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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 26 octobre 2009 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Après l'article 33, amendement 256

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

J'en suis désolé, madame Lagarde, mais, avec cet amendement, nous allons reparler des banques. Nombre de parlementaires, sur tous les bancs, et une majorité de Français, quel que soit le choix qu'ils aient pu effectuer en 2007, ont vraiment cru, après le discours de Toulon, que plus rien ne se passerait comme avant. Les mots étaient forts, le ton paraissait particulièrement sincère, la situation était très grave et les engagements étaient précis. Qu'en est-il en réalité un an plus tard ? Il suffit pour le savoir de lire certain journal du soir la semaine dernière et de se reporter tous les matins aux journaux économiques : un an plus tard, rien, rigoureusement rien, n'a changé.

Nous étions en séance, où M. le ministre des comptes publics représentait le Gouvernement, lorsque nous avons appris qu'une dizaine de dirigeants de la Société générale s'attribuaient des dizaines de milliers d'options, et que le prix des actions était tellement bas que, entre le moment où le conseil d'administration avait décidé l'attribution de ce plan de stock-options et le moment où nous l'avions appris, ces dirigeants avaient déjà réalisé des plus-values de quelques centaines de milliers d'euros.

Rien n'a changé, et il suffit pour s'en convaincre de constater ce que sont les montants provisionnés par nos grandes banques françaises pour distribuer primes et bonus.

Rien n'a changé, et il suffit pour s'en convaincre de se rappeler dans quelles conditions sont partis deux dirigeants d'une banque particulièrement fautive, Dexia, dont l'État, directement ou indirectement, a contribué à la recapitalisation à hauteur de 3 milliards d'euros et garanti pour 57 milliards d'euros les actifs douteux. Ces deux dirigeants sont partis, l'un avec une retraite chapeau à faire pâlir d'envie n'importe quel dirigeant bancaire, et l'autre avec un parachute doré qui lui assure un atterrissage d'une parfaite douceur. Rien, rigoureusement rien, n'a changé.

Cette année, trois mesures ont été prises et une autre a été annoncée. Première mesure : un comité d'éthique s'est constitué au MEDEF. Il ne fait rien, car il n'a pas la capacité de s'autosaisir. Aucune entreprise ne le saisit. C'est donc une mesure purement cosmétique.

Deuxième mesure : un grand superviseur des rémunérations a été nommé. J'ai déjà eu l'occasion, dans la discussion générale, d'interpeller mes collègues de l'UMP pour leur demander s'ils connaissaient son nom. Je leur pose de nouveau la question, mais ils ne risquent pas de me répondre, car il ne fait rien.

Enfin, une troisième mesure a été prise, sous la forme d'un décret primo-ministériel censé étouffer toute velléité législative du Parlement. Or ce décret n'a manifestement servi à rien.

On nous annonce maintenant, à la suite du G20, un « bonus-malus ». Certes, la formule est heureuse, mais la réalité du dispositif n'a rien à voir avec celle d'un malus ; elle peut, en revanche, tout avoir d'un bonus. Un véritable malus suppose que l'on vous reprenne quelque chose. Or, dans l'hypothèse où les choses se passeraient moins bien que prévu, rien ne serait réclamé, avec ces supposés malus, aux salariés, dirigeants et traders qui se seraient vu attribuer, sous une forme ou une autre, des rémunérations extravagantes.

La formule bonus-malus peut naturellement frapper les esprits et fait gagner du temps. Cependant, normalement, un malus se caractérise par le fait que l'on vous prend quelque chose ou que l'on vous fait payer davantage. Avec ce dispositif, on ne vous reprend rien. Le cas échéant, on vous verse un peu moins. S'il faut appeler malus le fait de verser un peu moins que le montant extravagant auparavant envisagé, la formule est peut-être heureuse, mais elle ne correspond pas à une réalité que la très grande majorité de nos concitoyens souhaiterait pourtant voir prévaloir.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. Nous estimons que les choses ont maintenant assez duré.

En réalité, nous sommes à la traîne. Comme je l'ai rappelé, pour avoir aidé UBS à hauteur de cinq milliards de francs suisses, les Suisses ont récupéré un milliard de francs suisses. Nous savons également que le président américain veut amputer de 80 % la rémunération des dirigeants des établissements bancaires qui ont été aidés et qu'il est proposé, toujours aux États-Unis, d'instaurer une fiscalité dissuasive, précisément pour éviter ces rémunérations extravagantes, cependant que l'Allemagne et la Grande-Bretagne elle-même s'apprêtent à prendre des mesures bien plus rigoureuses que celles que nous envisageons.

Nous déposons donc cet amendement pour que le Gouvernement s'explique, qu'il nous dise ce qu'il compte vraiment faire et qu'il nous indique dans quel délai raisonnable nous cesserons d'apprendre que, dans notre pays, tel dirigeant se trouve amasser en une année, uniquement parce qu'il s'est trouvé là, en raison du hasard plus que du mérite, une fortune qu'aucun salarié de notre pays ne peut espérer gagner en toute une vie de labeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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