Tandis que les analystes financiers et les secrétaires, eux, devaient se contenter de la portion congrue, avec respectivement 15 000 euros et 850 euros de rémunération variable.
Dans le même temps, le pouvoir d'achat de nos concitoyens stagne, le taux de chômage approche des 10 % de la population active, l'inactivité partielle subie se généralise et le surendettement explose. Qui peut se satisfaire de ce constat, monsieur Novelli ? Pas le groupe SRC ni ses partenaires de l'opposition en tout cas.
Jusqu'alors, l'exécutif et la majorité se sont abrités derrière le dogme de l'autorégulation pour justifier l'inaction du législateur. Permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues, que non seulement la mission d'information sur les nouvelles régulations de l'économie de notre commission des lois, dans son rapport du 2 juillet dernier, mais également l'Autorité des marchés financiers, dans un document paru peu après, ont émis de sérieux doutes sur l'efficacité de l'autorégulation. Chaque semaine, l'actualité nous démontre que l'autorégulation ne marche pas. Je me bornerai ici à souligner que l'AMF a relevé la persistance de cas de cumul d'un contrat de travail avec le mandat social exercé, en dépit de sa prohibition par les organisations professionnelles, ainsi que de nombreuses imprécisions sur les conditions d'octroi des indemnités de départ. Je pourrais, hélas, multiplier les exemples de ce genre. Le cas des rémunérations des opérateurs de marchés est, lui aussi, très illustratif de cette dérive. À la faveur de la torpeur estivale, certains établissements bancaires de la Place de Paris ont en effet annoncé le retour à des pratiques que l'on croyait révolues – du moins tant qu'ils bénéficiaient du soutien capitalistique de l'État.
L'heure est donc venue, pour le législateur, de prendre ses responsabilités. Certains de nos partenaires économiques, et non des moindres, ont d'ailleurs pris des mesures législatives. Je pense notamment à l'American Recovery and Reinvestment Act du 17 février 2009, qui plafonne les rémunérations des dirigeants d'entreprises aidées par l'État fédéral américain, et à la loi fédérale allemande du 31 juillet 2009, qui encadre davantage le régime des stock-options outre-Rhin.
La version initiale de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui procédait du même esprit pragmatique à travers trois objectifs.
Le premier de ces objectifs consistait à réduire les rémunérations des dirigeants et des opérateurs de marchés des sociétés et des banques aidées par l'État. À cet effet, l'article 1er plafonnait le montant annuel pouvant être consenti aux dirigeants concernés à vingt-cinq fois la rémunération totale la plus basse. Cela correspond, peu ou prou, au plafond de 500 000 dollars instauré par l'administration Obama aux États-Unis. De même, l'article 7 prohibait l'attribution de stock-options dans les entreprises soutenues par l'État, l'intervention publique n'ayant pas vocation à procurer, à moyen terme, des plus-values à ceux qui sont les principaux responsables des difficultés ayant provoqué la recapitalisation ou l'octroi de prêts par les contribuables.
La proposition de loi visait, en deuxième lieu, à mettre un terme définitif aux travers juridiques qui ont permis les abus constatés ces dernières années. L'article 3 instaurait une corrélation légale entre la plus faible rémunération en équivalent temps plein versée par la société commerciale et la rémunération des dirigeants mandataires sociaux, à travers la définition d'un coefficient multiplicateur décidé par les conseils d'administration ou de surveillance. Par ailleurs, l'article 4 plafonnait les indemnités de départ à deux fois la plus forte indemnité de licenciement prévue dans la société, ce qui devait mettre un terme définitif aux parachutes dorés sans exposer les chefs d'entreprise à une insécurité personnelle. L'article 5, quant à lui, limitait les montants des retraites supplémentaires à prestations définies – les retraites chapeaux – à 30 % de la rémunération de la dernière année d'activité, soit à un niveau confortable pour une rémunération annuelle de plusieurs centaines de milliers d'euros. Enfin, l'article 6 interdisait l'octroi de stock-options dans les entreprises âgées de plus de cinq ans, afin de restaurer la vocation de cet instrument, laquelle est de fidéliser les personnels talentueux des jeunes entreprises.
Le dernier objectif de la proposition de loi portait sur la limitation des rémunérations variables des opérateurs de marchés, sujet d'actualité s'il en est. À cet effet, l'article 8 prévoyait un plafonnement de cette rémunération variable au montant de la rémunération annuelle fixe. Là aussi, la mesure se voulait tout sauf anti-économique, les opérateurs de marchés conservant la perspective de bonus, sous condition de performances toutefois.
En résumé, la version initiale de la proposition de loi déposée par le groupe SRC ambitionnait d'initier en douceur une régulation que les Français appellent de leurs voeux, sans dégrader l'attractivité des sociétés et de la finance françaises.
Mais, lors de sa réunion du 7 octobre dernier, la commission des lois a choisi de ne conserver qu'un seul des articles du texte : l'article 2, relatif à l'institutionnalisation des comités des rémunérations dans les sociétés anonymes. Pas plus tard que ce matin, en application de l'article 88 du règlement, la commission est encore intervenue pour amputer l'article 2 et vider ainsi de sa substance ma proposition de loi. Quel courage politique de la part de la majorité ! Cela confirme qu'au-delà des grandes déclarations, des grandes indignations du Président de la République, vous n'avez pas l'intention, mesdames, messieurs de la majorité, de vous saisir à bras-le-corps de ce problème ! Je me souviens très bien de Mme Christine Lagarde nous disant, lors des auditions de la mission d'information : « Laissez faire la régulation, laissez faire le MEDEF, laissez faire les autorités. » Mais elle était très gênée aux entournures sur ce sujet ! M. Philippe Houillon était présent. Il peut en témoigner. L'actualité nous apprend, tous les jours, de nouveaux scandales. Et que se passe-t-il aujourd'hui ?