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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 15 septembre 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Soyons raisonnables, madame la garde des sceaux, chers collègues de la majorité ! Luttons contre le crime, luttons contre la délinquance ! Ne faisons pas semblant, en adoptant des lois sévères, d'être efficaces ! L'efficacité, c'est le suivi au quotidien, c'est le suivi à la sortie de la prison, c'est le contrôle, c'est la surveillance (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC), ce n'est pas cette radicalisation pénale !

Recul également sur l'encellulement individuel. N'en faisons pas un débat théorique, un débat sur le sexe des anges : poser en principe la question de l'encellulement individuel signifie que l'on va lutter contre la surpopulation carcérale, que l'on va consentir l'effort nécessaire. Il est bien évident que certains détenus, même s'ils sont plutôt minoritaires, préféreront ne pas être seuls en cellule ; il faudra aménager leur situation. Mais, aujourd'hui, nous ne disposons pas des éléments permettant de laisser le libre choix. La question du libre choix, pour l'instant, ne se pose pas. Si nous sommes si réactifs à cette question de l'encellulement individuel, c'est qu'elle pose celle de la surpopulation carcérale.

La surpopulation carcérale, c'est d'abord une promiscuité insupportable. Au moment où je vous parle, me reviennent en mémoire des souvenirs d'une vie antérieure. Je les évoquerai rapidement pour ne pas sombrer dans un pathos toujours délicat. Je revois cet homme au parloir : ce n'est pas un homme de bien, il a sept ou huit condamnations au casier, il a attaqué des banques, terrorisé des postiers, mais il a le bras cassé. Quand je l'interroge un instant, je comprends que c'est son complice qui lui a préventivement cassé le bras pour éviter qu'il ne parle. Dès que j'évoque la possibilité de déposer plainte, il se met à pleurer, à pleurer de peur. C'est cela, la promiscuité ! C'est cela, cette présence insupportable !

Je revois aussi un instant la terreur dans les yeux de ce détenu qui, pendant son sommeil, a d'un coup senti que son codétenu, devenu fou, lui arrachait l'oreille avec les dents. Je n'ai pas le talent oratoire pour vous raconter les hurlements dans la cellule, le bruit des codétenus qui crient dans les cellules d'à côté afin d'alerter le rondier, les tabourets que l'on tape contre la porter pour le faire venir, l'affolement du gradé de permanence chez qui on va chercher la clé, la panique des surveillants qui doivent ouvrir la porte et qui ont bien compris qu'une chose de grave est en train de se passer. Cet homme-là non plus n'était pas un pas un homme de bien, mais même ses victimes, les postiers qu'il avait terrorisés reconnaissent qu'il ne méritaient pas cela. Ces gens-là ne doivent connaître que la prison, pas cette promiscuité insupportable, cette violence insupportable, cette inquisition insupportable des codétenus qui te demandent pourquoi es-tu là, si c'est pour pour des affaires sexuelles, de ces « pointeurs », comme on les appelle dans le jargon des prisons, qui s'arrogent parfois le droit de juger les autres au motif qu'ils seraient des « gens d'honneur » parce que seulement voleurs ou agresseurs à main armée ! C'est tout cela, la surpopulation, cette promiscuité effroyable !

Vous appelez à une « pacification idéologique », vous nous demandez de participer à l'effort de réflexion. Nous le faisons bien volontiers : nous vous avons soumis un certain nombre de suggestions. La première a trait à la surpopulation. Elle est finalement assez simple : c'est ce que l'on appelle le numerus clausus. Avec ce processus, lorsqu'un détenu surnuméraire entre dans un établissement, le détenu le plus proche de la fin de peine bénéficie d'une mesure – et je suis d'accord sur ce point avec le vocabulaire employé par Mme la ministre d'État et M. le rapporteur – non pas d'aménagement, mais d'exécution de la peine à l'extérieur. C'est cela, la nouveauté : la peine ne se résume pas simplement à l'enfermement entre les murs, c'est aussi le contrôle à l'extérieur, la surveillance. Encore faut-il, nous y viendrons tout à l'heure, se donner les moyens de contrôler, de suivre et d'accompagner celui qui sort.

Ce processus permettrait de nous donner satisfaction dans un délai relativement bref : une place pour chaque détenu et des conditions de détention dignes. Cela changerait totalement la face des choses. Ensuite, chaque majorité serait libre de définir le nombre de détenus qu'elle estime nécessaire en construisant des places de prison, mais il n'y aurait aucun détenu en surnombre.

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