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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 28 septembre 2009 à 15h00
Règles d'application de l'article 40 de la constitution — Communication de m. le président de la commission des finances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, mes chers collègues, je souhaite, après en avoir parlé avec le président de notre assemblée, faire quelques observations sur l'article 40 de la Constitution et son application aux textes soumis à notre examen.

Notre assemblée débat aujourd'hui successivement de deux propositions de loi : l'une, adoptée par le Sénat en première lecture, tend à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence ; l'autre, présentée par notre collègue Arnaud Robinet, tend à permettre le recours au vote à distance par voie électronique lors des élections des membres des conseils des établissements publics à caractère culturel, scientifique et professionnel.

Je rappelle que, depuis l'entrée en vigueur de notre nouveau règlement et de son article 89, l'appréciation de la recevabilité financière des propositions de loi est effectuée au dépôt par une délégation du bureau de l'Assemblée. L'article 40 peut également être opposé à tout moment ultérieur aux propositions de loi et aux amendements par le Gouvernement et par tout député.

C'est en application de cette dernière disposition que j'ai été saisi de la recevabilité de ces deux propositions de loi. Compte tenu de l'émoi, voire de la polémique, suscité par les décisions que j'ai rendues, il m'a semblé indispensable de rappeler les règles élémentaires d'application de l'article 40, telles qu'énoncées par la Constitution et aménagées par notre règlement.

S'agissant de la proposition de loi relative au financement paritaire des écoles élémentaires publiques et privées, j'ai été saisi de la recevabilité de son article 1er. Je me suis déclaré incompétent pour en apprécier la conformité à l'article 40. En effet, conformément aux alinéas 1 et 4 de l'article 89 de notre règlement, il m'appartient d'apprécier les seules propositions de loi présentées par les députés – ce qui paraît, du reste, tout à fait logique. Le Sénat a souverainement adopté ce texte et il n'appartient pas au président de la commission des finances de l'Assemblée nationale d'en contester la recevabilité.

Cette décision n'est pas nouvelle et s'inscrit dans la continuité d'une interprétation constante des textes. C'est en effet l'interprétation qui avait prévalu dès 1959, lorsque Michel Habib-Deloncle, rapporteur de la commission spéciale chargée de préparer le règlement de l'Assemblée nationale, indiquait dans son rapport : « C'est à l'intérieur de chaque assemblée que s'effectue le contrôle des initiatives de ses membres. Il en résulte que l'Assemblée n'a pas à discuter la recevabilité au sens de l'article 40 des propositions transmises par le Sénat. La réciproque est également vraie. » Ce fut constamment le cas par la suite.

En effet, dans son rapport sur la recevabilité financière dans la procédure législative, l'un de mes prédécesseurs, Robert-André Vivien, évoquait, en 1980, le problème de l'opposabilité de l'article 40 aux textes transmis par l'autre assemblée après son examen en première lecture et il répondait en ces termes : « Un texte adopté par une assemblée ne peut plus être exactement considéré comme répondant à la définition retenue par l'article 40, au moins pour les instances de l'autre assemblée, lorsqu'il parvient, éventuellement modifié par des amendements gouvernementaux et avec l'autorité de la chose jugée, sur le bureau de la deuxième chambre. Surtout, il serait difficilement compatible avec le respect de l'autonomie des procédures de recevabilité reconnue à chaque assemblée que la deuxième chambre puisse s'arroger le rôle d'organe d'appel des décisions rendues par la première dans le champ de ses propres compétences constitutionnelles. »

On ne saurait mieux dire que le règlement de l'Assemblée nationale s'applique aux seules initiatives des députés. Cette interprétation est constante et a d'ailleurs prévalu en 1980 au Sénat, au sujet d'une proposition de loi relative à l'intéressement des travailleurs au capital, adoptée en première lecture par l'Assemblée et dont la recevabilité était contestée par un sénateur.

Il est donc tout à fait légitime que la première proposition de loi soit examinée en séance publique.

S'agissant de la proposition de loi relative au vote électronique pour les élections des membres des conseils des établissements publics à caractère culturel, scientifique et professionnel, j'ai été saisi, à l'issue de l'adoption du texte par la commission des affaires culturelles, à double titre, par Mme Marie-Hélène Amiable et par la présidente de la commission elle-même.

J'ai déclaré contraires à l'article 40 deux dispositions de cette proposition de loi. En effet, l'article 1er autorise le recours au vote électronique pour l'élection des membres du conseil de ces établissements, ce qui suppose l'achat de matériels et de logiciels informatiques qui constituent une charge pour ces établissements, au même titre que l'article 3, qui étend ces dispositions aux collectivités d'outre-mer.

La mise en place d'une procédure de vote électronique passe par un contrat avec un prestataire dédié, qui doit fournir au minimum la solution informatique – les logiciels, un accès sécurisé au site internet dédié – ainsi que l'infrastructure pour développer et exploiter la solution et la gestion des données : calcul des identifiants et des mots de passe chiffrés, transmission des listes d'émargement. Ces solutions doivent comporter un système complet de cryptage, de séparation des données, le chiffrement du bulletin de vote depuis le poste électeur, le partage et la conservation sous scellés des clés nécessaires au dépouillement conformément aux recommandations de la CNIL : toutes choses qui nécessitent la mobilisation de moyens financiers importants sur une période qui peut être effectivement longue.

La mise en place d'une solution de vote électronique dans l'ensemble des universités françaises ne manquerait donc pas de constituer une charge publique. Quand bien même elle passerait par la diminution d'autres dépenses au sein des établissements, elle restait irrecevable puisqu'aux termes de l'article 40 de la Constitution, la création d'une charge publique ne peut faire l'objet d'aucune compensation.

J'ai souhaité, monsieur le président, faire cette mise au point, car une polémique a pu naître, la semaine dernière, au prétexte que le président de la commission des finances aurait la volonté la volonté d'empêcher un débat dans notre assemblée. C'est lui prêter un pouvoir qu'il n'a pas.

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