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Intervention de Michèle Delaunay

Réunion du 28 septembre 2009 à 15h00
Parité de financement entre écoles publiques et privées pour l'accueil des élèves hors de leur commune de résidence — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Delaunay :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est avec un grand sens de la responsabilité que les députés socialistes, radicaux et citoyens abordent ce texte relatif au financement des écoles élémentaires privées accueillant des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence. Avec un grand sens de la responsabilité, mais aussi avec pragmatisme.

Beaucoup d'entre nous gèrent une commune ou une collectivité. Tous connaissent à la fois le prix et le coût de l'enseignement. Tous en connaissent aussi l'importance décisive, pour le présent et pour le futur. Être pragmatique signifie pour eux éprouver chaque jour l'impérieuse nécessité de la mixité scolaire, si nous ne voulons pas voir notre équilibre social nous exploser à la figure dans un délai très court. Tous enfin sont guidés par un grand sens de la responsabilité mais aussi par la conscience de ce qui est à la base de leur engagement : le service de la République.

Tous, sur ces bancs, nous savons que l'école est, avec la santé et la justice, l'un des trois piliers de notre système politique, l'un des piliers de notre « vivre ensemble » et la clef de notre avenir. Pour notre part, nous voulons que, sans avoir à employer de mots, tous les Français, et d'abord les plus jeunes, le sachent aussi.

Deux pages, trois articles et un titre presque aussi long que le texte lui-même : c'est toujours un signe… Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, mais surtout rapidement. Ce titre de neuf lignes ne dit rien d'autre que l'ambiguïté de ce texte, qu'une fois de plus vous présentez non comme un projet mais comme une proposition de loi, ce qui n'est pas insignifiant.

Juste mise en adéquation des textes aux faits ou texte fondamentalement, radicalement politique, cachant derrière chaque point-virgule une possible et dangereuse évolution de notre système scolaire ? Vous le savez : quand on s'interroge, c'est bien souvent qu'on a déjà répondu. Et sur tous ces bancs – nous l'avons constaté en commission – la réponse est finalement semblable, même si elle ne conduit pas toujours à la même attitude.

Deux pages et trois articles, mais derrière eux un siècle et demi d'histoire, qu'il ne s'agit ni de ranimer ni de raviver, mais seulement de comprendre au regard des enjeux d'aujourd'hui, qui sont, permettez-moi de vous le dire, radicalement différents de ceux qui, en 1959, ont présidé à la rédaction de la loi Debré : cinquante ans ont passé.

L'histoire ne me retiendra pas longtemps car, dans cet hémicycle, nous la connaissons, même si ce n'est plus le cas de tous nos concitoyens. De cette histoire, je ne retiendrai donc que quelques repères pour que ceux qui nous entendent ou qui nous liront au-delà de la demi-circonférence de notre assemblée puissent en situer les avancées ou les reculs.

La loi Debré de 1959 définit, d'une part, des établissements publics et, d'autre part, des établissements privés conventionnés, financés par l'État et liés par contrat avec lui sous réserve d'obligations. La loi Guermeur fixe en 1977 une contribution forfaitaire versée par les communes par élève et par an. Puis, en 1985, une disposition prise au Sénat pose le principe de la participation de la commune de résidence aux frais de scolarité dans une école publique d'une autre commune, sans arbitrage préfectoral en cas de désaccord du maire. Jusqu'en 2004, donc, la possibilité de financement concernant les enfants non résidents se fait par convention.

L'article 89 de la loi du 13 août 2004, né d'un malentendu, l'intention de son auteur étant tout autre que son application, est relatif à la prise en charge par les communes des frais de fonctionnement des classes élémentaires hors du territoire de résidence des enfants. Cet article – beaucoup s'en souviennent – a été adopté comme « réputé conforme » sans avoir été examiné par les députés. Il institue une obligation de financement du privé à hauteur du public ; il prévoit une intervention du préfet à défaut d'accord entre les communes ; aucune référence n'est faite à des conditions limitatives alors qu'elles existent pour le public.

Vous le savez, le décret d'application n'est jamais sorti, mais une simple circulaire – deux en réalité, en 2005 et 2007 – ne levant en aucun cas les ambiguïtés. Le Conseil d'État n'a d'ailleurs toujours pas statué sur la dernière de ces circulaires.

Vous n'ignorez pas non plus que, le 28 février 2008, le tribunal administratif de Dijon a annulé une délibération du conseil municipal de Semur-en-Brionnais qui avait refusé de participer aux frais de scolarisation de trois enfants résidant dans la commune mais inscrits dans une école élémentaire privée sous contrat située sur le territoire d'une autre commune.

La commune invoquait, d'une part, l'absence d'accord préalable de son maire et, d'autre part, l'existence dans sa commune d'une garderie et d'une cantine. Le tribunal administratif lui a donné tort, considérant que la notion de capacité d'accueil suffisante ne pouvait être retenue dans la mesure où les établissements privés ne sont pas soumis à la carte scolaire et sont choisis principalement en fonction de leur caractère propre. Il existe donc bien une divergence d'interprétation, qui suscite plus que de simples inquiétudes et a des conséquences lourdes et tangibles.

Le sort d'un article fondé sur un malentendu et ne répondant pas aux intentions de son auteur, à l'origine de circulaires ambiguës sur lesquelles le Conseil d'État n'a toujours pas tranché et ouvrant la voie à des contentieux, même si ceux-ci sont dans la pratique peu nombreux, n'est il pas purement et simplement d'être abrogé ?

Nous l'avons proposé à deux reprises, dont la dernière en novembre 2007 par la voix de Jean Glavany, dont je salue le travail. Vous avez, comme chaque fois, refusé de débattre sur cette proposition de loi et opposé une fin de non-recevoir. Vous ne faites mine aujourd'hui d'entendre notre demande qu'en l'incluant dans une proposition de loi qui, au contraire, en confirme le principe ; est-ce loyal ?

Mais revenons au texte et à son titre. Dans le titre même de cette proposition de loi, on parle de parité entre écoles privées et écoles publiques. Où avez vous vu que cette parité soit une obligation constitutionnelle ? Quel sens donnez-vous à ce mot : égalité de droits ? de devoirs ? de chiffres ? Il n'y a de parité qu'à égalité d'obligations et de charges.

Je prendrai un exemple à Bordeaux, où le manque d'équipements sportifs se fait cruellement sentir. L'enseignement privé, qui bénéficie de l'usage des équipements sportifs publics a-t-il l'obligation, en cas de carence du public, de mettre à disposition des enfants ses salles de sport et ses équipements ? Non !

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