Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, ce projet de loi de finances revêt un caractère exceptionnel. Notre majorité a été élue pour procéder à des réformes indispensables mais trop retardées. Nous pensions les faire dans le cadre d'une croissance modérée mais continue, dont la France n'a pas su tirer le parti qu'il fallait jusqu'à présent. L'un des axes de cette politique consistait à diminuer les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires. La crise nous amène à une situation paradoxale puisque les réformes n'apparaissent aujourd'hui possibles qu'au prix d'un accroissement des déficits et d'un alourdissement de la dette. Je dis paradoxe et non contradiction dans la mesure où des économies et des réformes – je pense en particulier à la taxe professionnelle – permettent une baisse des prélèvements obligatoires, qui passent de 42,8 % du PIB en 2008 à 40,7 % en 2010 comme en 2009.
La philosophie qui préside à nos choix budgétaires est claire puisqu'elle consiste à réduire les dépenses improductives pour mieux mettre l'accent sur les investissements qui concourent à rétablir la croissance et à assurer l'emploi.
Le Président de la République ne cesse de répéter qu'il souhaite que la France demeure un grand pays industriel. Le Premier ministre rappelait encore hier que la France devait améliorer l'attractivité de son territoire et renforcer la compétitivité de son économie. En tant que député d'une circonscription fortement marquée par l'industrie, je suis particulièrement sensible à ces discours et j'en mesure d'autant plus la nécessité que, jour après jour, les entreprises de mon secteur subissent des difficultés que nous n'avions pas connues depuis 2003, avec le choc des importations asiatiques dans le textile.
Dans la poursuite de cet objectif, certaines mesures paraissaient excellentes, d'autres bonnes, et d'autres encore mauvaises.
En 2007, nous avions dans notre programme la meilleure des mesures qui pouvait avantager notre production industrielle. Il s'agissait de l'instauration de la TVA sociale, qui aurait permis de transférer en partie sur la consommation les charges des entreprises, notamment celles qui ne sont pas liées directement à celle-ci, comme la maladie ou la famille.
Tout en diminuant le coût des produits français, cette mesure aurait permis de faire peser le financement de notre protection sociale pour une part sur les importations et le tourisme. Sous le coup d'une campagne de désinformation, cette disposition a malheureusement été abandonnée, alors qu'elle est en oeuvre dans les pays scandinaves et, partiellement, en Allemagne. On a rappelé tout à l'heure les bons résultats de l'Allemagne, qu'elle doit aux trois points d'augmentation de la TVA décidée il y a quelques années.
La réforme de la taxe professionnelle, telle qu'elle a été présentée par le Gouvernement, est une bonne mesure. Elle présente trois avantages et un inconvénient. Le premier avantage réside, bien sûr, dans l'allégement de la fiscalité de nos entreprises. Comme la TVA sociale, elle est une réponse aux menaces de délocalisation. Enfin, elle se situe dans une démarche qui appelle les collectivités territoriales à une plus grande sagesse. Comme le rappelait Eric Woerth ce mardi : « Il n'est pas très efficace que les efforts d'économie réalisés par l'État soient annulés par un excès de dépense des collectivités territoriales. »
Evidemment, on peut regretter qu'une fois encore l'État devienne un peu plus le premier contribuable local, et que disparaisse une émulation entre les collectivités. J'ai déjà pu observer ce phénomène lorsque l'instauration de la TP communautaire à Lille a manifestement découragé certaines villes de choisir l'entreprise et ses éventuelles nuisances.
En revanche, la taxe carbone est un geste politique dont je ne perçois ni l'intérêt économique ni les conséquences écologiques. La taxation de l'énergie productrice de CO2 dans un pays qui représente 1 % des émissions mondiales et dont une grande partie de l'énergie repose sur l'électricité d'origine nucléaire est un symbole dérisoire par rapport à l'augmentation annuelle de la production de CO2 par la Chine, dont la croissance est repartie – elle est revenue à 8 % – et a sans cesse besoin de davantage de charbon, de gaz et de pétrole. La Chine émet 24 % du CO2 mondial et génère les deux tiers de la hausse annuelle. Claude Allègre comparait cette taxe à la suppression des allocations familiales en France pour freiner la croissance démographique mondiale.
La taxe carbone est doublement mauvaise : d'abord, parce que c'est une taxe et non une incitation ; ensuite, parce qu'elle va peser sur la production et la consommation des produits français alors que les produits importés y trouveront un avantage concurrentiel. Cette taxe est une sorte d'anti-TVA sociale, à moins d'imaginer une taxation à la frontière, dont on a du mal à cerner le mécanisme. Je suis bien placé pour vous dire qu'à la frontière belge, les files de voitures vont s'allonger, parce que les gens iront chercher un carburant moins cher. Nous n'aurons rien gagné en pollution, mais perdu en termes d'activités et d'emplois.
Au-delà du budget 2010, c'est le rapport de force économique mondial qui est aujourd'hui en train d'évoluer de manière considérable. Nous pouvons espérer retrouver une croissance relative dans un monde ou le dynamisme se sera fortement et durablement installé en Asie. Le seul ressort qui peut nous aider à rebondir dans ce contexte a été défini dans la stratégie de Lisbonne : il s'agit de l'économie de la connaissance. L'augmentation du budget de la recherche est de ce point de vue une excellente nouvelle. Un dispositif fiscal joue dans cette direction un rôle très positif : il s'agit du crédit impôt recherche. C'est la raison pour laquelle je souhaite son extension.
C'est la compétitivité par l'innovation, par la différenciation qui doit être privilégiée. Celle-ci ne doit pas se limiter à l'invention technique ou scientifique ; elle doit être étendue à l'innovation esthétique, à celle qui est présente dans les collections et les métiers d'art, à travers les maquettes ou les prototypes. Cela aurait un impact sur un grand nombre d'entreprises de main-d'oeuvre liées notamment à la production de luxe, à laquelle notre pays est très attaché.
Madame la ministre, vous disiez hier : « Notre objectif c'est l'emploi, encore l'emploi et toujours l'emploi. » C'est pourquoi il faut privilégier dans ce budget tout ce qui concourt à atteindre cet objectif.