Et c'est du reste qu'il faut se préoccuper, je veux bien sûr parler de la dette, et du grand emprunt.
Le rapport Pébereau avait commencé à faire une pédagogie utile. C'est comme si la crise l'avait balayé, car il y a aussi des effets de mode en économie. Pourtant, on sait bien que le rendez-vous avec la dette publique sera périlleux : elle ne pourra être effacée ni par l'inflation et la spoliation des épargnants, ni par la guerre – fort heureusement – comme ce fut le cas dans notre histoire financière.
Nous devrons régler la question de la dette en temps de paix, sans inflation et avec une croissance modérée dans le meilleur des cas, dans le contexte d'une augmentation des dépenses sociales liée à l'allongement de la durée de la vie. Il revient donc à notre génération politique de poser la question politique de la dette et d'avoir le courage, notamment par la sélection des dépenses publiques, de ne pas obérer les capacités d'initiative des générations futures.
C'est d'autant plus vrai que pointe une divergence de plus en plus visible avec nos amis allemands, malgré notre excellente entente politique. Quand le chancelier Schröder dévaluait les salaires faute de pouvoir dévaluer l'euro, la France passait aux trente-cinq heures ; et tout récemment, l'équilibre budgétaire a fait, outre-Rhin, l'objet d'une révision constitutionnelle. Qui achètera notre dette libellée en euros ? Qui nous gouvernera de l'extérieur par le biais de notre encours de dette, puisque nous n'avons pas su trouver en nous-mêmes l'énergie et le courage suffisants pour être les maîtres de nos propres affaires ? Ce n'est évidemment pas le seul Gouvernement que j'interpelle par ces questions, mais nous tous dans cet hémicycle et, au-delà, la nation tout entière.
Dans ce contexte, la question du grand emprunt doit requérir toute notre vigilance. Oui, le Président de la République a eu raison d'élever la ligne d'horizon en prenant l'initiative de bâtir les chantiers du futur. Mais il nous faut être particulièrement vigilants sur le choix des dépenses, qui ne doivent pas être improductives. Il faudra également retenir la formule d'émission la moins coûteuse pour les finances publiques. Depuis que Pierre Bérégovoy a modernisé l'émission et la gestion de la dette publique au milieu des années quatre-vingt, le mythe de l'emprunt mobilisateur quand l'ennemi est à la frontière n'a plus grand sens, d'autant que le symbole politique a un coût exorbitant. Espérons que la raison l'emportera, car les Français sentent bien que l'endettement excessif génère toujours des impôts futurs, et il ne faudrait pas que l'épargne de précaution liée aux anticipations casse la consommation, qui reste l'un des piliers de notre croissance.
Je voudrais, pour terminer, évoquer ma préoccupation concernant la réforme de la taxe professionnelle, en commençant par le contexte. Comme l'a dit le Premier ministre, il y a une seule République : il est vain de vouloir opposer éternellement l'État et les collectivités locales, et inversement. Surmontons l'éternel débat sur les transferts de charges ; reconnaissons que, quand les recettes de TVA baissent, la DGF ne baisse pas, alors que, quand elles augmentent, la même DGF augmente aussi. Cessons, à l'inverse, de fustiger les élus locaux au motif qu'ils seraient par nature dépensiers : ils essayent seulement de rendre le meilleur service à la population. Mais il est vrai aussi que la future réforme des collectivités territoriales va permettre de rationaliser les dépenses locales.
Je ne reviendrai pas sur la généalogie de la taxe professionnelle, ni sur ses mutations successives. Il faut simplement réaffirmer que cette réforme est indispensable pour cesser de pénaliser notre industrie.
Nous vous avons bien écoutée, madame la ministre, et nous avons compris que vous étiez ouverte aux propositions pour la suite de la discussion. Gilles Carrez, notre excellent rapporteur général nous a dit hier que le formidable travail fait en commission n'était qu'un prologue avant la discussion de la première partie. Nous veillerons à ce que les transferts de recettes fiscales soient équilibrés entre les niveaux de collectivités, et seront également très vigilants en ce qui concerne les fonds départementaux de péréquation.