Comme j'ai eu l'occasion de le dire en commission, nous sommes opposés à la création d'une réserve civile pénitentiaire. Elle n'est conçue que pour pallier une réelle pénurie de personnels de surveillance dans les établissements pénitentiaires.
La décision gouvernementale de non-remplacement d'un poste de fonctionnaire sur deux et le dépeçage systématique des missions régaliennes de service public sont les causes de cette pénurie, qui est évidemment aggravée par l'augmentation vertigineuse de la population carcérale du fait de l'alourdissement général des condamnations et de leur multiplication.
Il y a deux façons de répondre à la pénurie de personnels de surveillance : soit réduire le nombre de détenus, en facilitant les aménagements de peine, ce que le Gouvernement ne semble plus disposé à faire ; soit embaucher des fonctionnaires supplémentaires en créant des postes de surveillant et d'autres agents du service pénitentiaire. Or vous ne voulez ni l'un ni l'autre. Vous préférez rappeler des personnels retraités.
Ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, le service public pénitentiaire remplit l'une des plus régaliennes de toutes les missions de l'État. Il nous semble donc absolument nécessaire qu'elle soit effectuée par des fonctionnaires de plein droit, en pleine possession de leurs moyens, avec les droits et obligations y afférents.
De plus, cette réserve civile nous conduit à nous interroger sur le droit à la retraite des personnels de surveillance.
L'âge maximal de départ en retraite des personnels pénitentiaires est aujourd'hui fixé à cinquante-cinq ans, en vertu de la pénibilité reconnue de leur travail.
Si, demain, ces personnels retraités peuvent reprendre leur activité dans des établissements pénitentiaires afin d'assurer des missions de sécurité, pourquoi le Gouvernement n'en viendrait-il pas à proposer de relever l'âge de départ à la retraite ? Il s'agirait, ni plus ni moins, d'une remise en cause du droit du travail et du statut des fonctionnaires.
Le parallèle qui a été fait avec la réserve civile de la police nationale n'est pas acceptable. Les personnels de surveillance ne sont pas des agents de sécurité intérieure ; ils ont une mission spécifique et ne relèvent ni du ministère de l'intérieur ni du ministère de la défense. D'ailleurs, cette question mériterait un débat beaucoup plus approfondi.
En fait, le problème qui est posé à travers ce type de proposition est le dramatique manque de moyens dans les établissements pénitentiaires. Inutile d'aller bien loin pour trouver des exemples. À Fresnes, où un surveillant s'occupe de cent détenus par coursive, les personnels nous disent que la situation n'est plus gérable et qu'il est devenu très pesant de faire son travail dans ces conditions. L'état de délabrement de nos prisons mériterait qu'on engage des moyens beaucoup plus importants. Cette réalité douloureuse est vécue aussi à Fleury, où l'on dispose de quatorze douches pour trois cents détenus. Évidemment, cela prend beaucoup de temps, et c'est au détriment de celui qui doit être consacré à établir des relations et à s'inscrire dans un processus d'insertion, de réadaptation des personnes sous main de justice.
Voilà pourquoi nous proposons de recruter des personnels des services publics pénitentiaires plutôt que d'avoir recours à des retraités.