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Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du 14 septembre 2009 à 15h00
Application de l'article 61-1 de la constitution — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Vous l'avez dit, madame la ministre d'État, et notre rapporteur l'a rappelé : il s'agit tout simplement de donner à nos concitoyens, à l'occasion d'une instance devant quelque tribunal que ce soit, à quelque niveau de la procédure que ce soit, la possibilité, très restreinte au début de la Ve République, d'obtenir du Conseil constitutionnel un contrôle de la constitutionnalité d'une loi votée par le Parlement.

Cette capacité a été étendue dans les années soixante-dix, avec la possibilité, largement et légitimement utilisée par toutes les oppositions successives, de recours devant le Conseil constitutionnel pour faire valoir qu'une ou plusieurs dispositions d'une loi votée ne sont pas conformes à la Constitution. Le nouvel élargissement proposé, et qu'il nous faut décliner au travers de cette loi organique, doit concrétiser ce socle du respect par le législateur de la conformité des lois à la Constitution, dans des conditions qui permettront incontestablement, dans un certain nombre de cas, un retour en arrière ; voilà pourquoi le texte doit être précis et ne rien laisser au hasard.

En effet, plusieurs cas de figure sont possibles. Tout d'abord, un citoyen pourrait demander devant une juridiction la vérification de la constitutionnalité d'un texte voté par le Parlement et qui n'a pas été déféré au Conseil constitutionnel. Mais il existe bien d'autres possibilités, et ce sont probablement elles auxquelles nos diverses instances judiciaires seront d'abord confrontées.

Première possibilité : un texte très ancien, toujours en vigueur, n'a pu être soumis à aucun contrôle de constitutionnalité étant donné la date à laquelle il a été promulgué. Ainsi, des lois votées sous les Républiques précédentes n'ont par définition jamais été soumises au contrôle a posteriori du Conseil constitutionnel instauré par les institutions de la Ve République.

Il y a également des dispositions prises avant que la Constitution ne soit révisée. Je pense en particulier à des dispositions portant sur l'environnement et plus largement le développement durable qui ont pu se trouver en contradiction plus au moins flagrante avec des textes nouveaux de rang constitutionnel, comme vous l'avez souligné en commission, madame la ministre d'État. La Charte de l'environnement a en effet créé un contexte juridique nouveau, « interpellateur » dirons-nous.

Il faut donc veiller à ce que nos concitoyens puissent faire usage de ce nouveau droit à bon escient et soient en mesure de mener la procédure jusqu'à son terme. C'est tout l'enjeu de cette loi organique qui, rappelons-le, correspond à une obligation constitutionnelle. Il faut bien avoir à l'esprit que si cette loi organique ne comprenait pas tous les éléments nécessaires à la mise en oeuvre effective de ce droit, aucune loi ordinaire ne pourrait venir ensuite combler ses éventuelles lacunes.

Pour souligner l'importance de cet élargissement des droits de nos concitoyens, il suffit de rappeler que prises isolément, les dispositions de l'article 61-1 auraient probablement recueilli l'unanimité ou presque des voix lors de la révision constitutionnelle de juillet 2008. Nous avons d'ailleurs pu constater un même esprit positif lors des réunions de commission sur le présent projet de loi.

La première question à traiter – et le projet de loi le fait parfaitement bien – est celle du bon ordre des choses : quand et comment saisir le juge ? La réponse est claire : le citoyen peut le faire au début de la procédure, en première instance, jusqu'au stade de l'appel ou de la cassation, devant les juridictions de rang supérieur que sont les cours administratives d'appel, le Conseil d'État et la Cour de cassation, ce qui a son importante car il se peut que des justiciables n'aient pas envisagé en première instance de soulever la question de constitutionnalité. Il me paraît donc bon que cette possibilité soit ouverte à tout moment de la procédure.

Le texte prévoit également que les juridictions soient guidées par les mêmes principes, à quelque niveau qu'elles se trouvent dans la procédure de saisine du Conseil constitutionnel. Ainsi, lorsque la Cour de cassation est saisie en premier, elle doit utiliser les mêmes critères que ceux auxquels un tribunal de grande instance, un tribunal des prud'hommes ou une cour d'appel auraient eu recours, s'ils avaient été saisis en premier.

Les choses sont claires et il est important de montrer le champ très vaste ouvert à nos concitoyens.

La deuxième question qui se pose est de savoir comment cette nouvelle disposition sera mise en oeuvre au stade de la procédure où elle interviendra. Il importe en effet de ne pas ralentir le cours de la justice ou de laisser commettre l'irréparable. Cela est d'autant plus important quand il s'agit de procédures pouvant entraîner de la part du juge judiciaire des décisions lourdes comme des mises en détention provisoire. La mise en oeuvre de cette disposition nouvelle ne saurait contrarier l'intérêt de la justice. Le texte se devait de se prémunir contre ces éventuelles difficultés et il répond parfaitement à l'attente de nos concitoyens à ce sujet. Je n'entre pas dans les détails – notre rapporteur, comme à son habitude, a fait un excellent travail.

La troisième question est celle de la place qu'occupe la question de constitutionnalité par rapport à d'autres questions comme celle de l'égalité, au coeur du travail des juridictions, ou celle de la conventionnalité, s'agissant de nos obligations internationales. La commission des lois, comme le texte constitutionnel le prévoyait, a veillé à ce que la question soit définitivement opposable : priorité est donnée au contrôle de la constitutionnalité. À l'instar du Gouvernement, nous n'avons pas souhaité que le juge ait la possibilité d'arbitrer entre plusieurs questions : la question de constitutionnalité est première, le projet de loi l'établit clairement. Libre ensuite aux justiciables de faire valoir, s'ils l'estiment nécessaire, d'autres questions, en particulier celle de la conventionnalité.

La quatrième question est celle des délais, et ce n'est pas la plus mince. À quoi cela servirait-il de créer un nouveau droit s'il ne permettait pas à la justice de s'exercer dans des délais compatibles avec la défense des intérêts des justiciables et de leurs droits et libertés fondamentales ? Cette question, je ne dirai pas qu'elle nous a divisés, mais elle a été à l'origine de très nombreuses et riches interventions : ces débats, grâce au travail du rapporteur, grâce aux contributions des uns et des autres, grâce à l'apport essentiel du Gouvernement, nous auront permis d'avancer de manière tout à fait satisfaisante.

Loin de nous, députés de la majorité – mais je crois qu'il en va de même pour les députés de l'opposition –, l'idée de créer une quelconque suspicion à l'égard des juridictions en laissant penser qu'elles seraient tentées de ne pas jouer le jeu de ces dispositions constitutionnelles, en ne respectant pas les délais et en créant une attente trop longue qui viendrait affecter le cours ordinaire de la justice. Ce n'est pas être suspicieux que d'être précis. Les juridictions ne devraient pas se sentir blessées par les dispositions relatives aux délais d'examen et de transmission, d'autant que, comme le rapporteur l'a fort opportunément rappelé, il ne revient pas aux juridictions saisies d'aller au fond de la question de constitutionnalité mais au Conseil constitutionnel.

Le groupe UMP est sensible à l'équilibre trouvé par la commission des lois, laquelle a prévu un délai au-delà duquel la saisine directe de la Cour de cassation et du Conseil d'État par toutes les parties ne sera plus automatique. De la même manière, nous sommes sensibles au fait que la Cour de cassation et le Conseil d'État disposent d'un délai de trois mois, que nous estimons tout à fait raisonnable, pour saisir à leur tour le Conseil constitutionnel.

Il faut bien savoir quels sont les enjeux à l'issue de la procédure. Il ne s'agit pour les justiciables de demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur l'applicabilité d'une disposition dans telle instance mais de le saisir, comme peuvent le faire les députés et les sénateurs, afin qu'il annule purement ou simplement une disposition qui serait à cette occasion déclarée contraire à la Constitution, ce qui est fondamental.

Madame la ministre d'État, sachez que le groupe UMP est à vos côtés pour soutenir ce projet de loi important et bien rédigé, fruit d'un travail approfondi.

Pour finir, chers collègues, j'espère que l'esprit positif qui a présidé aux travaux de la commission des lois régnera à nouveau dans notre hémicycle cet après-midi. Ce serait l'honneur de notre assemblée que de créer un consensus autour de ce droit nouveau, afin qu'il n'y ait aucun doute sur les intentions du Gouvernement comme des parlementaires qui le soutiennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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