La France n'est pas le seul pays confronté au problème du port de la burqa.
Au Québec, la commission Bouchard-Taylor a procédé à une vaste concertation – médiatisée – qui a mis en évidence les difficultés existant dans la gestion des conflits entre différentes communautés. Face à diverses revendications, notamment des tribunaux islamiques présents en Ontario, le Québec a voulu se construire un arsenal juridique qu'il n'avait pas.
Un débat est possible en France et celui-ci est fondamental. Même si je suis menacée et même si je prends des risques, un tel débat est beaucoup plus apaisé en France qu'au Pays-Bas, où j'aurais déjà pris un coup de couteau, ou qu'au Danemark, où l'on aurait déjà menacé ma famille, sans parler de l'Angleterre.
Il ne faut pas avoir peur, pour la bonne raison qu'on est déjà allé trop loin. Regardons ce qui se passe dans les autres pays européens. À quoi a abouti le laxisme de l'Angleterre qui a voulu jouer le jeu du communautarisme jusqu'au bout ? À ce que des enfants anglais se fassent sauter dans des autobus au nom de l'islam !
Face à ce constat, que faisons-nous ? Ce dont il est question aujourd'hui, ce sont de jeunes Français et de jeunes Françaises qui ont le droit à la liberté, à l'émancipation et à participer à la vie politique de ce pays. Voilà le fond du dossier.
Le communautarisme en Angleterre s'est accompagné d'une césure. En Allemagne, la nationalité n'a été accordée aux jeunes turcs et kurdes qu'en 2000, laissant se propager jusqu'à cette date la vision communautaire et les crimes dits d'honneur.
Notre association peut analyser la situation sous différents angles et selon divers modèles de société car elle a des comités partout en Europe. L'Espagne et l'Italie sont moins bien équipées que la France parce que ces pays découvrent ces problèmes. Il y a trois ans, l'Italie prévoyait d'ouvrir des espaces spéciaux dans les hôpitaux pour pouvoir pratiquer l'excision correctement. Le débat aujourd'hui est heureusement européen et il existe une collaboration entre les associations.
Notre combat peut être un challenge. Ne nous enfermez pas. Nous pouvons être des porte-drapeaux, non pas pour renforcer un quelconque côté « cocorico », mais pour promouvoir des valeurs de progrès qui sont nécessaires aujourd'hui et qu'on ne peut pas bazarder au nom d'une prétendue vision idéologique.
Nous travaillons « au ras des pâquerettes ». Il faut créer et ouvrir de nouvelles perspectives. Pour ce faire, il est grand temps de réaffirmer clairement une série de principes.
Je ne connais pas la situation à Mayotte. Je pars ce week-end à la Réunion participer à des rencontres sur les violences faites aux femmes et organiser toute une série de débats. Le problème se pose autrement outre-mer mais, comme en métropole, on ne peut pas l'aborder sans parler de la ghettoïsation, de l'exclusion sociale ni, surtout, du droit des femmes.
Le point juridique que vous appelez de vos voeux, Monsieur Glavany, doit porter sur le droit des femmes autant que sur les libertés individuelles et l'ordre public. Il peut être intéressant de faire un lien avec le port de cagoules. Mais, dans le cas du voile, c'est le droit des femmes qui est atteint : elles n'ont pas besoin de se cacher. Je me suis toujours interrogée sur ce que les femmes pouvaient avoir de honteux. Je demandais des explications à ma mère et étais très renfermée sur moi-même car je ne comprenais pas l'injustice qui frappait les femmes.
Il faut chasser l'orgueil masculin, « l'orgueil du mâle » dont parlait Jules Ferry dans son Discours sur l'égalité de l'éducation. L'alternative devant laquelle nous nous trouvons aujourd'hui est très claire : c'est la démocratie ou la mort. Nous avons atteint un point de non-retour en ce qui concerne la condition des femmes, et, pour moi, le seul pays qui pourra montrer qu'il est possible de débattre sans s'entre-tuer, de gérer les conflits dans un espace – laïc et d'interaction sociale – sans arracher les voiles ni brûler des mosquées, comme aux Pays-Bas, et de trouver la solution qui permettra de faire avancer les valeurs de progrès auxquelles nous sommes tant attachés, c'est la France.