Vous avez posé une question très importante, monsieur Schneider. Étant donné le rôle joué par le président Bongo dans la région, sa disparition signe une rupture indéniable.
Les responsables gabonais en ont bien conscience, la place du Gabon sera ramenée à de plus justes proportions, le Gabon ne bénéficiera plus de la même influence dans la région et dans le monde. Cette lucidité les a cependant conduits à se ménager très rapidement de bonnes relations avec les pays d'Afrique centrale. Tout de suite après le scrutin, et avant même la proclamation définitive des résultats, Ali Ben Bongo a effectué une tournée des pays d'Afrique centrale, entamée par une visite au Président du Cameroun Paul Biya. Les Gabonais, mais aussi tous les partenaires du Gabon, sont conscients du rôle stabilisateur de ce pays. Il y aura une redistribution des cartes en Afrique centrale, et j'espère qu'elle sera positive. En tout cas, la lucidité et la bonne volonté gabonaise sont manifestes. Quant au Président Biya, il est, depuis le décès de Bongo, en position de jouer un rôle important pour la stabilité de cette sous-région, où il y a – on le voit au Tchad ou en Centrafrique – une forte attente vis-à-vis du Cameroun de ce point de vue.
Votre question, monsieur Rochebloine, mériterait qu'on lui consacre plusieurs jours de réflexion et de débat. Je me contenterais de deux brèves remarques. Premièrement, en dépit du grand nombre de crises que l'Afrique traverse actuellement, on ne peut pas nier que, depuis la fin des années 80, elle s'efforce, lentement, difficilement mais sûrement, de progresser sur la voie de la consolidation des démocraties. Il est incontestable qu'une volonté politique de consolider la démocratie a émergé, que ce soit dans les partis politiques, dans la société civile ou au sein de certains régimes en place.
La question de l'État et des institutions est au coeur de ces progrès. C'est le défi que le continent doit affronter : accélérer et intensifier le processus de consolidation démocratique, afin qu'il puisse vaincre les maux endémiques que sont l'instabilité, la mauvaise gouvernance ou les inégalités. Car c'est bien d'inégalités plutôt que de pauvreté qu'il faut parler : tout le monde connaît les richesses potentielles du continent, qu'il s'agisse des hommes ou des ressources.
Depuis les immenses espoirs apparus à la fin des années 80, monsieur Christ, nous sommes confrontés à une véritable opposition entre la logique de stabilité et la logique de démocratisation. C'est une vraie difficulté pour la communauté internationale et pour tous les partenaires des pays africains, et la même question se repose lors de chaque crise : comment ménager la stabilité sans compromettre la démocratisation ?