Monsieur le rapporteur et président de la commission des lois, une fois n'est pas coutume : après Jean-Jacques Urvoas, je tiens, tant au nom du groupe SRC qu'en mon nom propre, à vous féliciter d'avoir créé les conditions favorables non seulement à l'étude de ce texte mais également à son approfondissement. Si je regrette de n'avoir pu participer aux travaux de la commission des lois, en raison d'une visite ministérielle dans ma circonscription, j'ai toutefois pris soin de lire attentivement le rapport ainsi que l'ensemble des auditions, lesquelles ont permis à tous les membres de la commission de se retrouver sur une version qui, au stade actuel, peut donner satisfaction. Je me dois également de souligner le travail important, accompli au nom des membres de notre groupe par Jean-Jacques Urvoas : le texte que nous discutons en porte la trace.
Je tiens, moi aussi, mais sur un registre plus second, en quelque sorte, à faire de la prospective, en soulignant les problèmes que ce projet de loi organique est susceptible de poser. N'en déplaise à ceux qui contestent cette qualification, le fait que le Conseil constitutionnel voie son rôle « juridictionnel » se renforcer nous amènera à nous poser certaines questions. Du reste, le secrétaire général du Conseil constitutionnel ayant évoqué, au cours de son audition devant la commission des lois, le « caractère juridictionnel » de la procédure, vous écrivez, monsieur le rapporteur, page 85 : « Il s'agira donc bien d'un procès, comportant un examen effectif du recours, des débats contradictoires et en principe publics, l'égalité des armes et un délai raisonnable de jugement ». Dans ces conditions, il faudra, comme l'a souligné Jean-Jacques Urvoas, que la procédure soit conforme aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme.
Devenus des juges constitutionnels, les membres du Conseil constitutionnel ne devront pas pouvoir être suspectés de partialité. Ils devront être parfaitement indépendants, c'est-à-dire qu'ils ne pourront pas à la fois être juges et parties. Or le fait que le Conseil constitutionnel comporte des membres de droits qui ont été parties, puisque ce sont eux qui ont signé la promulgation des textes législatifs qui seront éventuellement déférés devant eux, ne sera pas sans poser des problèmes de plus en plus nombreux, ce que, du reste, je ne suis pas le premier à remarquer.
En effet, lors de la réforme constitutionnelle, le Sénat a longuement débattu de cette question et si celle-ci n'a pu faire l'objet d'un consensus en son sein, il n'en reste pas moins que des sénateurs appartenant à tous les groupes ont émis le souhait que les anciens présidents de la République ne soient plus membres de droit du Conseil constitutionnel, ce qui a entraîné l'adoption, à deux voix de majorité, d'un amendement en ce sens. Malheureusement, la majorité de l'Assemblée nationale est revenue sur cette disposition. Madame la garde des sceaux, une nouvelle réforme constitutionnelle sera donc nécessaire afin de modifier la composition du Conseil, réforme à laquelle il vaudrait mieux se préparer plutôt que de se la voir imposer à froid.
Pourquoi sommes-nous le seul pays démocratique au monde où les anciens chefs d'État sont membres de droit de cette cour juridictionnelle, et le sont, de plus, à vie, ce qui risque…