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Intervention de Jean Gaubert

Réunion du 16 septembre 2009 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Gaubert :

Monsieur le ministre, nous n'avons pas de raison de douter de votre engagement. Je vous ferai simplement remarquer que vous êtes le quatrième ministre de l'agriculture, depuis 2002, qui nous tient le même discours ! Et sans être désobligeant, le nouveau ministre des affaires européennes vient lui aussi de déclarer devant la Commission des affaires européennes qu'il allait faire beaucoup de choses que ses prédécesseurs n'avaient pas faites non plus.

Vous avez raison de dire que cette crise est la plus grave depuis trente ans puisque toutes les productions sont concernées. Il y a à cela plusieurs raisons, à commencer par la baisse des prix de soutien. En 2003, j'avais dit à M. Gaymard, alors ministre de l'agriculture, que l'accord de Luxembourg, qui baissait les prix de soutien et qu'il considérait comme bon, contenait en germe des crises qui se manifesteraient à chaque effondrement des cours ; or c'est bien ce qui se passe pour le lait et pour les céréales.

Je voudrais également évoquer un problème assez particulier, mais qui a de l'importance : celui de la poudre de lait. Aujourd'hui, cette poudre ne se vend pas à l'étranger. Elle ne se vend pas non plus sur le marché européen. Au moment où le lait était cher, la filière s'est affranchie de ceux qui consommaient cette poudre de lait, notamment les producteurs français de veaux. Aujourd'hui, le nombre des producteurs de veaux a baissé d'un tiers en France et les autres producteurs en Europe ont trouvé le moyen de faire du « veau de lait » pratiquement sans lait. Il serait intéressant que le ministre se saisisse de ce problème et en discute avec Bruxelles. Il serait normal que les consommateurs sachent ce qu'il en est. Mais cela veut dire aussi que la filière doit s'organiser.

J'en viens à l'abandon des quotas laitiers. Vous avez sans doute vu hier, au SPACE, à Rennes, des vaches que l'on peut qualifier de « Formules 1 » de la production laitière. Dans ma commune, il y a une vache capable de produire plus de 20 000 litres de lait par an ! Aujourd'hui, beaucoup de vaches peuvent en produire plus de 15 000. Si la moyenne de production dans les étables est plus basse, c'est parce qu'on la freine. Que demain on libéralise complètement cette production en levant le pied du frein, certaines régions françaises connaîtront une situation dramatique : seul le Grand-Ouest produira du lait, parce que les conditions de production y sont bien meilleures qu'ailleurs.

Vous avez évoqué l'organisation des filières. En la matière, il ne faut pas se contenter de regarder vers Bruxelles. L'accord interprofessionnel qui régissait le prix du lait a été mis en cause il y a plus d'un an par la DGCCRF, qui n'est pas un service européen. Depuis longtemps, les Hollandais et les Danois ont des systèmes de mise en vente beaucoup plus concentrés et beaucoup mieux organisés que le nôtre. Nous devons favoriser la globalisation de la mise en marché dans le secteur laitier – comme dans celui des fruits et légumes. Après tout, il y a six centrales d'achat. Pourquoi y aurait-il des milliers de vendeurs ?

Vous avez évoqué également les réponses nationales apportées à la crise, notamment les 30 millions d'euros consacrés au soutien des producteurs de lait. Les temps sont durs, et cela ne se discute pas. Vous avez aussi parlé d'un tour de table. Je remarque que les sommes que les caisses régionales du Crédit agricole avaient en réserve et qui servaient dans les crises précédentes ont été pour une bonne part converties en actions de Crédit agricole SA, afin de recapitaliser celui-ci. L'argent ne peut plus être utilisé sur le terrain. Je ne suis pas là pour le défendre : je considère même que c'est scandaleux. Mais il faut que l'on se rende compte que les aides susceptibles d'être accordées aux structures agricoles ou locales s'en trouvent limitées. Dans mon département, 150 millions d'euros ont été ainsi convertis ; ils ne sont pas perdus, mais ils ne peuvent plus être utilisés comme auparavant.

Je voudrais aussi évoquer les défiscalisations – politique plutôt de droite – qui sont pour une part responsables de la situation désastreuse d'un certain nombre de producteurs de lait dans notre pays. Il y a deux ans, pour ne pas payer d'impôts, ils ont acheté des tracteurs, voire des quads, pour aller chercher les vaches, et ne peuvent plus aujourd'hui honorer leurs traites. Le monde agricole, encouragé par le syndicat majoritaire, a toujours eu horreur de payer des impôts : il est puni par où il a péché.

Enfin, on ne peut pas faire l'impasse sur la négociation de l'OMC. Monsieur le ministre, vous savez qu'une épée de Damoclès est au-dessus de nos têtes : je veux parler de la baisse des taxes à l'importation qui se négocie ces jours-ci. Cette baisse viendrait encore aggraver la crise que nous connaissons. On ne pourrait plus alors parler d'incendie, mais de cataclysme !

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