S'il est un budget qui ressort de ce projet de loi de finances pour 2010, c'est bien celui des collectivités locales. Ce dont je veux vous parler aujourd'hui, ce n'est pas seulement du département dont je suis un des représentants, mais de l'exemple qu'il constitue, de la conception de l'avenir de notre République qui – faut-il le rappeler – est constitutionnellement décentralisée. Une règle simple découle de ce principe : pour que les collectivités locales puissent fonctionner, il leur faut des ressources.
Or il se passe depuis 2007 quelque chose d'étrange dans notre pays : sous couvert de modernité, se prépare un retour en arrière inédit vers l'époque où la centralisation étatique était parole d'Évangile.
Après avoir peu à peu étranglé financièrement les collectivités locales, ce projet de loi de finances met fin à la liberté financière – et donc politique – des élus locaux : il est le prélude à une réforme territoriale qui ressemble fort à une recentralisation. Les collectivités locales sont la cible de ce budget – sans doute parce que, assurant 73 % des investissements publics de notre pays, elles sont les pilotes d'un service public local utile et efficace : c'est le dernier trait que vous voulez effacer pour établir cette République low cost dont vous dessinez chaque jour les contours.
J'ai entendu, à ce sujet, l'excellent commentaire de Jean-Pierre Raffarin, dont je vous laisse juges : selon lui, il n'est pas acceptable que l'État mette les collectivités sous tutelle en substituant des dotations à une responsabilité fiscale. Il y a trente ans, la décentralisation avait pourtant donné naissance à une démocratie locale. Au fil du temps, elle s'est imposée comme un échelon vital de notre République, un lien fort entre les citoyens et leurs élus.
Le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi de finances est pourtant déjà très sombre pour les territoires. Les transferts de compétences vers les collectivités territoriales ne sont déjà pas compensés par l'État à hauteur des dépenses à leur charge.
Plus de trente milliards de transferts manquent au niveau national depuis 2004. Rien que pour le département de la Seine-Saint-Denis, 491 millions d'euros restent à cette heure en attente de paiement, dont la moitié pour financer le seul RMIRSA. Ce sont autant de moyens en moins pour répondre aux besoins des habitants, autant de coupes budgétaires dans les investissements, qui devront vraisemblablement passer, pour un département comme le mien, de 200 à 100 millions d'euros l'année prochaine. Ce sont autant de moyens en moins pour construire des collèges, des crèches ou encore des établissements d'accueil pour les personnes âgées.
Cette mauvaise compensation des transferts ne s'accompagne pas d'une réelle péréquation de la dotation globale de fonctionnement, qui permettrait de réduire les inégalités. Pour l'ensemble des départements, la dotation de péréquation urbaine, destinée aux trente-deux départements qualifiés d'« urbains » ne représente que 5 % de la DGF considérée dans son ensemble.
Depuis l'an dernier, il faut ajouter à cela le ralentissement du marché de l'immobilier – touchant aussi bien le neuf que l'ancien, et l'année prochaine l'immobilier de bureaux – qui entraîne une diminution des droits de mutation à titre onéreux. C'est ainsi une des recettes les plus dynamiques des départements – qui permettait d'amortir les transferts de charges – qui se trouve réduite comme peau de chagrin.
J'ai entendu hier notre collègue Marc Laffineur proposer de verser à un fonds de péréquation les recettes des droits de mutation dès lors qu'elles progresseraient beaucoup plus que l'inflation : mais encore faut-il tenir compte des transferts de charges non compensés qui viennent grever les budgets d'un certain nombre de départements ! En 2009, la Seine-Saint-Denis a vu ces recettes baisser de 38 millions d'euros par rapport à 2008, soit une baisse de 25 %.
Enfin, le pompon – mais je l'avais déjà évoqué l'année dernière à cette tribune, madame la ministre –, c'est le fameux ticket modérateur ! Les collectivités participent jusqu'à présent au financement de l'allégement de taxe professionnelle payée par les entreprises par le biais du mécanisme du ticket modérateur. En Seine-Saint-Denis, le montant du ticket est passé de 22 millions d'euros en 2007 à 23,5 millions d'euros en 2008 puis à 37 millions d'euros pour 2009, du fait du plafonnement unique à 3,5 % de la valeur ajoutée de l'entreprise. À titre de comparaison, les Hauts-de-Seine, qui dépensent trois fois moins au titre du RSA, ne sont pas taxés par le ticket modérateur !