Madame la ministre, monsieur le ministre, on ne le répétera jamais assez : il s'agit bien, avec cet article, de débattre de la redistribution. En effet, le mot « redistribuer » figure dans l'exposé des motifs, et je crois que les mots ont un sens. Il ne s'agit ni de compensation ni même de restitution car il ne faut pas faire croire à nos compatriotes que l'on va leur rendre ce qu'on leur a prélevé ; si c'était l'objet du dispositif, ce ne serait évidemment pas la peine de créer la taxe carbone.
Il est important de souligner que celui qui change son comportement pour moins consommer d'énergie fossile va y gagner avant même de bénéficier du crédit forfaitaire d'impôt. Ce versement n'est qu'un bonus qui s'ajoute au gain. Le but premier, c'est le gain, et le bonus ne constitue qu'un coup de pouce.
Par ailleurs, vous avez fait le choix d'un régime quasi-uniforme. Or le risque est que l'application d'un tel dispositif soit aveugle devant la diversité des situations individuelles, notamment des situations sociales, et suscite donc des injustices. Vous avez retenu un critère géographique : le lieu d'habitation, plus exactement la domiciliation dans une commune selon qu'elle est intégrée ou non dans un périmètre de transports urbains. Toutefois j'attire votre attention sur le fait que ce critère sera source de nouvelles injustices, peut-être pires encore que celles qu'il est censé corriger.
Ainsi, prenons l'exemple d'une personne qui habite dans une commune située dans le périmètre des transports urbains : vous savez comme moi que ce périmètre se situe souvent dans de grandes agglomérations, dont les parties les plus éloignées sont très mal desservies, ce qui veut dire qu'on va appliquer le même régime à des personnes se trouvant dans des situations très différentes.
Autre exemple : une personne qui habite dans le périmètre mais qui travaille à l'extérieur n'aura, elle, aucun crédit d'impôt supplémentaire, alors que je suis persuadé qu'elle a moins choisi sa situation que dans le cas précédent. Je pense ainsi à quelqu'un qui habite dans un périmètre de transports urbains, mais qui a trouvé un emploi d'aide ménagère à temps partiel à la campagne – parce que c'est souvent là qu'il y a des offres à pourvoir – : elle aura des déplacements contraints ; pourtant elle ne recevra rien de plus.
Et puis je voudrais, en posant plusieurs questions, que l'on s'interroge sur les effets du dispositif : qui subit les prix de l'immobilier les plus élevés ? Est-ce à l'intérieur ou à l'extérieur des périmètres de transports urbains ? Qui subit les taux d'imposition locaux – taxe d'habitation, taxe foncière – les plus élevés ? A contrario, qui profite le plus des dispositifs d'éco-prêts à taux zéro ? Ce sont ceux qui habitent dans une maison car, dans les immeubles, l'isolation ou la pose de panneaux solaires peut difficilement être le fruit d'une décision individuelle ; elle correspond à une logique de copropriété. Or les maisons sont beaucoup plus souvent que les immeubles implantées en dehors des périmètres de transports urbains.
Qui profite le plus du crédit d'impôt, pour s'équiper d'un nouveau chauffage par exemple ? Et qui peut le plus facilement changer son comportement ? Celui qui prend déjà les transports en commun pour aller au travail ou celui qui décide de faire régulièrement du covoiturage et qui va alors largement économiser plus que le crédit d'impôt ? Je pourrais multiplier les questions : où les transports en commun sont-ils les plus chers au kilomètre parcouru : à l'extérieur ou à l'intérieur des villes ?
En conclusion, je crois que le seul critère vraiment incontestable est celui du revenu. Certes, il est difficile d'instituer un dispositif individualisé – vu les sommes en jeu, ce serait en plus ingérable –, mais il faut protéger les classes moyennes. Nos amendements proposent donc que les tranches les plus élevées du barème de l'impôt sur le revenu, les contribuables concernés par le bouclier fiscal ou l'impôt de solidarité sur la fortune ne bénéficient pas de la redistribution. Ce ne serait que justice.