Lors de la discussion du projet de loi de finances l'an dernier, le 21 octobre exactement, j'avais axé mon intervention sur la fiscalité environnementale, en posant d'entrée de jeu la question suivante : « Le PLF 2009 comporte-t-il des axes volontaristes visant à orienter à la hausse la fiscalité écologique, dès lors que l'on considère qu'elle peut constituer un levier pour l'amélioration de notre environnement et l'atteinte des objectifs environnementaux tels que le bon état de l'eau, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le recours accentué aux énergies renouvelables ? »
Ce n'était pas le cas et je l'avais regretté, déposant également, avec le soutien des membres socialistes de la commission des finances, un amendement instituant une taxe sur les consommations d'énergie assise sur le contenu énergétique, prévoyant sa progressivité ainsi que les conditions de son utilisation : 50 % de son produit affecté à un fonds d'accompagnement de la mutation énergétique, qui pouvait lui-même alimenter la réduction des charges dans le logement social, un fonds d'aide à la mobilité, un fonds de développement des transports collectifs.
Mais en 2009, c'était trop tôt : « Monsieur Launay, vous n'y pensez pas ! Vous allez faire peser des charges nouvelles sur les entreprises. Ce n'est pas le moment. »
Un an plus tard, nous y sommes. La parole présidentielle, il faut bien le dire, est passée par là. En février 2009, il fallait supprimer la taxe professionnelle, la remplacer. Une piste : la taxe carbone. Et nous voici dans cette discussion budgétaire avec deux réformes majeures : celle instituant la taxe carbone et celle supprimant la taxe professionnelle. Gilles Carrez les considère dans son rapport comme étant l'enjeu fiscal d'importance du projet de loi.
Certes, on n'a jamais vu, ou rarement, deux mesures d'une telle ampleur – avec leurs impacts fiscaux, financiers, sociétaux, et leurs répercussions sur l'équilibre, dans le recours à l'impôt, entre ménages et entreprises ainsi que sur les moyens financiers des collectivités territoriales – s'ajouter à une discussion budgétaire classique.
Mais ce serait oublier que l'acte budgétaire constitue en lui-même un enjeu fiscal, et que nous pouvons difficilement faire comme si les décisions politiques prises par votre gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, ne pesaient pas lourdement sur un contexte général de finances publiques dégradées – vous avez eu le mérite, monsieur Woerth, de rappeler hier les niveaux historiques atteints –, avec une dette à 84 % du PIB et un déficit à 8,5 % du PIB à la fin de 2010. Notre rapporteur général ne disait-il pas en commission des finances le 15 octobre 2009 : « On sait tous que les comptes 2010 seront encore plus difficiles qu'en 2009 » ?
Les décisions politiques que vous prenez s'accompagnent du discours convenu de la baisse des prélèvements obligatoires. Vous défendez le bouclier fiscal – « surtout pas de détricotage, il faut maintenir le verrou » –, l'idée qu'il ne faut pas d'impôts nouveaux – mais on sait le nombre de taxes créées –, la réduction des impôts, réduction de 16 milliards d'euros, dont 10 milliards pour les ménages – avec le texte TEPA, nous savons lesquels – et 6 milliards pour les entreprises.
Nous revendiquons pour notre part de parler de justice sociale, de répartition des moyens, de partage des efforts. Mes collègues ont déjà pu développer ce point et continueront de le faire.
Je reviens à la fiscalité écologique 2010. La fiscalité écologique, c'est percevoir différemment l'impôt. Dans ce cadre, la taxe carbone, c'est taxer les modes de production et de consommation polluants. La fiscalité verte, c'est favoriser la production et la consommation de produits propres, c'est accélérer le passage à une économie décarbonée.
À la demande du président de la commission des finances, j'ai travaillé, en lien avec mon collègue Michel Diefenbacher, sur ce sujet durant l'été. Nos préoccupations sont partagées, mise à part la question de l'inclusion ou non de l'électricité dans la base taxable. Et nous avons conclu à la nécessité d'instaurer la contribution « climat-énergie ». Nous sommes convaincus et nous souhaitons convaincre de nombreux collègues – en entendant M. Vanneste, je constate qu'il y a du boulot ! – qu'il est temps d'intégrer dans nos raisonnements politiques et dans nos actions les deux crises, énergétique et climatique.
Nous ne devons pas considérer que le changement climatique est un problème comme les autres. Ce n'est pas plus tard mais maintenant que nous devons nous en préoccuper, au risque, à défaut, de voir les conséquences devenir désagréables, insupportables. Car nous avons déjà injecté de grandes quantités de CO2 dans l'atmosphère et nous ne devons pas attendre que la situation climatique soit gravissime pour agir, pas plus que nous ne pouvons considérer que le tabac est inoffensif du fait que des fumeurs sont encore vivants.