S'il s'agissait d'une pollution déterminée, les quotas pourraient être efficaces, mais l'émission de gaz carbonique étant par nature diffuse, la taxation écologique est plus appropriée. Une telle taxe a vocation à changer un prix, non pas à rapporter de l'argent à l'État, ni à dégrader la compétitivité des entreprises ou le pouvoir d'achat des ménages ; il est donc logique qu'elle soit compensée, c'est même la question cruciale.
Or, telle que vous la mettez en oeuvre, la taxe carbone est une réponse injuste et inefficace à une vraie question. Injuste, parce que la justice fiscale ne consiste pas à reverser le même montant à tout le monde, mais à tenir compte des capacités contributives de chacun. La réforme importante que constitue l'instauration de la taxe carbone devrait se mettre en oeuvre sans que les plus faibles revenus soient perdants. Or, c'est malheureusement le cas. Le rapporteur général cite souvent des moyennes, mais il est bon, parfois, d'examiner les situations particulières. Ainsi, en milieu rural, loin des transports en commun, un couple avec deux enfants va régler un peu plus de 250 euros au titre de la taxe carbone, et percevra un remboursement forfaitaire de 142 euros. Il restera donc à sa charge plus de 100 euros. Pour des personnes disposant de revenus élevés, ce n'est pas un problème, mais un ménage ne percevant que le SMIC et pour lequel chaque dépense compte va se trouver obligé de faire, en compensation, des économies sur des dépenses essentielles.
Cette mesure est injuste, mais elle est aussi inefficace. Quand vous avez un revenu élevé, vous pouvez modifier votre comportement afin d'atténuer le montant de la taxe, que ce soit en changeant de chaudière ou en faisant isoler votre appartement. Mais quand vous êtes au SMIC, que toutes vos dépenses sont déjà déterminées et que vous ne pouvez vous permettre de vous écarter de votre budget, vous subissez la hausse sans pouvoir modifier vos consommations.