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Intervention de Louis Gallois

Réunion du 29 septembre 2009 à 16h00
Commission des affaires économiques

Louis Gallois :

Monsieur Brottes, même si M. Gergorin et M. Lahoud ont appartenu à l'entreprise l'affaire Clearstream ne concerne nullement EADS ; elle s'est entièrement nouée en dehors de l'entreprise.

Quant aux poursuites engagées à la suite du rapport de l'AMF – l'Autorité des marchés financiers –, la commission des sanctions a produit un premier pré-rapport qui réduit considérablement la cible puisque ne reste plus en cause que le problème de l'A380. Nous sommes en train de rassembler nos arguments de défense, de même que chacune des sept personnes toujours impliquées. Trois d'entre elles occupent des fonctions très importantes dans l'entreprise, mais cette affaire ne gêne pas le fonctionnement d'EADS.

L'électronique est la mère de nos industries. J'ai cité le nucléaire, les télécommunications et l'aéronautique pour faire référence aux trois grands programmes lancés dans les années 70.

Même si la sous-traitance d'Airbus peut rencontrer des difficultés liées au fait que les A380 sont produits à un rythme inférieur aux prévisions ou que l'A400M a pris du retard, globalement, nous soutenons notre réseau de sous-traitance. Mais celui-ci est impacté par d'autres donneurs d'ordres, comme Boeing – avec le 787 –, Embraer, Bombardier ou Dassault. Leurs propres difficultés rejaillissent forcément sur leurs sous-traitants. Nous avons un intérêt majeur à maintenir notre réseau de sous-traitance – nous produisons en effet en interne moins de 15 % de la valeur ajoutée de nos avions – mais il est impossible de le prendre en charge complètement. Il faut essayer de gérer le problème de la façon la plus responsable possible.

Nous mesurerons l'ampleur et la durée de la crise à la sortie de l'hiver prochain. J'espère que nous ne serons pas amenés à réduire certaines cadences – même si cela ne peut être exclu. Nous n'allons pas fabriquer des avions pour en faire des queues blanches, c'est-à-dire des avions non affectés qui, en particulier, mettraient à mal le marché de l'occasion. Notre responsabilité est de prévenir le réseau de sous-traitance aussi tôt que possible, afin que nous puissions gérer ensemble les difficultés. Lorsqu'un problème arrive à votre connaissance, n'hésitez pas à le faire remonter – mais les entreprises de sous-traitance savent aussi par quel moyen interpeller Airbus ou Eurocopter.

L'effort de recherche et technologie d'une entreprise comme Airbus est concentré à 80 % sur la réduction de l'impact environnemental, qu'il s'agisse d'économies d'énergie ou de réduction de bruit. Ce n'est pas uniquement parce que nous sommes de bons citoyens, c'est aussi parce que le développement du trafic aérien dépendra de sa capacité à limiter son impact sur l'environnement. C'est d'ailleurs pourquoi nous adhérons aux objectifs européens visant une réduction de 50 % des émissions et des bruits d'ici à 2020 par comparaison entre la flotte actuelle, composée d'avions plus ou moins anciens, et ceux de la future génération, en particulier le successeur de l'A320.

Je ne peux laisser dire que la sécurité des avions a régressé. Au contraire, le nombre d'accidents n'a jamais été aussi faible. C'est notre préoccupation essentielle et c'est celle de toutes les compagnies aériennes. L'accident du vol Air France 447 est une tragédie et le souhait de tous est de savoir ce qui s'est passé. Mais les statistiques montrent une décroissance constante du taux d'accidents. Le transport aérien est l'un des modes de transport les plus sûrs.

Nous sommes prêts, comme Air France, à consacrer une somme considérable – nous avons parlé de 10 à 20 millions d'euros supplémentaires – pour rechercher les boîtes noires du vol AF 447, car nous avons besoin de savoir ce qui s'est passé. Airbus est, bien sûr, à la complète disposition du Bureau d'enquêtes et d'analyses, chargé d'apporter des explications.

Il est beaucoup trop tôt pour apprécier l'effet qu'aura sur nos commandes la réintégration de la France dans le commandement militaire de l'OTAN. EADS est le fournisseur d'un certain nombre de systèmes employés par nos armées, notamment le système de contrôle du trafic aérien militaire, qu'il faudra porter aux normes OTAN – il s'en approchait déjà. EADS est dans une situation un peu particulière : sur les quatre pays domestiques de l'entreprise, trois appartenaient déjà au commandement intégré de l'OTAN ; nous participons ainsi au programme Global Hawk par l'intermédiaire de l'Allemagne et à d'autres programmes par l'intermédiaire de l'Espagne ou de la Grande-Bretagne.

Monsieur Tardy, la société européenne est une affaire dont je mesure chaque jour la complexité. Premièrement, les difficultés techniques sont considérables. Deuxièmement, les modèles sociaux étant différents, la négociation sociale sera extrêmement compliquée car les syndicats allemands réclament que la cogestion, ou codétermination, soit élargie au niveau européen. Les organisations syndicales sont plutôt favorables à la société européenne, mais, alors qu'il n'y en a qu'une seule en Allemagne, il y en a cinq en France, trois en Espagne et deux en Angleterre. Troisièmement, il convient de ne pas remettre en cause les fameux équilibres franco-allemands. Quatrièmement, les bouleversements fiscaux seraient considérables. Dans une période où nous avons quantité de sujets à traiter, je ne veux pas entraîner l'entreprise dans un travail bureaucratique gigantesque. Nous conduisons donc une étude de faisabilité, et j'espère pouvoir prendre une décision positive ou négative avant la fin de l'année.

Le siège unique est une idée partagée par tous mais les négociations pour déterminer sa localisation seraient extrêmement compliquées. La seule solution consiste à créer une île artificielle sur le Rhin ! Pour être clair, cette question doit être abordée avec la volonté de maintenir l'équilibre franco-allemand ; je ne suis pas sûr qu'elle soit mûre.

Il n'est pas question de vendre notre participation dans Dassault Aviation.

Nous travaillons sur les briques technologiques nécessaires au renouvellement de la gamme A320, notamment en matière de motorisation, pour réduire la consommation d'énergie et résoudre les problèmes de bruit. Avec cet avion, nous jouerons l'avenir de l'entreprise, et Boeing est dans la même situation que nous. Les choix techniques et de calendrier sont donc très compliqués. En effet, si nous partons deux ou trois ans trop tôt, nous risquons de nous priver de technologies de pointe et, par conséquent, de concevoir un avion démodé assez rapidement.

Je répète qu'il n'est pas prévu à ce stade de baisser les cadences mais que ce ne peut être exclu. Nous examinerons la question durant l'hiver. Les cadences de sortie de l'A380 seront largement plus modestes que prévu car les compagnies aériennes ont différé les livraisons ; toutefois, nous n'avons pas enregistré d'annulation, ce qui constitue un signe très positif.

Nous sommes promoteurs du drone franco-germano-espagnol Talarion et, cet été, au Canada, nous avons fait voler un démonstrateur, baptisé Barracuda : il a fonctionné de manière totalement automatique, identifié des cibles et assuré la liaison avec le sol. Nous avons donc analysé les risques technologiques et nous sommes prêts à lancer le programme. Seul demeure le problème financier.

Madame Robin-Rodrigo, en 2009, ce ne sont pas les commandes mais les livraisons qui sont satisfaisantes. Nous en sommes à 130 commandes nettes – qui résultent de la soustraction entre commandes brutes et annulations –, avec seulement vingt-deux annulations, un volume inférieur à la moyenne des années normales, alors que nous traversons une période de crise. Je n'exclus pas que les annulations soient plus nombreuses l'année prochaine, mais, pour l'instant, les compagnies se contentent de différer les livraisons.

Daher-Socata, entreprise que je connais bien, souffre avec le TBM et la sous-traitance de Dassault. La direction, pour s'ajuster à cette situation conjoncturelle, a dû prendre des décisions de suppressions de postes CDD et intérimaires ; mais elle ne le fait pas de gaieté de coeur car ce sont des emplois en moins à Tarbes ; j'ajoute que les personnels concernés détiennent des savoir-faire très utiles.

Les fabrications dans les zones low cost sont encore limitées : je rappelle que 97 % des effectifs d'EADS sont concentrés dans les quatre pays européens d'origine, alors que nous exportons 75 % de notre production – écart qui n'est pas très sain. J'ai fixé comme objectif que 20 % de notre personnel travaille hors d'Europe en 2020, ce qui laisserait toujours 80 % à l'Europe. Une partie de notre sous-traitance recherche des sources à bas prix. Dans un univers hyperconcurrentiel, soumis à la pression énorme du dollar, il est difficile de trouver le point d'équilibre. Mais nous comptons sur notre croissance pour nous implanter à l'étranger tout en maintenant au maximum notre activité en Europe. Pour le moment, nous n'avons pas délocalisé massivement.

Lorsque nous annonçons une réduction des cadences de l'A320 de trente-six à trente-quatre unités par mois, les syndicats demandent que nous réduisions en priorité les cadences des avions assemblés en Chine, qui sont au nombre de quatre par mois. Mais nous devons livrer les compagnies aériennes chinoises et nous avons pris des engagements envers la Chine. Sur le marché chinois, qui sera bientôt le plus gros du monde, notre part est passée de 4 % à plus de 30 %. L'implantation de la ligne d'assemblage est un argument fort sur le marché chinois.

Monsieur Reynier, les compagnies aériennes font confiance à Airbus. Depuis le début de l'année, nous avons reçu davantage de commandes nettes que Boeing. La commercialisation de l'A330 n'a pas souffert de l'accident du vol AF 447 ; il faut dire que les statistiques, depuis sa création, en font un des avions les plus sûrs du monde.

Madame Got, Sogerma a décidé de reporter une partie de la charge de production de Composites Aquitaine sur sa filiale marocaine, Maroc Aviation. Nous cherchons un partenaire pour Composites Aquitaine et nous sommes en discussion avec deux ou trois entreprises. Je suis de près cette affaire difficile car il est évidemment souhaitable que nous maintenions notre patrimoine technologique en Aquitaine.

Monsieur Morisset, EADS est détenu à 15% par l'État français, à 7,5% par Lagardère, à 15% par Daimler, à 7,5% par un consortium réunissant une dizaine de banques allemandes, et à 5 % par l'Espagne. Les droits de vote du consortium étant exercés par Daimler, il perçoit en compensation un dividende privilégié ; ce consortium prendra fin en 2010 mais il pourrait être reconduit. S'agissant du capital flottant, les Russes détiennent environ 5 %, et un fonds souverain de Dubaï, 3,1 % ; le reste fluctue.

Pour ce qui est des coûts de production, ils relèvent du secret commercial.

Nos coopérations avec la Chine sont très variées. Nous développons en commun l'hélicoptère EC175, que nous comptons faire voler dans les prochains mois – nous avions déjà développé ensemble l'EC120. Nous sommes présents dans ce pays depuis trente-cinq ans et nos relations avec l'industrie hélicoptériste sont très étroites. Du côté des avions, des A320 sortent maintenant de la ligne d'assemblage chinoise et la Chine assure un certain nombre de fournitures pour l'A350, en contrepartie des commandes passées par ce pays.

Monsieur Anciaux, nous sommes présents dans un nombre considérable de pôles de compétitivité, à commencer par ASTECH et évidemment Aerospace Valley, dont nous sommes les animateurs, en Midi-Pyrénées et en Aquitaine. J'apprécie cette démarche, qui permet de fédérer les énergies, même si je trouve que ces pôles sont trop nombreux. Peut-être faudrait-il établir une hiérarchie entre ceux qui ont une véritable capacité mondiale et ceux dont le potentiel est plutôt régional ou national. Quoi qu'il en soit, les pôles de compétitivité participent de la politique industrielle que j'appelle de mes voeux.

La crise n'est pas terminée, et nous avons encore devant nous des périodes difficiles. Le tissu industriel français se situe à un tournant. La crise nous a montré que le développement ne peut être bâti sur la spéculation, qu'il faut le fonder sur l'économie réelle, dont l'industrie constitue le fer de lance, sans oublier évidemment les services associés. Nous avons donc besoin d'une politique industrielle européenne. La France, de ce point de vue, est plutôt en avance. Même les Britanniques s'y mettent : M. Peter Mandelson est venu chez nous se renseigner sur les recettes de notre politique industrielle. Les Allemands ne sont pas familiers de ce concept.

Si nous ne faisons rien, l'euro, de fait, redessinera la carte industrielle européenne en spécialisant les régions, avec un risque pour la France. En effet, la compétitivité de l'industrie française est liée aux prix de ses produits, tandis que l'industrie allemande, qui privilégie des produits sans concurrents dans le monde, est, pour l'instant, moins sensible au niveau de l'euro. Il ne faudrait pas que la sortie de crise amplifie ce mouvement de spécialisation intereuropéenne. Nous sommes dans une situation intermédiaire car nous possédons encore un tissu industriel fort, qu'il faut cependant soutenir par une politique européenne d'aménagement du territoire.

Le Grand emprunt peut constituer un élément de politique nationale mais il doit trouver des prolongements dans une politique industrielle et technologique européenne. Il faut donc amener d'autres pays, l'Allemagne en particulier, à partager notre ambition.

Monsieur Goldberg, s'agissant des aides et des programmes, il existe une concurrence entre les différents pays européens. C'est une des problématiques d'EADS et d'Airbus, et je passe un temps considérable à gérer la situation car il n'existe pas de solution toute faite. Chaque pays demande à accueillir les emplois correspondant à ce qu'il paie ; ce n'est pas illégitime mais cela peut conduire à des aberrations industrielles. Il faut trouver le point d'équilibre entre la légitime revendication des États à en avoir pour leur argent et la nécessité de construire des appareils industriels performants, sans constituer de doublons et sans confier à un pays quelque chose qu'il ne sait pas faire.

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