À première vue, le principe peut sembler partir d'un certain bon sens. Pourtant, il suscite de nombreuses critiques et inquiétudes : la CNCDH, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, le commissaire européen aux droits de l'homme, l'Observatoire international des prisons, beaucoup d'autres organisations s'y opposent en raison des pouvoirs exorbitants conférés à l'administration pénitentiaire pour la mise en oeuvre de votre dispositif.
Ils craignent à juste titre – je cite Jean-Marie Delarue – que « ce parcours consiste à opérer un tri parmi les condamnés en proposant une évolution à certains d'entre eux et en laissant les autres sans espoir d'amélioration de leur sort ». En outre, comme le signale la CNCDH, ce dispositif « accroît très nettement les risques d'arbitraire ».
Au Sénat, il a été proposé que la décision de l'AP de placer une personne détenue sous un régime de détention plus sévère soit a minima motivée, afin que la décision soit un acte contestable devant le juge. Mme Dati y a opposé la nécessité d'être pragmatique – une fois de plus ! – et de ne pas « complexifier par une procédure trop lourde un dispositif qui ne touche pas à l'exercice des droits ».
On ne peut se contenter d'une telle réponse, niant totalement le pouvoir exorbitant laissé à l'administration ainsi que l'atteinte aux droits des personnes détenues qu'elle pourrait engendrer. Le parcours d'exécution de la peine doit être autorisé par le juge d'application des peines, que votre dispositif place à la marge d'une décision fondamentale sur ces conditions d'exécution et sur la garantie des droits des détenus.
Laisser ce texte en l'état, monsieur le rapporteur, équivaudrait à donner un blanc-seing à l'administration pénitentiaire sur les conditions de détention et à nier la garantie des droits des personnes détenues. Nous ne pouvons voter un tel article sans vider de sens cette loi.