Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Lorsque la crise financière a éclaté, il fallait une réponse collective puissante et organisée. Les dirigeants de tous les pays, au premier rang desquels le nôtre, ont su la mettre en oeuvre.
Nous n'avons jamais voté contre le plan de sauvetage du secteur financier. Nous ne l'avons pas non plus approuvé car nous avions deux réserves de fond.
La première est que ce plan ne comprenait pas de mesures destinées à traiter la crise économique et sociale, qui, nous le savons, sont venues plus tard.
La deuxième est que nous estimions que l'État devait prendre des garanties, à travers notamment une clause de retour à meilleure fortune. Mme Brunel y a d'ailleurs fait allusion, sans nommer l'amendement en question.
Un rappel s'impose ici. Via la Société de financement de l'économie française, l'État s'est engagé, à concurrence de 265 milliards d'euros, à garantir le refinancement des banques : les prêts ont aujourd'hui atteint 93 milliards d'euros.
S'agissant de la réponse que vous avez faite, madame la ministre, à propos de la nature des collatéraux consentis par les banques en garantie des prêts de refinancement, permettez-moi de faire deux remarques. Sur les 93 milliards, seul 1,2 milliard a été contrôlé : certes, on peut déduire que cet échantillon ayant été jugé sain, l'ensemble l'est également, mais ce n'est pas une certitude. Par ailleurs, je ne fais pas la même analyse que vous de la décision d'Eurostat, qui, implique, me semble-t-il, que notre pays comptabilise les 93 milliards dans son stock de dettes. Mais vous me donnerez les références exactes de cette décision si vous considérez qu'elle ne va pas dans le sens que j'ai dit et je vous en donnerai acte le cas échéant.
Outre la Société de financement de l'économie française, la Société de prises de participation de l'État est intervenue. Elle a procédé en deux étapes : d'abord, à travers des prêts à taux supersubordonné, ensuite à travers les actions dites préférentielles. Mais il faut bien voir ce que ces termes ont de trompeur. Les prêts à taux supersubordonné ne donnent aucun droit et aucune garantie : en cas de faillite, l'État sera remboursé avec un rang de créancier ultime, tous les autres créanciers passant avant lui. Les actions préférentielles ne donnent droit ni à voter ni à désigner un représentant au conseil d'administration et, en cas de revente, la plus-value est limitée à 20 %.
Nous estimons que nous avons fait beaucoup d'efforts : 93 milliards pour la Société de financement de l'économie française et un peu plus que vous ne l'indiquiez, madame Brunel, pour la Société de prises de participation de l'État, les prêts à taux supersubordonné représentant 10,5 milliards et les actions préférentielles entre 12 et 15 milliards, si ma mémoire est bonne, soit environ 25 milliards. Et ces efforts considérables, l'État les a consentis sans exiger la moindre clause de retour à meilleure fortune.
L'État helvétique en a exigé pour l'aide de 5 milliards d'euros qu'il a fournie à UBS et en a tiré un gain pour son budget de 1 milliard d'euros. Il ne me semble pourtant pas que la Confédération helvétique soit connue pour son esprit collectiviste galopant. Ce que les Suisses ont fait, nous aurions pu le faire, d'autant qu'avec le même ratio, nous aurions obtenu un gain de 5 milliards d'euros pour nos finances publiques. Qui, sur ces bancs, pourrait prétendre que de telles recettes supplémentaires auraient été inutiles, compte tenu du contexte budgétaire actuel ? Personne, bien évidemment. Une diminution de cinq milliards de notre endettement n'aurait-elle pas été bonne à prendre ?
Enfin, j'aborderai deux derniers sujets, avec votre indulgence, monsieur le président.
Madame Lagarde, vous dites qu'il faut éviter de boursicoter et de spéculer. Employer le verbe « boursicoter » lorsqu'il s'agit de milliards d'euros ne me paraît pas conforme à la conception que l'on peut avoir du boursicotage, qui, me semble-t-il, porte sur des sommes un peu plus modestes. Ne pas spéculer, dites-vous encore, ce qui est proprement stupéfiant. Vous êtes la première à dire que l'État a fait une bonne opération grâce aux prêts à taux supersubordonné d'un rendement de plus de 8 %, vous targuant d'une recette de 1,4 milliard d'euros pour l'État.
Au demeurant, cette affirmation est en partie erronée. Vous omettez en effet le coût de l'emprunt que l'État a contracté pour garantir le refinancement. Je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes, selon laquelle, en 2009, ce n'est pas 1,4 milliard mais la moitié que l'État a récolté. Celui-ci a en effet dû emprunter à 4 % pour ensuite prêter à 8, 34 %. Sur deux ans, comme l'ont d'ailleurs souligné le rapporteur général et Charles-Amédée de Courson, cela représentera entre 1,5 milliard et 2 milliards d'euros, mais certainement pas 2, 8 milliards, comme vous l'annoncez, madame la ministre.
Par ailleurs, si récupérer 1,4 milliard d'euros – 700 à 800 millions d'euros selon la Cour des comptes – constitue à vos yeux une bonne affaire, en quoi récupérer 5 milliards d'euros aurait été une mauvaise affaire ? Au nom de quoi est-ce moral d'encaisser une recette extraordinaire de quelques centaines de millions d'euros et au nom de quoi serait-ce immoral de récupérer une recette de plusieurs milliards d'euros ? En réalité, madame la ministre, en prétendant ne pas avoir voulu spéculer, vous dissimulez sous des considérations morales ce qui fut une très lourde erreur de gestion.