Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 2 du projet de loi portant réforme, et non suppression, de la taxe professionnelle ouvre une longue période d'incertitude pour les finances locales, période qui sera sans doute marquée par des désordres et par l'injustice fiscale.
Bien que la taxe professionnelle, qui a trente-quatre ans, soit un vieil impôt, elle a toujours été contestée, même après divers rapiéçages ou ravaudages. Si cet impôt pose problème, c'est vraisemblablement parce que la loi l'instituant n'avait pas fait l'objet de simulations précises et sérieuses. Or il semblerait que l'amère leçon de 1975 n'ait pas été retenue, puisque nous sommes sur le point de commettre les mêmes erreurs dues à la précipitation et à l'improvisation. En 1975, le porte-parole des députés socialistes, le regretté André Boulloche, élu du Doubs, compagnon de la Libération, avait demandé avec insistance et solennité à M. Jean-Pierre Fourcade, ministre des finances de M. Giscard d'Estaing et de M. Chirac, et au rapporteur du projet de loi, le député gaulliste du Bas-Rhin, M. Jean-Claude Burckel, de surseoir à l'application de la loi afin de procéder à un travail approfondi de simulation en vraie grandeur sur un exercice budgétaire. Le Gouvernement et sa majorité ayant refusé de répondre à ces demandes légitimes, nous avons eu le résultat que l'on sait.
Ainsi, périodiquement, la taxe professionnelle est revenue au centre du débat fiscal et a fait l'objet de corrections, de rectifications, d'abattements, qui ont conduit l'État à en prendre une partie à sa charge. Le dispositif qui nous est aujourd'hui proposé, même après passage en commission, laisse un goût amer, résultant d'ajustements hasardeux.
Dans le flot des déclarations lénifiantes qui nous sont délivrées, on entend souvent dire que la taxe professionnelle est une exception française. La vérité est tout autre : nombreux sont les grands pays développés, modernes, qui ont un impôt économique assis sur les entreprises. Toutefois, la plus extravagante de ces déclarations est celle qui veut nous faire admettre – ou croire – que les entreprises seront gagnantes et que les collectivités locales ne seront pas perdantes.
Ne nous perdons pas en explications embarrassées : c'est par un endettement supplémentaire de l'État que ce fragile équilibre sera très temporairement maintenu. En fait, l'exercice auquel on nous convie repose sur un triple saut généralisé de taxes, d'impôts, de contributions diverses entre les différents niveaux de prélèvements. En commission des finances, notre collègue Laffineur nous a dit que tout avait été « balayé ».