Monsieur Brottes, je suis tout aussi convaincu que vous de la nécessité absolue d'une approche différenciée en fonction de la géographie française. Cela vaut réponse à toutes les comparaisons un peu faciles avec des pays tels que le Canada ou le Danemark, où n'existe pas la même diversité de paysages et de climats qu'en France.
S'agissant de la chrysomèle du maïs, nous devons absolument tenir bon sur le principe de la rotation des cultures, et obtenir les aides PAC nécessaires pour compenser le manque à gagner des exploitants. Si nous ne poursuivions pas dans cette voie, la seule voie responsable du point de vue écologique, nous nous exposerions à des pressions de plus en plus fortes en faveur du développement de la culture de maïs OGM résistants à la chrysomèle. Il ne faudrait pas non plus étendre de façon irresponsable la culture du maïs en France sous prétexte qu'elle serait plus rentable. Étendre, par exemple, une culture aussi consommatrice d'eau au détriment de la forêt des Landes, département qui manque souvent d'eau, ne serait pas une bonne solution.
L'effondrement des colonies d'abeilles, loin d'être un point de détail, est à mes yeux un très grave signal d'alarme de l'état environnemental de certaines cultures. Par ailleurs, la société française est particulièrement sensible à ce problème. C'est pourquoi j'attache personnellement beaucoup d'importance à ce sujet et suivrai avec attention les travaux de l'institut technique apicole que nous avons créé pour observer l'évolution de ces colonies.
Je ne vais pas rappeler toutes les mesures déjà prises en faveur de l'agriculture biologique : 3 millions d'euros par an pendant cinq ans alloués à la structuration des filières ; les soutiens de la PAC ; l'objectif de 20 % de produits « bio » dans la restauration collective d'État d'ici à 2012. Il s'agit de répondre à une demande qui ne cesse de croître. Dans un marché déprimé, importer 30 % de notre consommation de produits biologiques est tout à fait regrettable.
La pêche, monsieur Guédon, est un sujet difficile, mais sur lequel nous progressons bien, grâces en soit rendues notamment au président du Comité national des pêches, Pierre-Georges Dachicourt, homme de dialogue qui sait tout à la fois défendre les intérêts des pêcheurs et comprendre la nécessité de certaines évolutions.
Pour toutes les questions de gestion des ressources halieutiques, j'ai pour principe de tenir le plus grand compte de l'avis des scientifiques, mais aussi de le confronter aux observations pratiques des pêcheurs avant de tirer mes conclusions. S'agissant du requin-taupe, les scientifiques comme les pêcheurs, consultés sur cette question dans le cadre du Grenelle de la mer, s'accordent pour reconnaître qu'il y a un problème de ressources. Nous prendrons donc les mesures nécessaires pour accompagner la sortie de pêche : cela me semble la seule solution raisonnable.
S'agissant du thon rouge, après débat au sein du Gouvernement, sur l'opportunité d'un classement à l'annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, la CITES, la France soutiendra finalement son classement à l'annexe II, pour lequel j'ai plaidé. Celui-ci permet la mise en place d'une bonne gestion de la ressource sans imposer une interdiction totale de la commercialisation : c'est une position équilibrée.
Au nombre des difficultés structurelles qui frappent l'ostréiculture, la surmortalité des jeunes huîtres, notamment en Normandie, met en péril le renouvellement de la population ostréicole. Je suis prêt, pour ma part, à soutenir le développement de nouvelles souches permettant de mieux résister aux agents pathogènes qui détruisent actuellement les jeunes huîtres.
En ce qui concerne les tests de l'état sanitaire des huîtres du bassin d'Arcachon, ma responsabilité est de garantir une sécurité sanitaire totale aux consommateurs, ce qui est aussi dans l'intérêt des ostréiculteurs. C'est cette responsabilité qui m'impose de maintenir l'obligation du test de la souris, en dépit de ses limites, aussi longtemps qu'il n'existe pas de test plus efficace. Je souligne que je suis le premier ministre de l'agriculture à proposer une solution à ce problème en suspens depuis des années : c'est parce que j'ai provoqué la réunion de scientifiques sur le sujet, notamment à Bruxelles, et que j'ai fait pression sur l'AFSSA et l'IFREMER qu'un nouveau test physico-chimique est en développement, qui sera prêt dans les prochains mois.
Monsieur Peiro, je trouve vos critiques à la fois profondément injustes et incohérentes, voire irresponsables. Profondément injustes parce que la France est le seul État à défendre la régulation européenne des marchés. En Suède, au conseil des ministres européens de l'agriculture, sur les vingt-sept ministres présents, j'ai été le seul à me battre pour qu'on parle de la filière laitière et à mettre sur la table un projet de régulation des marchés. On peut trouver que ce projet ne va pas assez loin, mais on ne peut pas dire que la position de la France soit la plus libérale, quand tous les autres pays européens la considèrent comme dangereusement étatiste.
C'est en cela que votre position est irresponsable : il vaut mieux expliquer aux agriculteurs et à tous les Français qu'aujourd'hui tout se joue à l'échelle européenne, où le rapport de force ne nous est pas favorable, plutôt que prôner l'étatisation à outrance.
Votre position n'est pas non plus responsable au regard du commerce mondial : il faudra bien tenir compte de la volonté du Brésil, de l'Inde et d'un certain nombre de pays en voie de développement de développer leur agriculture. Comment faire autrement ?
Enfin, elle est incohérente : les gouvernements socialistes européens ont été les premiers à soutenir M. Barroso ; en outre, celui qui refuse toute taxation aux frontières et réclame une libéralisation totale des marchés internationaux, c'est M. Pascal Lamy, qui, jusqu'à preuve du contraire, a davantage appartenu au parti socialiste qu'au parti aujourd'hui majoritaire !
Pour ce qui touche à la contractualisation, monsieur Trassy-Paillogues, mon souci est que les contrats en cause soient équitables et équilibrés, et ce ne sont pas là des mots en l'air : j'agis de manière concrète. Venez donc avec moi négocier le rachat d'Entremont, et vous mesurerez à quelles pressions je suis soumis pour qu'il n'y ait plus qu'un seul opérateur industriel du lait en France. Il faut malheureusement compter avec un rapport de force difficile, les industriels menaçant de délocaliser des milliers d'emplois si le prix du lait est trop élevé en France.
Monsieur Mesquida, deux solutions sont susceptibles de résoudre les difficultés majeures de la filière viticole : premièrement, il importe d'organiser la filière pour qu'elle soit mieux à même de défendre ses intérêts ; deuxièmement, il faudra corriger certains dispositifs législatifs, relatifs notamment à la valorisation et à la distribution du vin. J'examinerai toutes les propositions qui me seront faites en ce sens.
En ce qui concerne le stockage, monsieur Saint-Léger, nous avons livré bataille pour étendre les possibilités de stockage privé du beurre et de la poudre de lait, actuellement autorisé en Europe six mois sur douze, ce qui n'est pas suffisant pour faire remonter les prix. Nous avons obtenu en Conseil européen la possibilité de stocker douze mois sur douze, et le plan de régulation franco-allemand prévoit que cette solution soit pérennisée.
L'intégration de la filière lait n'est pas acceptable, madame Robin-Rodrigo, et c'est pourquoi je n'ai pas donné mon aval aux projets de contrat entre producteurs et industriels qui m'ont été soumis jusqu'à présent. Une réunion sur ce sujet avec l'ensemble de la filière est prévue le 1er octobre.
S'agissant de la filière ovine, les aides en faveur des éleveurs des zones de montagne seront maintenues, de façon à préserver la diversité de nos territoires. Quant au haras national de Midi-Pyrénées, la décision n'est pas encore prise, mais le dossier est en cours d'examen.
Pour ce qui est du rapport de force en Europe, monsieur Piron, je ne saurais trop insister sur la difficulté de notre combat : si nous voulons gagner une majorité d'États européens au projet franco-allemand de régulation des marchés, nous devrons aller chercher chacun d'eux avec les dents. J'irai ainsi en Pologne lundi pour convaincre de nous rejoindre un pays dont le soutien pourrait faire basculer l'ensemble des États d'Europe centrale et orientale. Le combat est d'autant plus difficile qu'il s'agit d'inverser la vapeur après qu'on a laissé trop de terrain à l'idéologie libérale, qui a pourtant démontré son inefficacité, notamment en matière agricole.
Le décret visant à encadrer les installations photovoltaïques est en cours d'examen, madame Massat. Nous devons parer aux risques de spéculation et de désordres économiques, et veiller à ne pas basculer d'un excès à un autre, de la plantation généralisée de vignes à leur arrachage systématique au bénéfice de champs photovoltaïques censés être plus rentables. Les risques pour l'environnement ne sont pas négligeables, notamment du point de vue de l'écoulement des pluies et de la gestion des sols. Il ne faudrait pas nuire à l'environnement sous prétexte de le protéger !
Monsieur Benoit, je suis évidemment favorable à l'harmonisation des réglementations européennes.
Je voudrais dire à M. Grellier qu'étant sur le terrain une fois tous les deux jours, je suis bien placé pour mesurer le risque que la crise sociale l'emporte sur les solutions structurelles ainsi que l'urgence absolue de réagir.
S'agissant de la cogestion supposée du ministère, on ne peut pas me reprocher de faire comme tous mes prédécesseurs : qu'il s'agisse de la crise du lait ou de la filière des fruits et légumes, j'ai réuni tout le monde autour de la table, y compris la Coordination rurale ou la Confédération paysanne ; j'ai reçu hier une délégation de l'Association des producteurs de lait indépendants, qui souhaite des contrats européens. L'idée n'est pas sans intérêt mais, à mon sens, on ira plus vite en passant d'abord par l'échelon national.
La politique commune de la pêche, monsieur Fasquelle, évolue pour répondre aux problèmes des marins-pêcheurs. Les assises de la pêche, qui se tiendront à la fin de l'année, permettront de prendre en considération certains d'entre eux.
Je souhaite que les pêcheurs et les agriculteurs soient massivement exonérés de la taxe carbone, et qu'ils le soient immédiatement, sans devoir en faire l'avance. Ce n'est pas à moi d'arbitrer en la matière, mais je sais que le Président de la République et le Premier ministre sont très sensibles à ce sujet.
Oui, madame Got, il faut une assurance pour les sylviculteurs français, même si sa mise en place se révèle très complexe. La sylviculture est en effet le seul secteur d'activité en France qui ne dispose d'aucun système assuranciel. Après la tempête de 1999, on a jugé qu'il était inutile d'assurer ce secteur contre une catastrophe qui n'arrive qu'une fois dans le siècle. Or, dix ans plus tard, la sylviculture a dû faire face à une tempête dont les conséquences économiques ont été plus graves encore.
C'est vrai, madame de La Raudière, notre réglementation phytosanitaire est plus stricte que la réglementation européenne, et j'ai souvent entendu des exploitants, notamment dans la filière fruits et légumes, se plaindre de ce que la France se charge de boulets plus lourds que ceux de ses voisins. J'assume pourtant mon choix, qui est d'essayer d'obtenir que l'Europe s'aligne sur notre réglementation plutôt que de l'assouplir : les Français ne comprendraient pas un retour en arrière. Cette rigueur plus grande peut être en outre un moyen de valoriser la production française, pourvu que l'étiquetage soit suffisamment précis, ce qui n'est pas encore le cas.
S'agissant du prix du lait, madame Marcel, il faudra tirer toutes les conséquences des observations de l'Observatoire des prix et des marges. Quant aux propos d'Ilse Aigner, mon homologue allemande, que vous avez cités, ils sont vieux de dix jours. Depuis, nous avons fait avancer notre projet de régulation des marchés auprès des autres États européens et je pense que la dynamique est désormais de notre côté. Je répète que je suis favorable au maintien de la diversité de la production agricole. Paradoxalement, ce n'est pas en zone de montagne que la production de lait est la plus menacée : grâce à l'effet cumulé des aides et de la valorisation des fromages d'appellation d'origine contrôlée, ce seront probablement les zones de montagne qui s'en sortiront le mieux. Nous resterons cependant vigilants.
À ma demande, monsieur Reynès, l'Observatoire des prix et des marges m'a livré ses conclusions sur le porc et le lait, et il faudra en tirer les conséquences, notamment vis-à-vis des industriels. Je serai d'autant plus attentif à ses remarques sur le prix des fruits et légumes qu'en tant que consommateur, je juge les écarts entre prix à la production et prix à la consommation tout à fait inconsidérés. S'il se révèle que ces marges sont effectivement excessives, nous devrons prendre des mesures pour les réduire. Ce pourrait être l'instauration d'un coefficient multiplicateur, monsieur Reynier, ou d'autres dispositifs tout aussi efficaces, mais il faudra, quoi qu'il en soit, tirer les conséquences des conclusions de l'Observatoire. Celui-ci n'est pas là seulement pour observer : il doit aussi nous permettre de décider. Je vous donne rendez-vous le 8 octobre.
Il est prévu, madame Pons, que les droits de plantation soient supprimés en 2015, mais il est possible qu'ils soient prolongés jusqu'en 2018, avec une clause de rendez-vous en 2012, qui nous permettra d'exercer notre vigilance.
Je suis convaincu que nous saurons dépasser la crise actuelle et que l'agriculture et la pêche françaises ont un très bel avenir, pourvu que nous sachions mieux nous organiser à l'échelle nationale et mettre en place une régulation européenne des marchés agricoles. Ce sera certes difficile – il s'agira d'inverser une décennie de dérégulations ! –, mais nous y mettrons le temps et l'énergie nécessaires, et je suis convaincu que nous y parviendrons. Il n'y a pas d'agriculture possible sans règles de marché !