Souhaiter que la consommation d'énergies fossiles diminue, c'est déjà prendre en considération l'avenir de la planète, et en conséquence considérer comme légitime l'instauration de la contribution « climat-énergie ». La division par deux des émissions mondiales de CO2 implique donc la baisse de la consommation de charbon, de gaz et de pétrole.
De plus, un jour, demain, l'humanité devra de toute façon consommer moins d'énergies fossiles car ces énergies ne sont pas renouvelables à l'échelle des temps historiques. Parlons du pétrole : même si la fin du pétrole n'est pas pour demain, même si la production pétrolière ne déclinera vraisemblablement que vers 2020, gardons à l'esprit que nos consommations s'accroissent de 2 % par an et que la population mondiale augmente. La décroissance de la production pétrolière induit la fin du recours au tout-pétrole et légitime le passage à une économie décarbonée.
Or la taxe carbone incluse dans le présent projet de loi de finances ne nous en fait pas prendre le chemin. Tout d'abord parce que la valorisation du carbone à 17 euros la tonne est inférieure au seuil reconnu par le rapport Quinet et recommandé par la commission d'experts présidée par Michel Rocard
Ensuite, elle n'en prend pas le chemin parce que l'électricité est exclue de la base taxable. Alors qu'actuellement 75 % des logements neufs utilisent l'électricité, cette exclusion va aboutir à un report du consommateur sur cette énergie et aggraver encore les pics de consommation, notamment en hiver. Il aurait été écologiquement nécessaire, économiquement pertinent et socialement équitable que le consommateur d'électricité reçoive aussi ce signal.
Par ailleurs, le dispositif pèche par l'absence d'engagement sur la progressivité du taux de la taxe, eu égard à l'objectif de 100 euros la tonne en 2030 et de 200 euros la tonne en 2050. Dès lors que l'on souhaite tenir les engagements du « facteur 4 », sans oublier la nécessité de neutraliser l'inflation, il faut annoncer le rythme prévu pour le relèvement du taux de la taxe carbone.
Ce dispositif pèche, en outre, en raison du choix de la compensation-redistribution uniforme pour les ménages. C'est injuste ; une modulation aurait du être prévue en fonction des revenus des ménages. Au lieu de cela, vous confirmez le verrou sur le bouclier fiscal, en y incluant la taxe carbone.
Enfin, les 2 milliards d'euros que supporteront les entreprises constitueront, au plan macro-économique, une reprise partielle de l'avantage tiré de la réforme de la taxe professionnelle.
Tombant ainsi dans le pot commun du budget, nous sommes loin de la décision, qu'il était possible de prendre, d'affecter le produit de la taxe carbone à un fonds autonome, doté d'une gouvernance particulière et chargé de décider de l'utilisation des recettes. Ce schéma, quelque peu analogue à celui mis en oeuvre pour le Fonds de réserves des retraites, aurait eu pour vertu principale de sanctuariser le produit de la contribution carbone, écartant cette ressource du besoin de financement de l'ensemble des dépenses de l'État.
L'instauration de la contribution « climat-énergie » pourrait constituer un véritable tournant dans la mise en oeuvre de la fiscalité écologique. Au lieu de cela, nous voyons la mise en oeuvre d'une taxe carbone timide par le choix d'attribuer une faible valeur au carbone, incomplète car n'incluant pas l'électricité, injuste dans le choix d'une redistribution uniforme aux ménages, et embryonnaire par l'absence de l'affirmation d'une nécessaire progression.
Le contexte financier et économique pèse – c'est clair – sur l'état de nos finances publiques, mais les choix politiques que vous imposez au pays, et dont ce budget est une nouvelle fois la marque, alourdissent l'injustice fiscale, affaiblissent nos marges de manoeuvre, altèrent notre capacité financière, creusent la fracture sociale, fusillent les collectivités territoriales.
L'optimisme ne fait pas une politique. Comme, l'an dernier, vous aviez tablé dans le projet de loi de finances pour 2009 sur une hypothèse de croissance de 1 % et que nous serons vraisemblablement à moins 2,25 %, vous comprendrez, madame, monsieur les ministres, notre scepticisme sur vos recettes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)