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Intervention de Karen Abu Zayd

Réunion du 14 octobre 2009 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Karen Abu Zayd :

On ne peut pas vraiment parler d'intégration puisque même en Jordanie où les Palestiniens sont traités comme des citoyens, les réfugiés restent des réfugiés en attendant les négociations sur le statut final à la fin du processus de paix. Mais cela donne aux réfugiés le choix de rester là où ils sont, d'aller ailleurs ou de revenir un jour dans le futur Etat palestinien. Quoi qu'il en soit, ils demandent à bénéficier du droit au retour. C'est d'ailleurs une donnée commune aux réfugiés dans le monde entier. 6 % des réfugiés dépendent de nos services sociaux ; les autres ont un emploi et un tiers seulement vit dans les camps. Ils sont intégrés au niveau économique mais ils ne se sentent pas à égalité avec les autres citoyens et, d'une certaine manière, ils restent des citoyens de seconde classe, ce que vient leur rappeler la mention figurant sur leur passeport.

Concernant le nombre de réfugiés qui pourraient revenir si un Etat palestinien venait à être créé, il n'est pas facile à évaluer. Pour ceux qui se trouvent en Jordanie et y ont une maison, un travail, des enfants voire des petits-enfants nés dans ce pays, vont-ils rester en Jordanie ou revenir en Palestine où ils n'auraient pas nécessairement de possibilité d'emploi, de logement ? Ce sont des éléments dont ils vont tenir compte. Pour ceux qui sont au Liban, la question est différente puisque le gouvernement libanais leur a signifié clairement qu'ils n'ont pas le droit de rester au Liban et qu'ils sont de ce fait voués à retourner en Palestine ou à aller ailleurs, où il existe des possibilités d'établissement, ce que le Président Mahmoud Abbas leur a expliqué publiquement lors de son déplacement au Liban.

Concernant la différence entre Etats, on entend peu parler des réfugiés dans les autres Etats parce qu'ils sont dans des situations stables et traités comme des citoyens, par exemple en Jordanie, et l'agence est tout à fait heureuse de travailler avec ces gouvernements pour compléter ce qu'ils offrent aux réfugiés. La situation est différente au Liban. Jusqu'en 2005, il y avait soixante-douze emplois interdits aux réfugiés et, si l'UNRWA apportait aux réfugiés les services de base (éducation, santé, aide sociale et alimentaire etc..), nous ne pouvions pas par contre améliorer les infrastructures dans les camps (habitations, voirie, élargissement des écoles, etc.). Depuis, la rhétorique du gouvernement libanais a évolué, certains emplois leur ont été autorisés, ce qui a changé les choses et nous avons obtenu le droit d'améliorer la situation dans les camps, sous la forme de projets en coopération étroite avec les gouvernements. Nous avons reçu 26 millions de dollars de la communauté des donateurs suite à la destruction du camp de NBC pour répondre aux besoins humanitaires de la population du camp (entre septembre 2008 et octobre 2009). Après s'être attelée aux situations les plus urgentes, l'agence s'est consacrée au cours des trois dernières années à la situation dans les camps. A Gaza et en Cisjordanie, les réfugiés se trouvent déjà dans ce qui devrait être leur futur Etat. Nous travaillons en étroite collaboration avec tous les gouvernements hôtes en matière de services fournis (éducation, santé, etc.) pour que cela soit conforme à leurs spécifications techniques. Il faut que ce qui est donné aux Palestiniens par les gouvernements hôtes soit identique à ce qu'ils accordent aux réfugiés d'autres origines d'une part et à leurs citoyens d'autre part, ce qui implique un travail avec chacun d'entre eux et avec les réfugiés dans chaque pays.

Une question est fréquemment posée de savoir si le gouvernement du Hamas est un problème pour l'agence. La réponse est non. Il s'est engagé à ne pas s'ingérer dans nos affaires et il n'y a pas de difficulté à travailler avec lui même si quelquefois, il peut y avoir matière à discussion, comme par exemple, lorsque nous avons affecté une enseignante dans une école de garçons, mais nous avons traité cette difficulté. L'agence est en contact avec le Hamas de manière discrète et reste à distance.

Concernant la restructuration de fait de la société palestinienne autour de la présence de l'agence : il n'est pas sûr que cela soit le cas et ce n'est pas un objectif recherché. Il est cependant certain qu'avoir un emploi permanent et garanti donne à ses employés un statut particulier mais ils restent des réfugiés. Bien sûr, beaucoup de Palestiniens aimeraient travailler avec l'UNWRA. Beaucoup de personnes se sont retrouvées sans emploi depuis la deuxième Intifada parce qu'ils travaillaient en Israël. Ces travaux, souvent journaliers, ont cessé à ce moment là.

Concernant les ressources, le budget de l'agence est largement insuffisant. Depuis la conférence de Genève en 2004, il y a eu des modifications de fonctionnement et l'élaboration d'un plan à moyen terme fondé sur les besoins des réfugiés. Cela a permis d'affecter 100 millions de dollars pour améliorer la situation des réfugiés dans les camps. Mais beaucoup de besoins ne sont pas financés ; les services fournis sont des services de base et même cela est désormais menacé. Mi octobre 2009, le déficit atteignait 7 millions de dollars. L'objectif est de réussir à payer les salaires jusqu'à la fin décembre 2009. Le déficit était auparavant de 17 millions mais l'agence a depuis reçu des dons pour le réduire. L'année prochaine, la situation sera beaucoup plus tendue encore. En 2009, il y avait des engagements garantis. Par contre, comme les budgets nationaux de beaucoup de pays sont en baisse, notamment chez la plupart des meilleurs donateurs, nous prévoyons un manque à combler de 84 millions de dollars pour les activités de base en 2010. C'est un véritable problème.

Le terme d'« écrasement » utilisé par M. Lecoq est tout à fait approprié pour décrire la situation. En janvier, c'était bien de cela qu'il s'agissait. Il y avait des décombres partout, les usines, les magasins, la plupart des grands bâtiments de Gaza ont été détruits. L'objectif annoncé de la guerre était de lutter contre le Hamas mais ce sont les piliers économiques de la bande de Gaza qui ont été détruits et notamment les intérêts de la classe moyenne.

Concernant l'économie des tunnels, l'agence ne fait parvenir aux réfugiés que des médicaments et de la nourriture : cela n'est pas suffisant. Il y a un nombre considérable de besoins qui ne sont pas couverts. Les enfants ont besoin de chaussures, de cahiers, de crayons. Les fenêtres des maisons, des écoles ont été détruites. Des produits de base dont les gens ont besoin pour vivre manquent. Heureusement, cette économie de tunnels peut venir pallier cela et permet de fournir certains de ces biens. Mais beaucoup de personnes à Gaza n'ont même plus d'argent. A la question de savoir à qui la reconstruction va profiter, il est certain que l'économie israélienne en profite en partie puisqu'une part des produits vient de là mais les entreprises présentes à Gaza, notamment celle du BTP, vont également en bénéficier. Ainsi, on assistera finalement à un partage des bénéfices de la reconstruction. Il y a bien une humiliation vécue par les Palestiniens et qui s'est encore accentuée depuis le retrait d'Israël de la bande de Gaza. Par exemple, les enfants ne cessent de voir leurs parents humiliés, plusieurs fois par jour, aux check points. Depuis la seconde Intifada, les enfants n'ont pu dormir correctement du fait des incursions incessantes sur le terrain. Il y avait du bruit en permanence, la peur régnait. Au cours de la deuxième Intifada, ce sont les enfants de la première Intifada qui se sont rebellés.

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