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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 23 octobre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Article 5, amendement 168

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Nous sommes défavorables à la mise en oeuvre de la taxe carbone que tend à instaurer cet article, pour différentes raisons sur lesquelles nous ne voudrions laisser planer aucune ambiguïté.

Nous partageons la conviction de beaucoup sur les bancs de notre assemblée : il est indispensable que notre pays s'engage et réduise, de manière très significative, ses émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes également convaincus qu'il faut, pour réaliser un tel bouleversement des modes de consommation et de production dans un temps aussi court, d'ici 2050, des politiques publiques très actives.

Nous considérons cependant que le dispositif que vous nous proposez sera aussi inefficace qu'injuste. La consommation d'énergie fossiles correspond aujourd'hui, le plus souvent, à des dépenses contraintes. De nombreuses personnes – cela a été rappelé tout à l'heure notamment par notre collègue Jean-Louis Dumont – sont aujourd'hui contraintes, y compris en milieu périurbain, d'utiliser leur véhicule pour se rendre au travail, emmener leurs enfants à l'école, etc. Elles ne disposent pas forcément de transports en commun et, a fortiori, de véhicules électriques. En outre, de nombreuses personnes, locataires de leur logement, ne choisissent pas leurs moyens de chauffage. Contrairement à ce que vous avez affirmé, madame la ministre, les personnes pauvres seront les plus touchées, mais vous avez l'habitude de les mettre davantage à contribution que les riches. Ce sont elles qui ont le moins de facilités pour se tourner vers des solutions de remplacement, qui, lorsqu'elles existent, sont souvent onéreuses, comme l'énergie solaire.

Rappelons en outre – c'est indispensable – que les 35 % de ménages les plus pauvres dépensent, en proportion, deux fois plus pour l'énergie que les 5 % de ménages les plus riches.

Votre taxe n'est donc pas équitable. Comme elle ne modifiera pas le comportement de consommateurs qui n'y peuvent mais, elle sera également inefficace.

C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article. L'urgence est, en effet, non pas à la mise en place d'une taxe carbone mais au déploiement préalable d'outils efficaces de transition écologique. Cela exige, de l'État, des efforts considérables, que vous n'êtes pas prêts à consentir, puisque vous n'avez eu de cesse, dans tous les domaines concernés par cette mutation, qu'il s'agisse de la politique du transport ou de celle du logement, d'oeuvrer au désengagement de l'État, comme vous n'avez eu de cesse d'assécher les comptes de l'État et de réduire ses marges de manoeuvre, d'où ce faux-semblant de mesure environnementale que vous brandissez comme une formidable trouvaille pour donner le change à ceux qui pourraient, à juste titre, vous reprocher votre inaction. Décidément, avec Jean-Louis Borloo, cette sorte de Harry Potter du Valenciennois, vous faites un joli couple pour donner des illusions, mais vous ne réglez rien. En revanche, vous essayez d'être efficaces dès qu'il s'agit de beurrer la tartine des privilégiés. Pour les autres… des nèfles !

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