…qui a censuré une disposition législative selon laquelle tout département devrait être représenté à l'Assemblée nationale par deux députés au moins, quelle que soit la population.
Dans sa décision de 1986, le Conseil constitutionnel relevait qu'un impératif d'intérêt général serait susceptible d'atténuer la portée de la règle selon laquelle l'Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques.
L'application stricto sensu de cette décision appelle une question relative à la base démographique de l'élection. En effet, les départements dont la population se situe entre 125 000 et 250 000 habitants posent problème : leur affecter un seul député revient à les pénaliser tandis que leur allouer deux députés les avantage. À moins d'accepter une rupture d'égalité des citoyens devant la loi, ce à quoi le Conseil constitutionnel ne peut consentir, l'effet de seuil interdit que la règle des 125 000 habitants par député reçoive une application automatique.
Un autre principe constitutionnel peut être invoqué pour contester le raisonnement du Conseil : un seul député par département interdit la pluralité d'expression. Enfin, conclut Jean Auclair, l'élu de la Creuse aura à parcourir seul une circonscription comptant 260 communes. S'il compte les visiter toutes, il y consacrera 260 jours par an à raison d'une par jour. Mon collègue en déduit que le travail parlementaire s'en trouvera profondément affecté.
Il estime de ce fait que le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi commande le respect d'une certaine équité entre les territoires.
Il observe à cet égard que la Creuse bénéficie d'un régime dérogatoire pour les sénateurs puisque la base est d'un sénateur jusqu'à 150 000 habitants, puis un de plus par tranche de 250 000 habitants. La Creuse, forte de 136 000 habitants, dispose néanmoins de deux sénateurs, ce qui n'est pas le cas de la Lozère.
Il vous demande donc de vous pencher sur ce point spécifique et vous précise qu'il votera contre votre loi si ses observations ne sont pas prises en considération.
Pour ma part, monsieur le secrétaire d'État, et après maints échanges de réflexions tant avec vous-même qu'avec le Président de la République en personne, je voudrais vous dire mon sentiment à l'occasion de ce débat.
Il ne m'appartient pas de critiquer la décision du Conseil constitutionnel – avocat, j'ai pour habitude de ne pas mettre en cause la justice – même si tout raisonnement juridique a ses limites et que tout principe a son ou ses exceptions. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi dans ce dossier ?
En 1986, le même Conseil constitutionnel avait accepté des dérogations au critère démographique, fixé alors à 108 000 habitants, pour les petits départements comme la Lozère. Aujourd'hui, dans un considérant relevant un changement dans les circonstances de fait et de droit, il estime que l'unique critère pour l'élection des députés est celui de la population.
Il retient, pour se justifier, l'augmentation de la population française de plus de 7 millions d'habitants en vingt ans, l'apparition des députés représentant les Français de l'étranger et la fixation à 577 le nombre maximum de députés.
Le président du Conseil constitutionnel m'a précisé qu'une telle équation avait conduit les sages à estimer qu'aucune dérogation au critère démographique ne pouvait être désormais accordée : à moins de 125 000 habitants, un seul député, au-delà deux, voire plus. Dont acte !
Cela dit, force est de constater que, dans près de 477 circonscriptions, le ratio sera de 70 000 à 80 000 habitants par député, ce qui, comparé à la Lozère, me semble quelque peu injuste.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez plaidé durant des mois, à Paris et dans mon département, pour le respect de la règle des deux députés. Le projet de loi initial comportait cette règle...