perdre des hectares qui sont parfois destinés à du bétonnage, notamment parce que l'on n'a pas su mobiliser le bâti et le foncier existant, disponible en zone urbaine dense. En termes de dynamique urbaine, mieux vaut repeupler les centres plutôt que de sacrifier des terrains agricoles, qui sont actuellement en situation de pénurie : en Martinique, en moins de 20 ans, on est passé de 63 000 hectares agricoles à 30 000 hectares agricoles à peine ;
- on a assisté à un phénomène de spéculation sur le photovoltaïque, qui porte sur 25 à 30 hectares, devant bénéficier de défiscalisation : j'espère que nous parviendrons à juguler ce processus par voie d'amendement, sans quoi il risque d'y avoir un téléscopage entre deux objectifs politiques ;
- s'agissant des besoins financiers, nous ne sommes pas des mendiants. Ce dont nous avons besoin, c'est de construire une politique publique réaliste et beaucoup plus domiciliée qu'elle ne l'est aujourd'hui ;
- la stratégie globale de rénovation urbaine est très centralisée. Il y a un risque de télescopage entre les périmètres d'intervention de l'agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), les périmètres de RHI et les périmètres de développement social des quartiers (DSQ). Il y a des systèmes d'exclusion géographique : certains quartiers peuvent bénéficier de financements plus importants que d'autres. Les opérations situées dans les périmètres ANRU sont financièrement plus importantes que les opérations qui se déroulent dans les quartiers populaires. Or, les habitants y sont plus privilégiés socialement que dans les quartiers de RHI. Il faut avoir une lecture globale et raisonner en termes de projet urbain plutôt qu'en fonction d'une logique infrastructurelle et financière, comme c'est le cas actuellement en outre-mer. La logique du bulldozer y prévaut encore ;
- pour faire en sorte que l'habitat existant accompagne les opérations de construction de logements neufs, l'intervention de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) sur le plan financier, et la mise en place des opérations programmées d'amélioration de l'habitat en faveur du renouvellement urbain (OPAH-RU) sont extrêmement importantes. La difficulté réside dans la capacité à gérer l'indivision. Le taux de vacance des logements s'élèverait à 17 % en outre-mer ;
- sur le logement étudiant : il y a une carence de production de logements neufs pour étudiants. J'espère que la ligne budgétaire unique (LBU), qui est fongible avec la RHI, nous permettra de faire le maximum ; en outre, il faut utiliser et réhabiliter l'habitat existant, pour l'accueil des étudiants. Actuellement, l'habitat étudiant est synonyme d'HLM pour étudiants.