N'opposons pas, monsieur Le Fur, le pays réel et la planète réelle. Nous représentons, nous aussi, le pays réel ; mais cela ne nous empêche pas de constater la situation dans laquelle nos comportements économiques, depuis des années, ont mis la planète. Lors de la discussion générale, j'ai dit que la crise actuelle était climatique : elle témoigne en effet d'un excès de consommation d'énergies fossiles, au regard de la capacité de notre atmosphère à absorber le carbone. Mais cette crise est également énergétique, la demande étant, en ce domaine, structurellement supérieure à l'offre et les réserves limitées.
Des objectifs de préservation de la planète ont été fixés depuis quelques années. Il y a eu le protocole de Kyoto : s'il a marqué le début de la prise de conscience planétaire, il n'a pas permis de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre. Il y a eu le facteur quatre : l'objectif est que la consommation mondiale d'énergies fossiles soit divisée par deux d'ici 2050, et par quatre dans les pays développés, lesquels sont historiquement les principaux consommateurs par habitant – d'où l'expression « facteur quatre ».
Des systèmes existent déjà, nous dira-t-on, tel celui des quotas. La directive ETS – Emissions trading scheme – par laquelle les quotas furent mis en oeuvre le 1er janvier 2005 ne concerne que les 12 000 établissements européens responsables de 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans l'Union. La contribution climat-énergie, elle, vise à dépasser ce chiffre et à impliquer davantage d'acteurs économiques. Le paquet énergie-climat et son objectif des « trois fois vingt » avait attiré notre attention sur le sujet en 2008 ; mais il nous faut aujourd'hui aller plus loin, d'où la présente taxe carbone. Celle-ci est utile car, comme Michel Rocard le déclarait à la commission du développement durable de notre assemblée, le système des quotas a montré ses limites : dès lors qu'il s'agit d'un marché, il peut engendrer des tensions, voire des bulles.
Nous ne sommes pas dupes et avons bien conscience que la position des États-Unis et de certains pays émergents, comme la Chine ou l'Inde – pour ne citer que les deux plus grands –, est également très importante, car le débat doit être mondial. Mais nous entamons aujourd'hui un débat sur le renforcement de la fiscalité écologique : ne boudons pas notre plaisir.
Rejoignant en cela Yves Cochet, je préfère parler de « contribution climat-énergie » plutôt que de « taxe carbone ». L'idée de contribution climat énergie traduit en effet la volonté de changer à la fois nos modes de production et nos modes de consommation ; elle inclut l'électricité dans la base et devrait nous permettre d'aborder la question de la progressivité, que vient d'évoquer Christophe Caresche.
La conférence de Copenhague ne concerne pas seulement la France. La volonté politique permettra, je crois, de montrer qu'il ne s'agit pas simplement de devenir un modèle, mais de prendre conscience que la planète a besoin que l'on agisse.