« Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle sauf quand il est considéré comme préférable pour lui qu'il cohabite avec d'autres détenus » : telle est la conclusion du rapporteur de la commission des lois au Sénat – il n'est pas, lui non plus, un affreux gauchiste –, qui faisait du respect de ce principe l'une des conditions pour appeler à voter le texte. Comment, en effet, voter un texte censé garantir la dignité des personnes détenues en maintenant l'une des raisons essentielles des conditions indignes de détention ? Cela ôterait toute crédibilité à cette loi tant attendue, mais aussi au travail parlementaire puisque le principe de l'encellulement individuel a été réintroduit par la commission des lois au Sénat et voté par cette assemblée. Cela maintiendrait cette infamie, que nous dénonçons tous, qui conduit à maltraiter encore davantage les présumés innocents puisque c'est en maison d'arrêt que le problème se pose essentiellement – 200 % au quartier des hommes de la maison d'arrêt de Caen, par exemple.
De surcroît, cette disposition ne constituerait en aucun cas un moyen de lutter contre les suicides puisqu'elle en est justement l'une des causes. Renoncer à l'encellulement individuel pour prévenir le suicide revient à faire peser sur les codétenus les manquements de l'administration pénitentiaire. Le manque de moyens de l'administration pénitentiaire pour l'accès à la santé, à la formation et au travail laisse les détenus livrés à eux-mêmes et à la violence au sein des établissements. Les plus fragiles, abandonnés au bord du gouffre, sont alors plus prompts à passer à l'acte.
Conditions de détention indignes, violence et absence de prise en charge empêchent toute prévention du suicide. Ce n'est pas aux personnes détenues de s'en charger en étant incarcérées en cellule collective.
Enfin, cela ne représenterait en aucun cas un libre choix pour la personne détenue du fait de l'impossibilité, dans les faits, d'obtenir satisfaction, sauf pour le détenu à accepter d'être transféré dans un établissement éloigné de sa famille. C' est bien pour cette raison que peu de demandes ont été enregistrées depuis la parution du décret de Mme Dati à ce sujet, décret qui met en place une usine à gaz en huit étapes de nature à décourager n'importe qui de déposer une demande.
Madame la garde des sceaux, aucun de vos arguments ne justifie de renoncer à ce principe inscrit dans notre droit depuis 1875. Faire de l'incarcération l'ultime recours, favoriser la réinsertion pour donner un sens à la peine, instaurer un numerus clausus en maison d'arrêt sont les conditions pour parvenir à mettre en oeuvre, dans les faits, l'encellulement individuel.
Vous ne voulez pas vous en donner les moyens. Pis, les programmes de construction de vos nouvelles prisons prévoient une majorité de cellules collectives.
Madame, j'en appelle à votre courage mais aussi à votre ambition. Nous ne pouvons nous résoudre à de tels renoncements car, ainsi que l'a souligné la commission nationale consultative des droits de l'Homme, « le droit de toute personne détenue de disposer d'une cellule individuelle est l'unique façon d'empêcher l'incarcération dans des conditions constitutives d'un traitement inhumain et dégradant ».