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Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 28 septembre 2009 à 15h00
Parité de financement entre écoles publiques et privées pour l'accueil des élèves hors de leur commune de résidence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons est à la fois technique et profondément symbolique. Permettez-moi de m'attarder sur ces deux aspects.

En 2004, le sénateur Charasse avait déposé un amendement dont l'intention initiale était d'éviter que les maires de certaines communes rurales n'encouragent les enfants d'âge scolaire à fréquenter les écoles privées des communes avoisinantes pour lesquelles ils ne payaient pas de contribution. L'application, que je qualifierais d'abusive, de cette disposition aboutit à l'inverse à rendre obligatoire une ancienne possibilité de contribution au financement des écoles privées, hors du territoire de la commune, précédemment fixée par voie conventionnelle.

Selon ceux qui défendent cette proposition de loi, elle vise à mettre fin à un flou juridique né de cette interprétation de l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Les promoteurs du texte proclament même qu'avec lui il sera mis un terme à une inégalité de traitement entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat d'association.

Cela est malheureusement faux, et ce texte porte en lui deux écueils majeurs. Tout d'abord, si elle réduit le déséquilibre né de la loi du 13 août 2004, cette proposition de loi est loin d'y remédier. Ensuite, un second écueil réside précisément dans le fait que ce texte sanctuarise ces inégalités.

Par ailleurs, je me permets d'évoquer à cette tribune d'autres déséquilibres entre le public et le privé sous contrat. Les établissements publics et privés sous contrat d'association remplissent des missions de service public : c'est un fait. Je note néanmoins que les premiers sont les seuls à le proposer gratuitement, et cela, depuis les lois Ferry. Je note également que seuls les établissements privés pratiquent la sélection des élèves.

Entre une école gratuite et une autre payante ; entre une école de toutes les filles et tous les fils de la République, et une école de certains, devrait-il y avoir un traitement identique de la part des pouvoirs publics ? Je ne le pense pas. Devrait-on faire courir à notre école publique une course à handicap ? Au contraire, il me semble qu'elle devrait être privilégiée.

Finalement, ces éléments pourraient, à eux seuls, justifier que l'obligation de financement par les communes de résidence ne s'applique que pour les établissements publics.

Si les modalités de ce texte sont techniques – et rendues plus complexes encore si l'on y ajoute les EPCI des regroupements pédagogiques intercommunaux et le mécanisme de calcul des contributions –, ses implications sont, quant à elles, éminemment symboliques.

Imaginez, chers collègues, un village rural français dont l'école vient d'être fermée en raison du manque d'élèves et, comme c'est souvent le cas, du désengagement de l'État. Voici que cette commune se trouverait dans l'obligation de financer l'école privée qui, de surcroît, se trouve dans du village voisin ! C'est la triple peine !

Il ne s'agit pas de remettre en cause la liberté d'enseignement – comme vous, j'y suis attachée –, mais nous devons nous interroger sur les orientations que nous voulons donner au service public français de l'éducation.

« Il ne faut pas rallumer la guerre scolaire », nous disent les initiateurs du texte, et je souscris à leurs propos. Dans ce but, évitons donc les réformes qui soufflent sur ces braises. Une solution simple et vraiment équilibrée serait de supprimer purement et simplement l'article 89 afin de revenir à la situation antérieure à la loi d'août 2004 et de ne pas remettre en cause le principe de libre administration des collectivités locales.

Par ailleurs, les débats parlementaires m'ont permis de noter l'absence d'un terme devenu tabou. Dans les textes, dans les rapports, dans les argumentaires, il n'est jamais fait mention de la laïcité. Si la « laïcité positive » consiste à occulter la laïcité, il faudrait songer à changer cette épithète.

L'article 1er de notre Constitution ne proclame-t-il pas : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » ? Pour les radicaux de gauche, cette proposition de loi constitue la dernière attaque contre le principe de laïcité.

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