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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 14 octobre 2009 à 15h00
Déclaration du gouvernement préalable au conseil européen et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Monsieur le ministre, vous avez abondamment évoqué les questions institutionnelles. Pour ma part, je voudrais commencer mon propos en soulevant la question économique et sociale, qui préoccupe beaucoup les Européens.

Le Conseil européen s'inscrit dans un contexte particulier après la survenue de la crise, voilà plusieurs mois, à présent. Nous pouvons dresser d'ores et déjà un premier bilan de ce qui s'est passé et de la situation dans laquelle se trouve l'Europe aujourd'hui.

Loin d'une sortie de crise, c'est la prolongation d'une situation économique atone qui se profile, dans laquelle une croissance molle cohabiterait avec un taux de chômage durablement élevé. Le Président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a déclaré que l'Union européenne ne connaîtrait au cours des dix prochaines années qu'une croissance annuelle moyenne de 1,5 %, tout au plus.

Les plans de relance n'ont qu'imparfaitement atteint leur objectif de soutien de l'économie et leurs effets s'estompent. Le processus de relance économique demeure incomplet, selon le Parlement européen.

En réalité, cette situation était très largement prévisible. Les plans de relance n'ont été qu'une juxtaposition de plans nationaux, dont l'ampleur réelle a été largement surévaluée, notamment en France, et n'ont produit que des effets marginaux – nous le constatons aujourd'hui.

L'Europe se trouve donc dans une situation économique très difficile : non seulement la croissance ne sera pas au rendez-vous mais le chômage va progresser et les déficits vont continuer d'exploser. Dans ce contexte, la plupart des pays européens n'ont plus la capacité de dégager des marges de manoeuvre pour répondre à cette situation économique.

Sur le plan économique et social, le tableau est donc extrêmement sombre pour l'Europe. Jean Pisani-Ferry écrivait récemment : « Il existe maintenant une indéniable possibilité que l'on se souvienne de cette crise comme de l'occasion où l'Union a perdu du terrain de manière irrécupérable, à la fois économiquement et politiquement ».

Les grands équilibres du monde de demain sont en train de se dessiner sous nos yeux et l'Europe doit peser sur le débat international, qu'il s'agisse du climat, de la monnaie ou du commerce, si elle ne veut pas être marginalisée, notamment par les États-Unis et la Chine. Les arbitrages internationaux risquent de se faire sans elle et peut-être même contre elle.

S'agissant du plan économique, j'évoquerai deux points.

Le premier – que vous n'avez pas abordé – porte sur la question monétaire. L'Europe ne peut pas durablement s'offrir le luxe d'une monnaie surévaluée par rapport au dollar et au yuan. Cette situation est très préoccupante : l'euro n'a jamais été aussi fort, le dollar aussi bas. Cela pénalise très lourdement l'économie européenne.

L'Europe devrait porter cette exigence de réforme du système monétaire international beaucoup plus qu'elle ne le fait aujourd'hui. Le Président de la République a appelé de ses voeux un nouveau Bretton Woods, mais il faut maintenant passer aux travaux pratiques. Il faut être capable de faire avancer le monde vers un nouveau système monétaire international et exiger qu'une véritable politique de change soit mise en place au niveau international.

Le deuxième point porte sur la relance de la stratégie de Lisbonne et la définition d'une véritable politique industrielle. Hervé Gaymard en parlait l'autre jour devant la commission des affaires européennes, il y a là une priorité absolue pour l'Europe car l'industrie européenne est en train de s'affaiblir considérablement alors qu'il s'agit d'un élément qui permettra à l'économie européenne de se redresser. Louis Gallois, ce matin, nous invitait à faire en sorte que l'Europe retrouve le goût de l'aventure industrielle : « La crise financière et économique montre qu'on ne peut pas construire une croissance durable et solide sur les mirages de la spéculation. L'industrie et les services qui lui sont attachés sont la pierre angulaire d'un développement stable et équilibré ». La France doit porter cette ambition au niveau de l'Europe.

Autre question, monsieur le ministre, la négociation sur le climat au sommet de Copenhague. Elle est mal engagée, nous le savons. Beaucoup de contradictions ont surgi récemment et s'approfondissent, notamment celles qui opposent les pays riches et les pays en développement. Il est évident que les pays en développement doivent s'engager à financer la transition écologique des pays en voie de développement, c'est le seul moyen pour parvenir à trouver un accord. À cet égard, vous avez raison de souligner que l'Europe n'est pas si mal placée pour jouer un rôle de médiation utile : elle a tenu ses engagements sur le plan climatique parce qu'elle a permis, même si cela a été douloureux et difficile, l'adoption d'un paquet énergie-climat relativement ambitieux. L'Europe a là l'occasion de faire valoir une position forte sur le plan international.

Mais elle doit aussi défendre ses intérêts. L'adoption d'une taxe carbone en France mais aussi en Europe, puisque la présidence suédoise de l'Union a évoqué cette possibilité, supposerait logiquement la création d'une taxe carbone aux frontières de l'Union. Au dumping social ne doit pas, en effet, s'ajouter le dumping environnemental. La France et l'Europe doivent avancer vers cette solution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

J'en viens aux moyens qui permettraient à l'Europe de peser davantage dans le débat international, question sur laquelle vous avez récemment écrit un article, monsieur le secrétaire d'État. L'un de ces moyens est le renforcement de l'alliance entre la France et l'Allemagne. Je suis heureux que la France s'apprête à prendre des initiatives pour consolider ce couple, vous nous en direz peut-être plus à cet égard. Il n'y a en effet pas d'alternative à la relation franco-allemande. La France, semble-t-il, a essayé de s'en abstraire depuis 2007. Le réalisme la pousse aujourd'hui à y revenir.

En vérité, la relation entre ces deux pays a toujours été difficile et marquée par des tensions et pas seulement, monsieur le secrétaire d'État, lors de la réunification qui a donné lieu, ne l'oublions pas, à l'une des avancées les importantes qu'ait connue l'Europe : la monnaie unique.

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