Quand les détenus pourront s'exprimer librement, vous constaterez que plus de 80 % d'entre eux souhaitent être en cellule individuelle. Bien sûr, si, pour bénéficier d'une telle cellule, on leur propose d'être placés extrêmement loin de leur famille, ce pourcentage baisse. On ne peut toutefois nier l'écrasante proportion de détenus désirant bénéficier d'une encellulement individuel.
Nous sommes face à une volonté régressive, alors que ce principe figure dans notre droit depuis 1874 et que la loi du 15 juin 2000 avait fixé la date butoir du 15 juin 2003. Un délai était évidemment nécessaire pour aménager les prisons afin de respecter le principe réaffirmé par la loi du 15 juin 2000. Trois jours avant l'expiration du délai, une loi a été votée précisant qu'un délai supplémentaire de cinq ans – donc jusqu'en 2008 – était indispensable. En juin 2008, Mme Dati s'est trouvée au pied du mur et elle a trouvé l'échappatoire consistant à remettre en cause le principe de l'encellulement individuel. C'est absolument indigne de notre pays. Je rappelle que le principe de l'encellulement individuel est une des règles pénitentiaires européennes, qu'on ne devrait pas y déroger et qu'il n'y aucune raison de ne pas se fixer une obligation de résultat. Ce devrait être, au contraire, perçu comme un stimulant puisque cela permettrait de régler enfin le problème de la surpopulation dans nos prisons.
En vous parlant, il me revient un souvenir. La première prison que j'ai visitée, quand j'ai été nommée garde des sceaux, était celle d'Avignon. Je n'avais jamais vu de prison auparavant. Quand j'y suis entrée, j'ai pu constater que c'était immonde : ce n'était que crasse, vétusté, insalubrité ! On m'a montré ensuite une cellule dans laquelle vingt-six hommes étaient entassés. Rendez-vous compte ! Ils étaient sur des lits superposés qui ne laissaient de place que pour une petite table de nuit en fer. Voilà ce que l'on voyait il y a encore moins de dix dans nos prisons !
Seule une volonté implacable permettra de résoudre enfin le problème de la surpopulation. Fixez-vous un nouveau délai ! Vous dites qu'en 2012, il n'y aura plus de surpopulation. Alors, établissons qu'à cette date, la règle sera celle de l'encellulement individuel pour tous. Je ne voterai pas une loi qui reviendra sur ce principe !