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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 15 septembre 2009 à 15h00
Protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, nous ne cacherons ni notre colère ni notre déception à quelques minutes d'un vote qui, à l'issue de plus de cent heures de débats, marquera cette législature d'un triste sceau.

Nous avions déjà consacré plus de soixante heures à DADVSI, qui se révéla, comme nous l'avions prévu – et pour cela nous n'avions pas besoin de boule de cristal ! –, totalement inutile et inapplicable. Mais, pressés par les appétits mercantiles des intermédiaires de l'industrie culturelle, majors de l'industrie du disque et gros producteurs de cinéma, Pascal Nègre et Marin Karmitz en tête, vous avez persisté en présentant HADOPI 1, une loi techniquement inadaptée et liberticide.

Sachant que 40 % des ordinateurs sont piratés et contrôlés à distance, nul ne devrait être tenu pour responsable des informations qui transitent sur sa connexion, ni être sanctionné par une coupure qui, comme le disait si justement notre collègue Didier Mathus, s'assimile à une mort sociale électronique.

La censure du Conseil constitutionnel est venue confirmer notre position et celle du Parlement européen : aujourd'hui, ne vous en déplaise, l'accès à internet est un élément constitutif des libertés fondamentales d'expression et de communication. La coupure de cet accès est donc une atteinte grave aux libertés et ne pouvait être prononcée que par un juge, non par une autorité administrative créée de toutes pièces. Cette HADOPI 1 était plus proche d'une milice des majors monopolistiques que d'une institution indépendante à visée pédagogique, comme le prétendait Mme Albanel et comme le répétait tout à l'heure M. Gosselin.

Monsieur Mitterrand, vous qui êtes le ministre des mots, je vous propose de créer un nouveau groupe nominal : « ministre émérite », titre que vous pourrez décerner à M. Donnedieu de Vabres et à Mme Albanel. Vous le savez bien, monsieur le ministre, malgré vos airs patelins, le Gouvernement n'est pas complètement coupable puisque, en violant la Constitution de la Ve République, vous obtempérez aux caprices du Président et à ses promesses de table au Fouquet's.

La dernière mouture du texte, ou HADOPI 2, est encore plus inefficace et scélérate que la précédente. Vous avez maintenu l'inversion de la charge de la preuve, maintenu la présomption de culpabilité doublée d'une procédure d'exception, l'ordonnance pénale, et alourdi les peines avec une amende de 1 500 euros qui concernera y compris les personnes âgées recevant leurs petits-enfants. Acharnés dans votre logique de répression, vous vous êtes rangés du côté de ceux qui placent le lucre, l'appât frénétique du gain au-dessus de la liberté et méprisent ceux-là mêmes qui les font vivre ; ceux dont les bénéfices, qui se chiffrent en millions d'euros, les conduisent dans les paradis fiscaux que sont la Suisse ou Monaco pour y placer leur magot.

Quelle différence entre les simples citoyens et les puissants ! Pour les uns, une justice expéditive et une insécurité juridique ; l'impunité totale pour les autres. Ceux-ci pourront continuer à étrangler les petits artistes et à vendre leurs CD à des prix prohibitifs, puisque vous vous chargez d'assurer la protection de leur chasse gardée. Comme il est écrit dans l'Ecclésiaste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), « le riche commet une injustice, et il frémit d'indignation ; le pauvre est maltraité, et il demande pardon. » Quel rendez-vous manqué ! Le pouvoir a choisi le leurre et la facilité de la répression.

Nous aurions pu enfin rassembler les créateurs et les internautes, les artistes et leur public, pour inventer le droit d'auteur de demain et permettre l'accès du plus grand nombre à la culture,…

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