Ils touchent à un aspect essentiellement philosophique, que nous avons évoqué à plusieurs reprises, celui du sens et du symbole, dans la mesure où la justice est le domaine par excellence où, depuis Platon, la République prend toute sa valeur. Par l'amendement n° 79 , je veux rendre à la sécurité publique sa place, c'est-à-dire la plus haute dans le domaine de la justice. En commission, le rapporteur m'a dit que mon amendement était satisfait par l'article 1er A. Or celui-ci ne parle absolument pas de sécurité publique, mais de protection de la société, et avec des limites qui ne me satisfont pas : d'abord il s'agit de concilier la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime comme si tout cela était sur le même plan ; ensuite, la notion de protection de la société ne recouvre absolument pas la sécurité publique. Elle sous-entend en effet qu'il y a d'un côté la société, et de l'autre des individus qui pourraient chercher à lui porter atteinte. Elle fait de la société une « chose » à protéger.
Or la sécurité n'est pas une chose, c'est une valeur, et même l'une des premières valeurs républicaines. Référons-nous aux philosophes du XVIIIe siècle. Pour Montesquieu, la première des libertés pour un citoyen, c'est la sûreté, c'est-à-dire la sécurité, qui doit donc figurer en tête de la loi. Et Rousseau dans le Contrat social, nous dit qu'il consent à être puni, tout simplement pour ne pas risquer de devenir à son tour victime d'un agresseur. Sous cette notion de sécurité publique, il ne faut donc pas distinguer d'un côté la société et de l'autre ceux qui portent atteinte à ses valeurs : tous les individus sont à la fois des citoyens qui demandent qu'il y ait une justice et, potentiellement, des délinquants qui doivent subir cette justice pour que la société soit mieux protégée.
Dès lors, la sécurité publique doit figurer en tête. On ne peut, comme dans la deuxième phrase de l'article 1er, écrire que le service public pénitentiaire « contribue à l'insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique… ». Il faut dire dès la première phrase que « le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions pénales et à la sécurité publique ». C'est dans ce cadre que, ensuite, on doit reconnaître le droit des personnes et penser à prévenir la récidive. Dans le texte en l'état, on ne parle de la sécurité publique qu'en troisième position, comme si c'était un objet secondaire. C'est qu'on entend par là sécurité intérieure, laquelle n'est qu'un des éléments du service pénitentiaire. Le service pénitentiaire doit, effectivement, veiller à faire respecter les droits des personnes, prévenir la récidive, et assurer l'ordre…