Alors que nous engageons la discussion budgétaire, il me semble nécessaire de revenir sur l'équation globale de la réforme. Faute de disposer d'éléments précis, nous sommes contraints de continuer à nous interroger sur son économie. La réduction de 54 000 emplois doit permettre de générer près de 4 milliards d'euros d'économies entièrement reversées au profit des équipements. Pour y parvenir, le ministère devra engager quelque 1,2 milliard d'euros pour les infrastructures, ces dépenses devant néanmoins être couvertes par la baisse équivalente des dépenses de fonctionnement. En outre, le ministère pourra compter sur 3,7 milliards d'euros de recettes exceptionnelles tirées de la vente d'emprises et de fréquences. Au final, ce schéma devrait permettre de réduire définitivement le décalage persistant entre les prévisions de la programmation et sa réalisation.
Face à ce montage, j'ai toujours des doutes mais désormais, j'ai aussi des certitudes inquiétantes. J'observe tout d'abord que les ressources exceptionnelles présentées comme imminentes en 2009 tardent à arriver au point que le chef d'état-major des armées a manifesté un certain scepticisme en la matière à l'occasion de sont audition devant notre commission. Je partage sa réserve puisque ni Matignon ni l'ARCEP n'ont autorisé la vente des fréquences. Le plan de relance permet certes de faire face aux besoins de trésorerie, mais il ne règle pas le problème au fond.
En ce qui concerne les bases de défense, je comprends que la mutualisation du soutien permettra de réaliser des économies d'échelle et ainsi de réduire les dépenses de fonctionnement. Mais justement, si ce modèle fonctionnait aussi bien que le ministre le prétend, comment se fait-il qu'il ne soit pas en mesure de nous le démontrer, chiffres à l'appui ? Il serait normal que nous ayons, pour chaque base, les économies réalisées et en regard les dépenses qui ont dû être faites. Nous avons adressé un questionnaire à la direction des affaires financières sur ce point le 16 septembre dernier et nous n'avons obtenu de retour qu'après un courrier de relance adressé au ministre le 29 septembre. Les éléments apportés me semblent d'ailleurs très sibyllins puisque le directeur adjoint du cabinet se contente d'expliquer que « les économies attendues de la réforme du ministère sont bien au rendez-vous, comme en témoigne le modèle financier actualisé dont vous disposez, en réponse au questionnaire que vous avez adressé au directeur des affaires financières du ministère. Toutefois, il m'est impossible pour le moment d'isoler et de chiffrer la part de ces économies qui revient aux seules bases de défense expérimentales puisque les réductions d'effectifs obtenues grâce à cette action sont ventilées dans les projets fonctionnels relevant du soutien […]. De même, les économies générées grâce à la rationalisation des achats qui passe notamment par la réduction du nombre des acheteurs, sont comptabilisées et centralisées au titre de la fonction achat ».
Je ne peux que constater que le ministère est dans l'incapacité d'isoler les économies générées par les bases de défense. Cela signifie-t-il qu'aucun indicateur de suivi n'existe, contrairement à ce qui nous est annoncé ?
Cela peut aussi vouloir dire que le ministre dispose des données mais ne souhaite pas nous les transmettre car elles ne sont pas conformes aux résultats attendus. Je ne comprendrais pas en effet qu'il se refuse à prouver qu'il atteint ses objectifs ! L'autre hypothèse possible est plus grave : le ministère ne dispose peut-être d'aucun élément, c'est-à-dire qu'il n'est pas en mesure d'assurer le suivi de la réforme.