… avaient été évalués à 8 kilos. À ce jour, après les premières opérations de démantèlement, 22 kilos de plutonium ont été récupérés ; le CEA estime que la quantité totale, une fois le démantèlement achevé, pourrait s'élever à 39 kilos. Les dépôts ont donc été très sous-estimés, ce qui pose le problème du risque de criticité : quand une masse de matière fissile trop importante est rassemblée au même endroit, le risque existe du démarrage d'une réaction nucléaire non contrôlée libérant une grande quantité d'énergie et de rayonnements. Il y a donc un risque d'irradiation pour les travailleurs. À ce jour, soixante accidents de criticité ont été relatés dans le monde. Le dernier s'est produit en 1999 à Tokaï Mura, au Japon, dans une usine de fabrication de combustible ; plus de 130 personnes ont été irradiées et deux sont décédées. Il s'agit donc d'un sujet sérieux que l'ASN a traité avec sérieux. Pour se prémunir contre un tel risque, des marges de sûreté importantes sont prises, qui se traduisent par des limites sur la quantité de matière fissile admissible en un même lieu et en un même poste de travail.
Quelle a été l'action de l'ASN ? Le CEA ayant, le 1er octobre, signalé oralement l'incident, elle a demandé qu'il soit déclaré, ce qui a été fait le 6 octobre. Elle a mené, le 9 octobre, une inspection réactive, et saisi l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, qui a remis son rapport le 14 octobre. Le même jour, elle a pris trois mesures : elle a classé l'incident au niveau 2 de l'échelle INES ; elle a dressé un procès-verbal ; elle a suspendu les opérations de démantèlement.
Pour chaque événement, l'exploitant propose un classement, mais la responsabilité du classement relève de l'ASN. Le CEA a proposé de classer l'incident au niveau 1 de l'échelle INES. L'ASN l'a classé au niveau 2, d'une part parce qu'il a conduit à la réduction des marges de sécurité prévues pour prévenir un accident de criticité, d'autre part à cause de l'absence de détection pendant l'exploitation du plutonium accumulé sur l'installation et de la déclaration tardive à l'ASN, qui traduit un défaut de culture de sûreté.
L'ASN a d'autre part dressé un procès-verbal à l'exploitant pour non-respect de l'article 54 de la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, qui dispose qu'« en cas d'incident ou d'accident, nucléaire ou non, ayant ou risquant d'avoir des conséquences notables sur la sûreté de l'installation,(....) l'exploitant d'une installation nucléaire de base (…) est tenu de le déclarer sans délai à l'ASN et au représentant de l'Etat dans le département du lieu de l'incident ou de l'accident ». Or, nous avons appris au cours de l'inspection réactive du 9 octobre que le CEA connaissait cette sous-évaluation depuis juin ; la déclaration aurait dû être effectuée à ce moment-là.
La suspension du démantèlement s'explique par la réduction des marges de protection contre le risque de criticité par rapport à celles qui avaient été définies lorsque l'ASN a autorisé ces opérations. Il revient à l'exploitant de démontrer la sûreté de son installation dans la nouvelle configuration. Cela n'ayant pas été fait, l'ASN a suspendu les opérations de démantèlement et soumis leur reprise à son accord, en en précisant les conditions.
L'ASN va s'assurer que le retour d'expérience de cet incident est bien acté. Pour cela, elle a déjà écrit à AREVA pour l'installation Melox à Marcoule et les usines de La Hague, ainsi qu'au Délégué à la sûreté nucléaire de défense pour les installations qu'il contrôle – ce sont là les installations les plus concernées. Nous écrirons ensuite aux autres exploitants. Enfin, conformément à notre mission d'information du public, la lettre de suite d'inspection a été publiée sur notre site le 19 octobre.
Outre la plaquette de présentation de l'ASN, vous trouverez dans le dossier que je vous ai remis la note de présentation de l'incident, notre communiqué de presse du 14 octobre, la copie de notre décision de suspension des opérations de démantèlement et des prescriptions relatives à leur reprise, l'avis rendu par l'IRSN et la lettre de suite d'inspection.