Madame la ministre, vous avez beaucoup parlé de la contribution à laquelle les banques vont souscrire pour financer leur supervision. Mais en vous écoutant, je me suis pris à relire votre amendement et j'ai constaté qu'il n'y est nullement question de cela.
Puisque vous l'avez évoquée, je le dis très nettement au nom de mon groupe, nous sommes d'accord avec cette mesure. Elle n'a d'ailleurs pas posé de difficulté, la semaine dernière, quand il s'est agi de la voter. Nous la trouvons normale. Aux États-Unis, comme en France bientôt, les banques devront financer le coût de leur supervision. Il n'y a rien de choquant à cela.
Au demeurant, vous aviez annoncé cette mesure le lendemain ou le surlendemain du vote par la commission des finances de l'amendement prévoyant la surtaxe de 10 % sur les banques. J'imagine que vous l'aviez fait pour compléter le dispositif adopté, car il ne s'agit pas du tout de la même chose. Vous souhaitez faire payer par les banques le coût de leur supervision. Nous, nous estimons que l'État, c'est-à-dire le contribuable, a le droit de demander aux banques une prime, un résultat pour leur retour à meilleure fortune, un retour que ces banques doivent à la puissance publique.
Cet amendement trouve son origine dans ce qui fut une faute de votre part. En dépit de nos demandes, vous avez renforcé le capital des banques sans entrer au capital lui-même ou, plus exactement, en utilisant des véhicules – des taux super-subordonnés ou des actions préférentielles – qui ne donnent ni le droit de vote, ni le droit de représentation au conseil d'administration, ni même le droit de vendre les actions préférentielles avec la plus-value que le cours de bourse permettrait peut-être d'espérer, celle-ci étant limitée à 20 %. Vous avez ainsi cumulé les inconvénients sans obtenir l'avantage du retour à meilleure fortune.
Si vous étiez entrés pleinement au capital des banques, comme nous vous l'avions suggéré, l'État aurait réalisé une plus-value de l'ordre de 8 à 10 milliards d'euros, l'État c'est-à-dire les contribuables. Qui y aurait perdu ? Personne ! Pas les entreprises, qui sont financées par les banques. Pas davantage les banques elles-mêmes, qui auraient eu affaire à des actionnaires fiables et confiants, puisqu'ils achetaient à un cours relativement bas et ne vendaient qu'une fois la situation rétablie. Personne n'y aurait perdu. Tout le monde y aurait gagné : l'État et les contribuables. Vous ne l'avez pas fait pour des raisons que l'on sait idéologiques, que nous respectons, même si nous ne les partageons pas.
Comme vous n'avez pas acquiescé à cette idée, qui nous semblait de bonne gestion, nous vous avons suggéré de taxer les bénéfices des banques à hauteur de 10 %, pour un produit d'un peu plus de 700 millions d'euros, ce qui – si cette disposition était maintenue – permettrait d'alléger, de peu certes, mais néanmoins d'alléger, le déficit budgétaire de l'année prochaine.
Vous ne l'acceptez pas et vous avez indiqué qu'il y aurait d'autres rendez-vous. Là encore, je vous donne raison, si je suis en total désaccord avec vous sur l'attitude à avoir quant à la surtaxation des banques.
Nous avons rendez-vous dès maintenant et nous verrons à l'occasion de ce scrutin public ce qu'il en est, même si, chacun le sait, il y a peu doute sur le résultat.
Vous aurez un rendez-vous devant le Sénat.
Puis, mes chers collègues, l'ensemble des parlementaires, des responsables politiques, des ministres, le Président de la République auront des rendez-vous devant le pays, qui ne comprend pas comment, ayant été appelé à la rescousse pour sauver les banques, il ne profite pas lui-même, en l'occurrence l'État et les contribuables, de ce retour à meilleure fortune. Le pays ne comprend pas votre rejet, mes chers collègues.
Madame la ministre, expliquer l'adoption de l'amendement, la semaine dernière, par une erreur technique n'est évidemment pas correct. Après tout, vous ne savez pas, parmi ceux qui ont voté pour ou contre, qui, le cas échéant, aurait peut-être émis un vote contraire. Limiter la portée de ce vote n'est pas recevable et fait d'ailleurs porter une responsabilité excessive sur les épaules – il les a certes larges – d'un de nos collègues. Il a pris cela avec humour. C'est une preuve d'intelligence, mais lui imputer à lui seul cette la responsabilité est incorrect à son égard et à notre égard.
Un dernier mot pour prévenir un débat inutile. Nous ne considérons pas la deuxième délibération comme un déni de démocratie. J'ai pu le lire ici ou là. Je ne partage pas ce point de vue. Cette procédure fait partie de notre règlement, qui découle lui-même de la Constitution. Nous sommes dans un pays démocratique. La Constitution est ce qu'elle est, mais ce n'est pas un déni de démocratie. Cette procédure existe pour une seule et simple raison : contraindre la majorité. Chaque fois que le Gouvernement est en délicatesse avec sa majorité, il demande une deuxième délibération, voire un vote bloqué – mais nous n'en sommes pas là – pour la contraindre. Ce n'est pas ainsi qu'il contraindra le pays. Le pays ne comprend pas votre choix. Nous saurons lui expliquer les raisons pour lesquelles vous l'avez fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)