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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 21 octobre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne ne pourra reprocher au Gouvernement son obstination. Cependant, il est dommage qu'elle soit au service d'un système injuste, et votre budget pour 2010 en est une belle illustration, monsieur le ministre.

Aucun bilan critique n'est tiré de votre politique, aucune leçon n'est tirée d'une crise dont vous tentez de faire croire qu'elle est due à une sorte de fatalité, où vos choix politiques, économiques, idéologiques ne seraient pour rien. Bref, vous n'êtes responsables de rien : la crise est un accident stratosphérique ! Votre aveuglement, alors que le contexte invite au minimum à la prudence, et que subsistent des risques flagrants de rechute compte tenu de la situation de l'emploi et de la folie spéculative qui gagne à nouveau les milieux bancaires, est proprement effrayant.

Les Échos titraient, le 7 octobre dernier, sur « L'insolente santé de la bourse en France » et, le 15 octobre, proclamaient : « Bonus : année record pour les banquiers de Wall Street ». Autrement dit, tout continue comme avant et votre budget, comme avant, fait des cadeaux aux mêmes – 6 milliards d'euros de taxe professionnelle – et pénalise le plus grand nombre, notamment avec la taxe carbone.

Le déficit de l'État, qui atteint cette année le niveau sans précédent de 140 milliards d'euros, ne refluera l'an prochain dans le meilleur des cas qu'à 115 milliards, auxquels il faudra ajouter le coût du grand emprunt et le déficit des organismes sociaux, estimés aux alentours de 48 milliards d'euros. Si bien que l'ensemble du déficit public l'année prochaine pourrait atteindre 170 milliards d'euros, chiffre qui soulève de graves interrogations : D'où provient en effet ce déficit ? Qui le comblera ? Et quel est le bilan économique des mesures que vous avez prises et qui, chaque année, l'entretiennent et l'aggravent ?

Car non seulement vous êtes responsables de la crise du système que vous avez soutenu et soutenez, mais vous êtes aussi responsables des déficits. À vous en croire, le déficit record de cette année n'est que la résultante de la crise qui a gravement amputé les recettes fiscales de 53 milliards d'euros et conduit à injecter quelques milliards d'euros au titre du timide plan de relance. Même s'il en était réellement ainsi, vous n'en seriez pas moins responsables.

Pour autant, cette présentation des choses, si elle n'est pas fausse, est pour le moins biaisée. Car, si les déficits se creusent aujourd'hui, sans pour autant permettre une relance de l'emploi – puisque vous prévoyez une nouvelle détérioration l'année prochaine avec la destruction de 200 000 emplois supplémentaires –, nous le devons pour une part essentielle aux dangereuses orientations de votre politique fiscale.

Depuis sept ans, vous faites aux plus riches des cadeaux dont le plus beau symbole reste le bouclier fiscal. En deux ans, vous avez fait passé les niches fiscales de 50 à 75 milliards d'euros, soit une augmentation de 50 %. Et vous voudriez nous faire croire que vous n'êtes pas responsables du déficit… C'est grotesque !

Devant le caractère injuste de cette politique vous avez, l'an dernier, fait voter quelques mesurettes prétendument destinées à plafonner certaines niches fiscales. C'était de l'illusionnisme le plus total, car sur 75 milliards d'euros, vous n'avez récupéré, grâce à ces mesures ridicules, que 22 millions d'euros, soit 0,03 %. Cela s'appelle se moquer du monde !

Quant aux cadeaux aux entreprises, baisses d'impôts et de cotisations sociales remboursées par l'État, ils représentent au total cette année une quarantaine de milliards d'euros, dont les trois quarts au bénéfice d'entreprises qui versent des dividendes énormes ou encore de la caste de rentiers qui se reconstitue sous nos yeux, alors même que la Cour des comptes émet des doutes sur l'efficacité de ces cadeaux pour l'emploi.

Oui, vous êtes pleinement responsables du déficit des finances publiques et de son aggravation, car vous avez fait sciemment baisser en dix ans les recettes de l'État de 4,2 % du PIB, soit 82 milliards d'euros.

Vous nous expliquez que vous entendez rester fidèles à l'engagement de ne pas augmenter le taux des prélèvements obligatoires, mais d'abord pour qui ? Vous omettez de rappeler que vos politiques n'ont en rien fait diminuer l'impôt de la grande majorité des Français et que le taux de prélèvements obligatoires est resté pratiquement stable depuis 2002. Vous oubliez de préciser que le plus souvent, vous avez remplacé pour la majorité des Français les impôts par des taxes. Ça n'a pas le même nom mais, pour nos concitoyens, c'est la même chose. Et vous allez persévérer avec le forfait hospitalier, la redevance télé, la taxe carbone – laquelle sera la vingt-troisième taxe instituée en deux ans –, la hausse des tarifs SNCF et ERDF, sans parler de l'abjecte taxation des indemnités journalières des accidentés du travail.

De plus, vous êtes totalement incapables de faire la démonstration que les aides publiques aux entreprises et les exonérations de cotisations sociales ont joué un rôle positif sur l'emploi et la croissance ; et pour cause : la crise du système capitaliste est là pour vous apporter la preuve du contraire. Il en sera de même demain avec la suppression de la taxe professionnelle. Pourquoi en est-il ainsi ? Tout simplement parce que, pour l'essentiel, l'argent ainsi dégagé ne va ni à l'emploi ni à l'investissement.

Où va-t-il, alors ? En 1970, 25 % seulement des bénéfices des entreprises non financières étaient distribués sous forme de dividendes ; en 2008, c'est 65 % ! Plus vous faites de cadeaux, plus ils alimentent le tonneau des Danaïdes des actionnaires et des marchés financiers. Et cela n'empêche même pas les PME d'être écrasées par les grands groupes financiers et multinationaux. Pendant ce temps-là, les enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté sont plus de deux millions en France, et ce chiffre continue d'augmenter.

Injustice et inefficacité, la mise en place de la taxe carbone va nous offrir une nouvelle illustration de votre politique. Cette taxe va en effet toucher principalement les personnes ayant les revenus les plus faibles, celles obligées de prendre leur véhicule, qu'elles habitent des banlieues ou des campagnes, les locataires qui ne choisissent pas leur moyen de chauffage. Ils devront l'acquitter alors qu'il n'existe aujourd'hui le plus souvent pas de solution de remplacement économiquement abordable.

Non seulement cette mesure sera inefficace, car les dépenses en combustibles sont aujourd'hui le plus souvent contraintes et les comportements ne peuvent changer faute d'alternative, mais cette taxe bénéficiera davantage aux classes aisées urbaines qu'aux classes populaires et qu'aux habitants des secteurs ruraux. En effet, la prétendue compensation ne sera forcément que partielle et partiale ; son montant étant forfaitaire, elle ne reposera en effet par définition que sur une prise en compte très approximative des dépenses réelles des ménages.

De plus, vous prenez le problème à l'envers car, là aussi, vous taxez les consommateurs en bout de chaîne en oubliant les causes des émissions de gaz à effet de serre. Or agir dans ce domaine suppose de s'attaquer aux causes réelles, en prenant quatre décisions : investir dans de nouveaux moteurs automobiles ; investir dans les transports en commun ; investir dans de nouveaux bâtiments ; investir massivement pour le fret ferroviaire et les autoroutes ferroviaires. L'argent nécessaire à cela se trouve dans les profits des compagnies pétrolières, dans ceux des banques et des assurances, mais aussi dans les paradis fiscaux et autres lieux abritant les milliards de la spéculation.

Avec tant de cadeaux fiscaux, pas étonnant que vous cherchiez à vous attaquer au secteur public. Vous vous servez du déficit que vous creusez comme d'un alibi pour justifier les suppressions de postes dans la fonction publique : 33 754 postes équivalent temps plein cette année, dont 16 000 dans l'éducation nationale. Comme si la fonction publique était la cause d'une crise due uniquement au capitalisme financier que vous soutenez !

Ayant asséché les finances de l'État, vous vous attaquez désormais, après les services publics, aux collectivités locales, en proposant la suppression de la taxe professionnelle : 11,6 milliards de recettes en moins pour le budget de l'État en 2010, 7 milliards de moins ensuite et un cadeau de 5,6 milliards aux entreprises. Lorsque l'on sait que les collectivités réalisent 73 % de l'investissement public, on mesure les conséquences désastreuses qu'aura cette contre-réforme. Et cet argent, comme toutes les aides précédentes, sera détourné pour l'essentiel vers le versement de dividendes exorbitants et la spéculation !

Je ne reviendrai pas sur nos propositions, que j'ai eu l'occasion de préciser dans le détail lors du débat du 7 octobre sur les résultats du G20, sauf pour rappeler que, sans s'attaquer à la racine du mal, c'est-à-dire à un système qui soumet tous les peuples à la servitude de la rentabilité financière, sans s'attaquer aux fondements d'un capitalisme dans lequel le travail de l'homme est d'abord un coût avant d'être une valeur, dans lequel le principe unique de fonctionnement est une concurrence sans limite, il n'y a aucune chance de retrouver un monde de progrès social.

Le temps est venu de s'engager dans une sortie du capitalisme pour que soit pris pleinement en compte l'intérêt commun. C'est précisément parce que nous considérons que votre politique a pour effet de fragiliser toujours davantage la situation de nos concitoyens, déjà durement éprouvés par la crise, et qu'elle a pour conséquence d'obérer l'avenir dans l'assèchement des comptes publics et sociaux que nous voterons résolument contre ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et plusieurs bancs du groupe SRC.)

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